Dernière mesure prise par Marisol Touraine, ex-ministre de la santé et des affaires sociales, l’annonce d’un plan de 550 millions d’euros pour outiller le développement des parcours de santé va booster le virage numérique pris dans le secteur sanitaire et social. À la clé : un nouveau cadre des échanges inter-professionnels.
550 millions d’euros sur cinq ans pour le déploiement des services numériques d’appui à la coordination dans les secteurs du sanitaire, du social et du médico-social : l’annonce faite par Marisol Touraine en mars dernier, détaillée dans une instruction de la DGOS (direction générale de l’offre de soins) le 24 avril dernier, soit en toute dernière limite de mandature, a tout du passage de relais avec la future politique de santé du gouvernement d’Emmanuel Macron. Inscrite dans le prolongement des programmes « territoires de soins numériques » et « Hôpital numérique », qui ont accompagné ces dernières années le virage numérique du secteur de la santé, cette enveloppe va amplifier le développement des logiques de parcours de soins en aidant les structures sociales et médico-sociales.
Favoriser les échanges entre professionnels
E-Hôp 2.0, un premier programme doté de 400 millions d’euros, permettra d’investir jusqu’en 2021 dans le développement des systèmes d’information de santé. Il s’agira de soutenir financièrement le développement de solutions numériques visant « à faciliter les liens des établissements sanitaires avec les patients et avec les établissements partenaires », pr��cise la DGOS.
Un second volet, e-Parcours, doté d’une enveloppe de 150 millions d’euros, se centrera quant à lui sur la facilitation des échanges entre professionnels de différents secteurs d’activité. Son ambition est d’offrir aux institutions sanitaires, sociales et médico-sociales les ressources organisationnelles et techniques nécessaires à leur inscription dans les différents dispositifs d’appui à la coordination des parcours, tels que les plateformes territoriales d’appui et les Paerpa (parcours des personnes âgées en risque de perte d’autonomie), actuellement en phase d’expérimentation.
Un déploiement progressif des services numériques
Concrètement, les agences régionales de santé (ARS) sont chargées de définir et mettre en œuvre une « stratégie régionale des services numériques d’appui à la coordination ». C’est sur cette base qu’un déploiement progressif des solutions numériques retenues sera entrepris auprès des partenaires du territoire.
Si l’accompagnement des ARS est par essence régional, les outils testés initialement dans le cadre du programme « Territoire de soins numérique » pourront être proposés aux professionnels sociaux et médico-sociaux à travers toute la France. La DGOS évoque ainsi quelques services numériques « socles », comme la prise de rendez-vous dématérialisée, le partage professionnel-patient du dossier médical, la géolocalisation des équipes mobiles ou encore la gestion et disponibilité des lits en temps réel.
Des expériences déjà bien avancées
Quelques dispositifs pourraient aussi servir de modèle. C’est notamment le cas du dispositif eTICSS (territoire innovant coordonné santé social), en cours de déploiement en Bourgogne-Franche-Comté. Se présentant comme un bouquet de services dédiés au pilotage de la coordination, eTICSS associe le développement numérique – objets connectés, dossier de coordination, accès sécurisé et en temps réel aux données médicales – avec une réorganisation des acteurs du territoire. Via une plateforme internet, ceux-ci bénéficient d’outils de coordination et peuvent également à tout instant être informés de l’offre de places disponibles sur le territoire grâce à un centre d’information et d’orientation. L’idée est d'aboutir à une « vision systémique » des informations du patient, qu’elles soient sanitaires, sociales ou médico-sociales, explique Cédric Duboudin, directeur de la stratégie de l’ARS Bourgogne-Franche-Comté, pour qui « ETICSS est un laboratoire et un accélérateur des évolutions des organisations et de la coordination entre professionnels. »
Autre modèle potentiel : le projet Santé Landes, développé avec le soutien du conseil départemental des Landes et de l’ARS Aquitaine. Tourné vers les personnes atteintes de maladies chroniques, Santé Landes vise à fluidifier les parcours de santé et à favoriser le maintien à domicile grâce à une organisation reposant sur le numérique. Un « Navigateur Pro », disponible sur ordinateur ou smartphone, permet aux professionnels sanitaires, sociaux et médico-sociaux d’accéder à l’ensemble des informations utiles à la coordination et la prise en charge des patients. Un « Compagnon santé », destiné aux patients et aux aidants, donne accès aux actions conduites dans le cadre des parcours de santé et permet d’interagir avec un agenda médical. Enfin, une équipe pluriprofesionnelle, accessible par un numéro unique, informe et oriente les professionnels et les patients, assure un suivi et une coordination des prises en charge.
Toucher l’ensemble des acteurs de la coordination
Quels que soient les modèles d’organisation retenus, les dispositifs financés par les ARS devront se conformer à un schéma d’ensemble rigoureux. En particulier, « être polyvalent » en s’adressant à différents types de populations. Être « portés par un ensemble d’acteurs représentatifs des secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux du territoire concerné », y compris les professionnels libéraux. Enfin, ils devront englober les dispositifs participant aux fonctions d’appui aux professionnels, tels que les réseaux de coordination, les Clic ou les Maia.
Les fonds distribués dans le cadre du volet E-Parcours porteront en premier lieu sur la conduite du changement, l’acquisition de logiciels et leur intégration dans les systèmes informatiques des professionnels du territoire.
Retrouvez nos précédents articles sur "le travail social à l'heure du numérique" :
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