Contrats aidés : la petite révolution du rapport Borello

Contrats aidés : la petite révolution du rapport Borello

17.01.2018

Action sociale

"Les contrats aidés sont morts. Vive les parcours emploi compétence", tel pourrait être la principale nouveauté du rapport de Jean-Marc Borello "Donnons-nous les moyens de l'inclusion" remis à la ministre du travail. L'idée est de sortir d'une logique du chiffre pour aller vers une exigence de qualité dans la formation et l'accompagnement des personnes accueillies.

Il n'était pas peu fier, Jean-Marc Borello, de créer l'événement pour la remise de son rapport tant attendu suite à la réduction drastique du nombre de contrats aidés décidée l'été dernier. Le patron charismatique du groupe SOS avait quelques sujets de satisfaction : la remise de son rapport ne se passait pas sous les ors de la République, mais à proximité des fourneaux du chef Thierry Marx, créateur de l'Ecole de cuisine, mode d'emploi(s), qui accueillait la conférence de presse ; les médias avaient répondu, nombreux, à l'appel ; le rapport n'allait pas retomber dans l'oubli puisque le jour-même, une circulaire était envoyée aux préfets, reprenant une partie de ses propositions (lire notre article).

Se retrousser les manches

Jean-Marc Borello avait le sourire - et le verbe gouailleur - car avant la présentation dudit rapport, il pouvait donner la parole à des porteurs de projets qui ont fait leurs preuves pour remettre en route des personnes sorties des radars. Ont ainsi pu témoigner une demi-douzaine d'initiatives, parmi lesquelles les écoles de la seconde chance ou l'association "Nos quartiers ont des talents", etc. Une manière assez habile de montrer que, face aux "pleureuses" associatives (qui ont dénoncé l'arrêt brutal des emplois aidés), certains se sont retroussé les manches depuis belle lurette et obtiennent des résultats probants en termes d'inclusion par le travail.

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Aider une personne et non une structure

Tout ça pour quoi ? Le rapport Borello propose ni plus ni moins une petite révolution dans le monde de l'insertion par le travail. En gros, il s'agit de refonder l'ensemble du dispositif en mettant le bénéficiaire au centre. "Les contrats aidés, c'est-à-dire d'aide aux structures doivent disparaître et laisser place à des parcours emploi compétences qui aideront une personne et non une structure", assène le rapport qui enfonce le clou : "L'argent public destiné à l'emploi ne doit pas servir à équilibrer les finances d'une collectivité ou d'une association".

Triptyque gagnant

Le rapport explique que la réduction des concours publics aux associations a souvent été compensée par l'attribution de contrats aidés sans aucune garantie sur l'existence d'action de formation et d'accompagnement social. Or, explique Borello, l'inclusion par le travail n'est possible que si trois conditions sont réunies : une mise en emploi, des actions de formation et un dispositif d'accompagnement de la personne.

Sélection des employeurs

Donc, les contrats aidés ancienne formule sont enterrés : l'outil n'est pas jugé mauvais en soi, mais il aurait été utilisé comme une variable d'ajustement des chiffres du chômage et aurait des chiffres de réussite (débouché sur un emploi d'au moins 6 mois ou une formation qualifiante) qui tourneraient autour de 25-30 %. Place donc aux parcours emploi compétence ! Le principe est simple sur le papier. Les services de l'Etat (Direccte) sélectionnent des employeurs publics ou associatifs qui peuvent répondre au triptyque "emploi, formation, accompagnement" et Pôle emploi retient des candidats éloignés véritablement du marché de l'emploi. Un contrat est signé entre les trois parties (Pôle emploi, l'employeur et la personne) qui prévoit les obligations de chacun. Avant la fin du contrat, un nouveau rendez-vous a lieu entre ces trois parties pour préparer une sortie du dispositif et éviter de lâcher les personnes dans la nature sans aucune perspective.

Fonds d'inclusion dans l'emploi

De façon très concrète, cela signifie que les préfets de région n'auront plus d'objectifs chiffrés à atteindre en matière de contrats aidés. Il leur est davantage demandé une obligation de résultats pour que les parcours emploi compétence débouchent sur de l'inclusion. Pour les aider à changer de logique, un fonds d'inclusion dans l'emploi est créé pour financer des projets innovants ou répondre à des urgences. Un montant de 100 M€ a été évoqué lors de la remise du rapport, sans que ce montant n'apparaisse formellement dans la circulaire de la DGEFP.

Tenir compte des réalités de terrain

A noter que le rapport Borello va beaucoup plus loin puisqu'il propose de créer un fonds d'inclusion dans l'emploi regroupant l'ensemble des financements (soit 2,3 milliards d'euros) correspondant aux parcours emploi compétence, l'insertion par l'activité économique (IAE), les entreprises adaptées et les mesures consacrées aux jeunes. L'idée est d'appliquer la fongibilité des financements en sortant d'une logique de silos et donc de tenir davantage compte des réalités de terrain. On pourrait s'appuyer ici sur des entreprises d'insertion dynamiques, là sur une école de la seconde chance, ailleurs sur un tissu associatif dense.

Un bonus malus pour les entreprises

Le rapport, jugé "foisonnant et structuré" par la ministre, regorge de propositions parfois iconoclastes. Il propose, par exemple, d'instaurer un système de bonus-malus pour les entreprises qui serait fonction du nombre de chômeurs de longue durée embauchés. L'objectif est de faire du retour à l'emploi un enjeu de toute la société, y compris des entreprises.

De nombreux développements concerne l'IAE. Le rapport souhaite que chaque année, celle-ci emploie 20 % de salariés en plus. D'autre part, il propose que soit pris en compte le critère d'éloignement de l'emploi pour récompenser les structures prenant le risque d'embaucher des personnes jugées peu employables.

Autoriser le travail pour les demandeurs d'asile

L'ancien éducateur Jean-Marc Borello s'intéresse également aux jeunes majeurs qui sortent de l'aide sociale à l'enfance (ASE) sans aucune perspective d'emploi ou de qualification. Il propose, dès lors, de permettre aux structures de l'ASE (dépendant des départements) de prescrire la Garantie jeunes, actuellement délivrée par les seules Missions locales. Enfin, on lira une proposition qui a peu de chances d'obtenir le soutien du ministère de l'intérieur : autoriser les demandeurs d'asile à travailler. Les nombreux entretiens (400 personnes rencontrées, selon le rapporteur) ont souvent déploré les "parcours kafkaïens" rencontrés par de nombreux migrants, obstacle à une inclusion dans la société française.

Noël Bouttier
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