CSE : comment mieux communiquer avec moins de moyens

CSE : comment mieux communiquer avec moins de moyens

06.06.2019

Représentants du personnel

La communication est un métier. Dès lors comment, lorsque l'on n'est pas un professionnel, maintenir en cours de mandat un lien avec les salariés et réussir sa campagne électorale ? Les conseils de Laetitia-Fleur Schmitt, responsable d'une agence de communication, aux membres du Toit citoyen, club de CE et CSE.

Le jeudi 23 mai dernier à l'Aquarium de Paris, le Toit citoyen, association de membres de CE et CSE de région parisienne, a organisé un atelier visant à aider les représentants du personnel à mieux communiquer auprès des salariés. "Dans le cadre du comité social et économique, l'enjeu de la communication est amplifié par la réduction du nombre de mandats à pourvoir, prévient Laetitia-Fleur Schmitt, fondatrice de l'agence de communication CEo2 et ancienne déléguée du personnel. Pour être élu, il ne faut pas louper sa campagne". Synthèse des nombreux conseils délivrés par cette professionnelle de la communication à la trentaine d'élus présents. 

Communiquer dans le cadre du CSE : "La tâche se complique encore un peu plus !"
"Le comité social et économique imposé par les ordonnances Macron, c’est 30% à 50% de moyens humains et d'heures de délégation en moins, le risque d'une disparition du maillage de proximité qui existait avec les délégués du personnel, et des suppléants moins impliqués car exclus des réunions avec l'employeur, alerte Laetitia-Fleur Schmitt. Le CSE risque alors de provoquer une professionnalisation du mandat. Un petit noyau au sein de l'instance va faire l’essentiel du travail, notamment grâce à la mutualisation des heures de délégation avec les titulaires moins investis". L'ancienne DP et DS y voit surtout le risque d'une perte d'écoute du terrain : "Pour moi, qui aide les élus à communiquer efficacement depuis maintenant plus de 10 ans, la tâche se complique encore un peu plus !"
 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

Découvrir tous les contenus liés
"Partagez l'ouverture dont vous bénéficiez sur la marche de l'entreprise"

Communiquer, c'est d'abord partager avec l'ensemble des salariés ce que vous apprend la pratique du dialogue social : "En tant qu’élu, on quitte son bureau, son service, pour rentrer dans les rouages de l’entreprise. Votre rôle est de partager avec tous les autres salariés cette ouverture dont vous bénéficiez sur la marche générale de l’entreprise, poursuit Laetitia-Fleur Schmitt. Vous ne vous rendez peut-être pas compte, surtout si vous êtes élus depuis plusieurs années, mais les salariés ne savent presque rien de leur entreprise. Ils ne connaissent pas le contenu des accords collectifs qui leurs sont applicables, ils n’ont aucune vision sur les grilles de salaires et les politiques salariales, etc". Le pire serait alors, sous le poids des responsabilités liées au mandat, de se renfermer sur soi-même. "Surtout en situation de crise, insiste la spécialiste de la communication. Face à l'annonce d'une fusion, d'un déménagement ou d'un PSE, vous allez passer beaucoup de temps en réunion avec l'employeur ou avec vos experts pour trouver des solutions. Mais il ne faut pas oublier les salariés, qui restent les premiers concernés par les projets de la direction. La communication de crise, c'est une communication en temps réel".

Le CSE a aussi un rôle d'information, voire de formation : "Il est utile d'expliquer aux salariés le contenu des réformes sociales. Je pense notamment au barème d'indemnités en cas de licenciement abusif et à l'actuel débat juridique sur la validité de cette mesure au regard du droit international, énonce Laetitia-Fleur Schmitt. C'est une façon de valoriser l'usage de vos heures de délégation et, plus généralement, de démontrer l'utilité d'avoir des représentants du personnel". 

Pendant le mandat, aller à la rencontre des nouveaux embauchés

Communiquer efficacement exige aussi de communiquer régulièrement : "Au cours de vos quatre années de mandat, l'entreprise et le personnel vont évoluer, prévient Laetitia-Fleur Schmitt. Il faut donc prendre régulièrement des moments pour rencontrer et écouter les nouveaux salariés". "C’est notamment l’exemple du rachat d’entreprise, illustre Abdel Benchabbi, directeur de CE consultant. À travers le jeu du transfert automatique des contrats, l'effectif de votre entreprise va peut-être passer instantanément de 200 à 300 salariés. Vous devenez par conséquent un parfait inconnu pour 100 nouveaux salariés, qui n’ont pas voté pour vous aux dernières élections. Il faut prendre le temps de rencontrer ces salariés transférés, d’écouter leurs attentes et de relayer l’information". "Une telle situation peut justifier le recours à un sondage, pour apprendre à connaître ces salariés que vous n'aviez jusqu'ici pas l'habitude de représenter, complète Laetitia-Fleur Schmitt. C’est l’occasion d’identifier leurs attentes. Mais attention, parmi les métiers de la communication, le sondage est un exercice à part entière. Un sondage cela se construit. Pour que l'exercice soit utile, il faut identifier ce que vous voulez apprendre des salariés et savoir rédiger les questions pour ne pas enfermer les réponses".

"Se faire dépasser par la communication de la direction peut faire capoter vos revendications"

Une communication percutante et convaincante doit ainsi rendre le CSE visible et influent en vue des négociations futures. Et ce, d'autant plus que l'employeur a généralement une force de frappe bien supérieure à celle des élus : "La DRH peut envoyer des mails à tous les salariés, diffuser des messages sur l'intranet de l'entreprise, réunir toutes les équipes sur leur temps de travail, énumère Laetitia-Fleur Schmitt. Or se faire dépasser par la direction sur le plan de la communication peut faire capoter vos projets et revendications". 

Il est donc essentiel de dresser un état des lieux de vos propres moyens de communication : annuaire des adresses mail personnelles des salariés, site web du CE/CSE, application mobile, règles dans l'entreprise relatives à la diffusion de tracts, etc. "Mais ne vous dites pas que mettre 30 000 euros dans un site web pour l'instance suffit à faire son travail de communication, met en garde l'experte des relations sociales. Se connecter au site web du CE/CSE exige une action de la part du salarié qui, à une époque où la charge de travail est importante pour tout le monde, n'est en rien garantie. Il faut donc solliciter régulièrement les salariés avec du contenu pour leur donner l'envie de se rendre sur votre site web". Et gare à ne pas tomber dans la facilité : "Trop de CE se contentent de communiquer sur les ASC, regrette le consultant Abdel Benchabbi. Il est certain que votre article sur le prochain voyage au ski sera lu, profitez-en pour le coupler avec des informations utiles ! Panachez l'information économique avec les activités sociales et culturelles", conseille-t-il. "C'est ce que l'on appelle la méthode du "snacking", approuve Laetitia-Fleur Schmitt, c'est-à-dire que l'on propose plusieurs petits sujets sur un même support de communication. C'est comme pour un journal, personne ne le lit en entier. Les salariés vont faire leur marché au regard des différents titres proposés. Et soyez créatifs ! Je n’en peux plus des tracts format A4, police 12 avec des marges minimales. Cela ressemble plus à une note de la direction qu’à une communication d'élus du personnel", s'amuse-t-elle.

"Ouvrir une page Facebook pour le CE/CSE ne sert à rien"
Attention, enfin, à ne pas déployer votre énergie sur de mauvais supports : "En particulier, le procès-verbal de réunion plénière. C’est un outil juridique, pas un support de communication, soutient Laetitia-Fleur Schmitt. Le procès-verbal ne remet pas nécessairement le contexte des consultations en cours. Il faut prévoir une communication complémentaire pour faire la pédagogie de votre démarche et aider les salariés à mieux comprendre les enjeux des points à l’ordre du jour, des négociations en cours".

Les réseaux sociaux ne sont pas non plus jugés pertinents pour la communication de l'instance : "Ouvrir une page Facebook ne sert à rien, assure la spécialiste en communication. Facebook est un espace intime que les salariés ne veulent pas nécessairement partager avec leurs représentants du personnel. S'agissant de LinkedIn, c’est un endroit où l’on met en valeur son profil, généralement pour trouver un travail à l’extérieur. Les salariés ne vont dès lors pas vouloir afficher leur proximité avec des syndicats ou leur CE/CSE. Le seul intérêt des réseaux sociaux pour les instances représentatives, ce peut être Twitter lorsqu’il y a des enjeux de communication vers l’extérieur, et plus particulièrement la presse, notamment dans le contexte de réorganisations, de fusions, de fermeture d’établissement pour attirer l’attention sur votre situation", conclut Laetitia-Fleur Schmitt.

Julien François
Vous aimerez aussi