CPOM et fin de l’opposabilité des accords d’entreprise : mais où est le problème ?

CPOM et fin de l’opposabilité des accords d’entreprise : mais où est le problème ?

05.02.2018

Action sociale

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 a réformé le mécanisme de l'opposabilité et de l'agrément des accords collectifs pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) signataires d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM). Dans sa chronique [*], Jean-Pierre Hardy nous livre sa réflexion sur cette réforme.

Les accords d’entreprise des organismes privés signataires d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) n’ont plus à être agréés par la commission nationale d’agrément mais ne sont plus opposables aux financeurs (art. L. 314-6 du code de l’action sociale et des familles issu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018)

Lorsque les accords d’entreprises sont agréés, ils sont opposables aux financeurs même si cela entraîne un dépassement des enveloppes budgétaires. En effet, c’est un bon motif pour gagner un contentieux de la tarification, mais il y en a plus pour les perdre avec l’opposabilité des indicateurs de convergence tarifaire.

A l’inverse des accords non agréés, même financés par des redéploiements internes de crédits ou des économies, pouvaient entraîner des dépenses refusées par l’autorité de tarification (art. R. 314-52 du CASF).

Autofinancement de l’accord d’entreprise

Dans le cadre d’un CPOM avec tarification « à la ressource » (équations tarifaires y compris sur l’hébergement dans les Ehpad [1], dans l’attente de l’équation Serafin-PH, détermination du budget global base zéro – BGBZ – avec son mode d’actualisation annuelle), la conclusion d’accords d’entreprise peut être prévue pour la réalisation d’objectifs stratégiques du CPOM : lutte contre l’absentéisme de certaines catégories de personnel avec des primes de présentéisme, prime de mobilité entre établissements, amélioration de la rémunération de personnels « localement difficiles à trouver »…

Lorsque cette disposition a été introduite une première fois en 2009 pour les CPOM Ehpad, elle visait bien à prévoir des accords d’entreprise tenant les deux bouts de la chaîne, à savoir :

  • Les rendre inopposable aux financeurs dès lors qu’ils entraînent un dépassement des bases budgétaires arrêtées dans le cadre du CPOM (produits des équations tarifaires aujourd’hui).
  • Les accepter, voire les encourager dès lors qu’ils sont autofinancés (des primes de présentéisme peuvent être moins coûteuses que les primes de précarité des CDD de remplacement et les prestataires d’intérim).

Il faut donc donner la garantie que cet autofinancement de l’accord d’entreprise ne soit pas remis en cause par l’autorité de contrôle. Certes, l’article R. 314-52 du CASF relatif au rejet des dépenses ne peut plus être mis en œuvre dans le cadre de l'état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) du CPOM puisqu’il n’y a plus d’approbation des dépenses mais simple fixation mécanique des tarifs. Cependant, cet article R. 314-52 a été cloné à l’article R. 314-236 alors que l’article L. 313-14-2 se suffisait à lui-même.

Il conviendrait donc d’insérer un article R. 314-85-1 du CASF ainsi rédigé :

Art R. 314-85-1 : En application de l’article L. 314-6, les accords d’entreprise des organismes signataires d’un CPOM ne peuvent pas être opposés aux financeurs et n’entraînent pas d’ajustements des bases budgétaires arrêtées dans le cadre du CPOM.

Si ces accords d’entreprise s’inscrivent dans le cadre de la réalisation du CPOM et dans le respect des bases budgétaires fixées, l’autorité de contrôle ne peut pas contester l’application de ces accords et mettre en œuvre les récupérations prévues à l’article L. 313-14-2.

 

Cas des accords collectifs nationaux

S’agissant des accords nationaux ; ils restent agréés et opposables mais pas aux signataires des CPOM. Cependant, le ministère des affaires sociales ne doit en principe agréer que si c’est compatible avec les budgets qu’il a fait voter.

S’il agrée, par exemple, un avenant revalorisant la grille indiciaire ou le régime indemnitaire des aides-soignantes en Ehpad (sujet d’actualité), il doit prendre en compte les incidences financières de cet avenant qu’il a agréé dans la fixation de la valeur du point GIR soins de l’année. Aussi, tous les Ehpad, sous CPOM ou pas, vont en bénéficier.

Dans le secteur du handicap, si un accord national agréé revalorise la valeur du point d’une convention collective, le taux national d’évolution des enveloppes régionales limitatives de crédits le prend en compte. La revalorisation des BGBZ des CPOM se fait sur la base du taux d’évolution des enveloppes régionales. Les signataires de CPOM n’auront pas un traitement plus défavorable que les non-signataires.

Les syndicats employeurs doivent aujourd’hui négocier avec le ministère les valeurs des points GIR soins dans les Ehpad (demain du point Serafin) avant de négocier avec les syndicats de salariés la valeur nationale du point de la convention nationale collective.

En contrepartie de la modification de l’article L. 314-6, les parlementaires ont voté la libre affectation des résultats par le gestionnaire sous CPOM. Un décret d’application est attendu. Il devra mettre fin aux contrariétés entre cette liberté et les textes réglementaires de décembre 2016 sur l’EPRD. Au-delà de la libre affectation des résultats, il s’agit de permettre aux signataires d’un CPOM de dégager une capacité d’autofinancement (CAF).

 

Jean-Pierre Hardy

Ancien chef du bureau de la réglementation financière, budgétaire et comptable à la DGAS (2000-2009)

Ancien directeur délégué aux solidarités et au développement social à l'Assemblée des départements de France (2010-2015)

Directeur au projet stratégique de France Horizon

 

[*] Les propos tenus dans la rubrique "Vos chroniques" sont rédigés sous la responsabilité de leurs auteurs et n'engagent pas la rédaction.

[1] Jean-Pierre Hardy, la réforme de la tarification et du financement des Ehpad : acte IV, Revue de droit sanitaire et sociale (RDSS), mars-avril 2017, éditions Dalloz.

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