Il aura fallu attendre le 23 août pour découvrir comment, à la rentrée, réorganiser les formations des assistants sociaux ou des éducateurs, pour reconnaître leurs diplômes au grade de la licence. Mais n’est-il pas déjà trop tard, pour les établissements et leurs élèves ? Corinne Michel, adjointe au Directeur général de la cohésion sociale (DGCS) (1), écarte les inquiétudes.
tsa : C’est par un arrêté de mars 2017 qu’avait été prévue l’élévation de ces cinq diplômes au niveau 2, dès « la rentrée scolaire de septembre 2018 ». Pourquoi a-t-il fallu attendre la fin août 2018 pour en livrer un mode d’emploi ?
Corinne Michel : Rappelons que le principe de cette réingénierie avait été décidé dans le Plan d’action en faveur du travail social et du développement social, en octobre 2015, à la suite des Etats généraux du travail social. L’objectif politique - dans une parfaite continuité entre les deux mandatures - était de valoriser le travail social et de réformer ces cinq diplômes, afin de les élever au niveau 2 du répertoire national des certifications professionnelles, tout en les adossant au grade de la licence. L’enjeu était de favoriser de nouveaux parcours de formation et de carrière, mais aussi d’intégrer dans les études des problématiques nouvelles – telles que la participation des personnes accompagnées, le développement social, ou encore les usages du numérique dans le travail social.
Il ne s’agissait pas simplement de « piloter par les délais » cette refonte complète des diplômes, en considérant comme secondaire la qualité de la réflexion par rapport au respect du calendrier. En l’occurrence, la date butoir avait été fixée au 1er septembre 2018, afin que la rentrée se fasse dans ce nouveau cadre pour les 9 000 étudiants entrant en première année. Nous en avons donc tenu compte, sans le faire au détriment de la qualité des travaux, assurée grâce à une gouvernance très complète par la Commission professionnelle consultative (CPC) du travail social.
Dans le Journal officiel du 23 août ont ainsi pu être publiés 8 textes réglementaires et 41 annexes, couvrant plus de 400 pages, élaborés depuis janvier. Ce fut un travail de bénédictin.
Pourquoi a-t-il donc fallu autant de temps ?
Pour commencer, les quinze référentiels liés aux cinq diplômes devaient être validés par la CPC - ce qui fut fait le 22 janvier dernier. La rédaction des textes ne pouvait pas commencer avant ce point de départ. C’est en mai que nous avons pu présenter les projets de textes réglementaires à la CPC. Sur la base de quoi, l’un des décrets devait être soumis au Conseil d’Etat. Il fallait en outre passer par une phase de consultation extrêmement nourrie, avec pas moins de dix-huit instances à solliciter dans différents ministères. Ce temps de rédaction, de consultation et de formalisation a ainsi duré jusqu’en août. Les textes désormais parus ont été particulièrement travaillés et ne devraient susciter aucune incompréhension de la part de leurs lecteurs futurs – voire du juge !
Mais pendant ce temps, les responsables des établissements de formation n’ont eu aucune instruction officielle pour préparer cette réforme ?
En septembre 2017, nous avions eu un échange méthodologique à ce sujet au sein de la CPC. Nous avions conclu que reporter encore d’une année la mise en œuvre conduirait, finalement, à rouvrir des débats, sans pourtant garantir une application dans les meilleures conditions en 2019. Nous avons donc préféré tenir l’échéance. Pour ce faire, nous étions décidés à communiquer tout ce qui pouvait l’être, sitôt les référentiels votés en janvier. Dès février, les directeurs devaient ainsi pouvoir commencer à préparer la mise en œuvre de la réforme, ainsi que la procédure d’autorisation d’ouverture auprès du ministère de l’Enseignement supérieur. D’où l’instruction du 23 février 2018, qui a informé les directeurs, via les DRJSCS (2), des modalités de conventionnement avec les universités… Et au même moment, les référentiels ont été rendus disponibles.
Mais c’était dans leurs versions transitoires, qu’ont bien voulu diffuser des membres de la CPC...
Ce qui n’était pas un problème puisque les référentiels n’avaient plus vocation à bouger. Et voilà bien l’intérêt que la CPC soit représentative de l’ensemble des acteurs !
Par ailleurs, en 2017, a été introduit par voie réglementaire l’agrément par les conseils régionaux des établissements de formation en travail social. Une période transitoire a alors été consentie. Nous avons finalement choisi de proroger cette durée d’une année. Ainsi pour cette rentrée, les 378 établissements ont la possibilité de se concentrer sur leurs nouveaux cursus, avant de travailler à leur agrément pour 2019.
Enfin, les cinq formations partagent désormais un socle commun de compétences et de connaissances, sur la base duquel les établissements peuvent organiser des cours communs. Voilà qui est de nature à faciliter la mise en œuvre des nouveaux cursus.
Pensez-vous donc que les directeurs pourront mettre en œuvre la réforme à temps, pour cette rentrée ?
Je n’en ai aucun doute. Nous n’avons d’ailleurs pas été alertés de difficultés particulières à ce stade. A l’évidence, en septembre, aucun établissement ne sera à 100 % de la mise en œuvre des programmes et des plannings, mais chacun pourra démarrer. Et tous pourront être accompagnés par leurs gestionnaires, comme la Croix-Rouge française, ou encore par une fédération telle que l’Unaforis. Leur DRJSCS et leur rectorat seront aussi à leurs côtés, sur la base d’une instruction adressée dès cette semaine, comportant les modalités concrètes utiles à la mise en œuvre.
Des contrôles et des pénalités sont-ils prévus, pour que les établissements appliquent bien les textes dès la rentrée ?
Aucune pénalité spécifique n’est prévue. Nous sommes bien dans une démarche d’accompagnement. La mise en œuvre se fera sur les trois prochaines années, jusqu’à la délivrance des premiers diplômes en 2021. Mais évidemment le contrôle des établissements existe déjà !
Les élèves qui arrivent en première année ne risquent-ils pas de voir la session 2018-2019 invalidée, par exemple au cas où leur établissement ne conventionnerait pas à temps avec une université ?
Si jamais un établissement ne le faisait pas dans les temps, il est prévu que ses élèves pourraient alors être redéployés au sein d’autres structures. Mais il n’y a pas de raison que cela se produise ! Tous les acteurs vont à présent pouvoir avancer ensemble.
Nous allons être en veille, en appui et en soutien, pour que tout se passe bien et pour que tous les étudiants entrés en 2018, ou en 2020 pour les CESF, puissent achever en même temps leurs formations en 2021, sur la base de diplômes adossés au grade de licence, inscrits au niveau 2, et avec les meilleurs repères et outils pour s’engager dans leur exercice professionnel.
- Corinne Michel est également cheffe du service des politiques d’appui de la DGCS.
- Directeurs régionaux de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale.