Depuis un an la « mobilisation nationale contre l'isolement des âgés » (Monalisa) se déploie en misant sur les citoyens, mais aussi sur les établissements et services médico-sociaux. Leurs professionnels sont en première ligne face à la solitude du quatrième âge.
« J'ai vu mon fils à la télé ! » Voilà le type d'exclamation que lancent certains anciens, dans l'Ain, depuis novembre 2013. En réalité, c'est à travers un écran d'ordinateur que ces personnes âgées parviennent à discuter, en visiophonie, avec un proche vivant trop loin de chez elles. La rencontre est à chaque fois permise par un volontaire en service civique, ainsi qu'un bénévole de la Croix-Rouge française, qui ont organisé le rendez-vous, et assurent la connexion auprès du senior. Proposé une fois par mois, et désormais accessible dans toute la région Rhône-Alpes, le service porte plutôt bien son nom : « Allô, tu me vois ? »
Echanges
Cette action s'inscrit désormais dans la « mobilisation nationale contre l'isolement des âgés » (Monalisa), lancée voilà un an à l'initiative de Michèle Delaunay, l'ancienne ministre déléguée aux Personnes âgées. Avec cette labellisation, « l'équipe citoyenne » constituée à Bourg-en-Bresse devrait pouvoir échanger « avec des associations qui connaissent bien les personnes âgées », espère Elodie Laforgue, bénévole de la Croix-Rouge et référente de l'action dans l'Ain. A terme, les mobilisés pourraient même bénéficier de formations à l'aide aux personnes âgées, à travers le réseau de Monalisa.
Confiance
Et pour préserver les plus vieux de la solitude, cette action repose notamment sur des établissements et services médico-sociaux. « En pratique les personnes âgées sont difficiles à atteindre, elles ne nous font pas forcément confiance et ne comprennent pas bien le projet », observe Elodie Laforgue. « Nous sommes donc d'abord passés par des Ehpad et des foyers-logements, où les professionnels ont pu cibler les résidents qui voient peu leur famille. » Des services d'aide à domicile ont aussi été informés du projet. Et à ce jour, 19 personnes âgées isolées de l'Ain ont ainsi pu reprendre des contacts réguliers avec leurs proches.
Témoins
A travers la France, les personnels des établissements et services pour personnes âgées peuvent pareillement se sentir concernés par le déploiement de Monalisa, selon son référent national Jean-François Serres. « Ils sont les premiers témoins des situations de souffrance de personnes qui vivent la solitude, et pourtant n'ont pas les moyens d'y répondre par une relation d'amitié gratuite et réciproque. » Deux solutions se présentent alors : des visites de bénévoles peuvent être organisées par des établissements pour leurs propres résidents solitaires, mais aussi par certains services d'aide à domicile ; d'autres structures veillent au moins à signaler les personnes isolées, à des « équipes citoyennes » déjà en activité.
« Notre ambition est que sur les territoires, les équipes Monalisa soient repérées comme des acteurs du « prendre soin » par les établissements et services médico-sociaux », espère Jean-François Serres, par ailleurs délégué général des Petits frères des pauvres. « Il faudra bien construire la complémentarité entre les professionnels et ces bénévoles », qui ne se substituent « ni aux personnels, ni aux familles ».
Porte-voix
Au-delà des quelque cinquante « initiatives » de terrain signalées à Monalisa, et des 56 « équipes citoyennes » formellement engagées dans la démarche, plusieurs porte-voix nationaux des établissements et services appuient eux-mêmes la mobilisation. L'ADMR, la Fnadepa, l'Unccas ou l'Uniopss figurent ainsi parmi les 113 signataires de la charte Monalisa, qui les engage à contribuer à la lutte contre l'isolement des personnes âgées.
Formations
Si l'inscription dans cette mobilisation nationale permet d'unir les forces, comme le souligne Jean-François Serres, elle donne aussi accès à des formations, « pour les acteurs déjà constitués en coopérations départementales ». Il reste qu'avec ses 800 000 euros de budget total pour 2015, l'association Monalisa ne peut guère couvrir que « l'amorçage » de ces formations. « Le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement prévoit de créer, dans chaque département, une conférence des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie », rappelle cependant Jean-François Serres. Et la lutte contre l'isolement devrait logiquement pouvoir y trouver des budgets.
Ceci étant le texte n'entrera en vigueur qu'au 1er janvier 2016, comme l'a rappelé Laurence Rossignol, en clôture des premières rencontres Monalisa, le 27 janvier à Paris. La secrétaire d'Etat aux personnes âgées a d'ailleurs précisé que l'examen en première lecture au Sénat débutera avant la fin du mois de mars 2015. Les personnes âgées isolées pourront peut-être suivre les débats à la télé.