Dans la métallurgie, trois secrétaires de CSE créent un réseau de femmes "pour se sentir plus fortes"

Dans la métallurgie, trois secrétaires de CSE créent un réseau de femmes "pour se sentir plus fortes"

07.03.2021

Représentants du personnel

Un groupe de militantes a créé un réseau de femmes au sein de la fédération métallurgie de la CFE-CGC. Constitué au départ de trois secrétaires de CSE, le groupe s'est élargi, mais l'objectif reste l'entraide et la promotion des droits des femmes, nous expliquent Sylvie Ducour, Véronique Chow Chine et Laetitia Kraria.

Elle n'a pas trop l'habitude de se mettre en avant, Véronique Chow-Chine, qui est secrétaire du CSE de SagemCom (800 salariés) à Rueil Malmaison, près de Paris, une instance qui compte deux salariés (lire notre encadré). Mais si elle accepte de nous parler, c'est pour la bonne cause, celle des femmes. Avec deux autres secrétaires de CSE (Sylvie Ducour, Daher à Tarbes, et Laetitia Kraria, Bosch à Drancy), elle a participé à la création d'un réseau de femmes au sein de la fédération métallurgie de la CFE-CGC.

Une rencontre qui devient une amitié et un groupe solidaire

L'idée naît lors d'une rencontre nouée à la fédération, et poursuivie pendant un congrès. "Trois secrétaires de CSE femmes, et qui plus est dans la métallurgie, c'est plutôt rare. Nous ne nous ne connaissions pas du tout mais nous nous sommes très vite très bien entendues. Nous avons créé un petit groupe WhatsApp que nous avons élargi ensuite", nous raconte Laetitia Kraria, secrétaire du CSE de Bosch à Drancy (325 salariés). "Vous pouvez même dire que nous sommes devenues copines", s'esclaffe au téléphone Sylvie Ducour, secrétaire du CSE de Daher à Tarbes (1 500 salariés).

Les trois femmes font le constat de partager une façon bien à elles d'aborder les mandats : "En cas de problème dans une équipe d'élus, je crois que nous ne traitons pas les choses de la même façon qu'un homme, nous passons plus par l'écoute et l'échange", estime Véronique Chow-Chine. Sylvie Ducour approuve : "J'en ai fait moi-même l'expérience. Plusieurs situations de conflits et de guéguerres syndicales ont pu être apaisées".

Des échanges de pratiques et de conseils sur le CSE et les négos

Le réseau se constitue fin 2019 (*). Dans un secteur, la métallurgie, où les femmes sont entourées d'hommes, l'idée était de se serrer les coudes, "de s'épauler" entre femmes secrétaires de CSE, bref "de se sentir plus fortes".

 L'idée était de s'épauler dans un secteur où nous sommes entourés d'hommes 

 

Depuis, le réseau s'est ouvert aux autres élues et déléguées syndicales, et même aux hommes, dit Véronique Chow-Chine. "Oui, nous ne sommes pas sectaires, nous avons même un homme dans le groupe !", sourit Laetitia Kraria. L'objectif ? "Ce réseau nous permet d'échanger : comment tu te débrouilles par rapport aux ayant-droits pour les activités sociales du CSE, tu as traité ça toi dans la négociation de ton accord ?", nous dit Véronique Chow-Chine. Dans les entreprises et singulièrement dans la métallurgie, le problème des femmes élues et/ou syndicalistes est non seulement de s'imposer, mais de rester durablement à leurs mandats : "Chez Daher, il n'y a que 150 femmes sur 1 500. Il faut se faire respecter", dit Sylvie Ducour, qui est également référente en matière de harcèlement sexuel et comportements sexistes.

La question de l'index de l'égalité F/H

Il s'agit aussi, bien sûr, de faire progresser les droits des femmes salariées dans les entreprises. A cet égard, beaucoup reste encore à faire selon Véronique Chow-Chine : "L'index de l'égalité est un bon début mais il reste toujours un plafond de verre dans les entreprises qui empêche les femmes accéder à certains postes de management et de direction notamment. Il faut traiter les causes profondes". De fait, si la SagemCom obtient un honorable 84 sur 100 à l'index, l'entreprise écope d'un zéro pour la part des femmes dans les dix plus hautes rémunérations. 

Sur ce sujet, Laetitia Kraria, qui est également la coordinatrice nationale CFE-CGC pour Bosch (qui obtient autour de 90 points à l'index), est plus mordante encore. "Cet index, excusez-moi, mais c'est un peu du "pipeau". Je suis ingénieure et je sais bien qu'on peut faire dire ce qu'on veut aux chiffres", lâche l'élue qui souligne néanmoins la qualité du dialogue social dans son entreprise. Sylvie Ducour (Daher) est également dubitative quant à l'efficacité de l'index pour résorber écarts et inégalités professionnelles : "Tant qu'on ne mettra pas des femmes à des postes stratégiques, les emplois et les salaires des femmes ne seront pas assez revalorisés".

Le combat des femmes pour leurs droits, c'est un combat de tous les jours 

 

Qu'inspire à ces élues la journée des droits des femmes de ce lundi 8 mars ? Véronique Chow-Chine marque un temps de réflexion. Ce sont les femmes qui subissent le plus les conséquences de la crise sanitaire, et il faudrait beaucoup plus qu'une journée pour améliorer leur situation, finit-elle par nous répondre. Pour Laetitia Kraria, qui entend parfois encore des hommes ironiser sur le thème "hé, mais il n'y pas une journée pour nous les hommes !", cette journée "ne change pas grand chose" et il faudrait bien davantage d'actions pour faire reculer les inégalités salariales entre les sexes. "La journée du 8 mars ? Ce n'est pas significatif, tranche pour sa part Sylvie Ducour. Le combat des femmes, c'est un combat de tous les jours !"

 

(*) Un réseau similaire, CFDT'Elles, existe au sein de la CFDT pour les femmes du secteur des IEG, les industries électriques et gazières (lire notre article). Sur la place des femmes dans le syndicalisme, lire notre article récent sur les élues du personnel,  le bilan dressé en 2015 et aussi cet article sur la CGT de 2016

 

Le fonctionnement de trois CSE face à la crise sanitaire
Je n'avais pas mesuré à quel point les ordonnances Macron et le CSE ont accru la charge de travail liée au mandat 
  FCMTM

 

Le CSE de SagemCom à Rueil Malmaison, près de Paris, qui représente 800 salariés, fait travailler deux assistantes. Véronique Chow-Chine, secrétaire de l'instance, souhaite que ces employées et les élus alternent télétravail et présence au bureau afin que soit assurée une permanence pour les salariés. "Je n'aime pas trop le télétravail, je préfère avoir les gens en face de moi, y compris pour parler à la direction", nous explique-t-elle. Cette dernière a d'abord été secrétaire du CCE, il y a 10 ans, avant de devenir secrétaire du CSE. Un choix logique pour cette salariée qui a milité très tôt à la CFE-CGC parallèlement à son parcours professionnel (elle a travaillé au support téléphonique puis à la formation des clients avant de devenir responsable éthique). Sur son engagement, elle dit aujourd'hui : "Je ne regrette rien. Mais je n'avais pas mesuré à quel point les ordonnances Macron qui ont créé le CSE ont accru la charge de travail des élus. Nous devons savoir tout faire, du juridique, de l'expertise, il nous faut développer toutes les compétences". 

 

Les échanges à distance sont plus limités, mais aussi plus agressifs qu'en présentiel 
  FCMTM

 

Le CSE de Bosch à Drancy (Seine-Saint-Denis), qui représente 325 salariés, emploie une salariée qui vient, comme l'élue, travailler sur site un jour par semaine. "Impossible de faire davantage, c'est la règle sur notre site", dit Laetitia Kraria, secrétaire de l'instance. Cette dernière se dit d'ailleurs surprise que les salariés n'aient pas davantage profité de cette possibilité de venir sur site une fois par semaine : "Je ne comprends pas car ils se plaignaient du télétravail. Je trouve cela dangereux de ne travailler que chez soi, car qu'est-ce qui empêchera demain l'entreprise de tout délocaliser ?" En outre, les échanges à distance, pour le CSE et les négociations, sont problématiques, juge la secrétaire du CSE de Bosch : "A distance, les échanges sont plus limités et plus agressifs. Il y a  moins de politesse quand les gens s'expriment derrière un écran qu'en face à face". Professionnellement, Laetitia Kraria, recrutée avec un bac +2 comme technicienne de labo, a fait une VAE (validation des acquis de l'expérience) pour devenir ingénieure application dans le bureau d'études. C'est d'ailleurs pour représenter les salariés du labo qu'elle est devenue élue du personnel, assumant des mandats CHSCT, DP puis CE. Ce qui l'intéresse avec les IRP ? "Connaître l'entreprise au-delà de son service, et défendre les salariés". 

 

La veille du confinement, en mars 2020, j'avais déjà décidé de fermer le CSE pour protéger les 6 salariés de l'instance 
  FCMTM

 

Le CSE de Daher, à Tarbes (Hautes-Pyrénées), représente 1 500 salariés et fait travailler 6 employés dont 5 femmes. "La veille de l'annonce du confinement en mars 2020, j'ai décidé de fermer le CSE pour protéger nos 6 salariés, et de faire du chômage partiel en avril et mai. Ensuite, nous sommes retournés deux jours par semaine dans l'entreprise", raconte Sylvie Ducour, secrétaire du CSE. Aujourd'hui, le personnel travaille sur le site, y compris les salariés de l'instance, "équipés des protections plexiglass, du gel et des masques". Reste que le moral des salariés est au plus bas et que la grogne s'installe. "Je constate beaucoup de stress et de RPS. On finit un PSE pour lequel on a réussi à faire passer les licenciements économiques de 160 à une dizaine sur l'établissement", dit l'élue qui avertit : "L'année a été très dure. Si la direction ne fait pas un geste aux NAO, ça va être très compliqué". 

Question CSE, l'année 2020 a été également éprouvante avec 40 réunions. L'élue, qui a longtemps géré la vente des pièces détachées, rapporte avoir eu des doutes avant de se lancer dans les IRP : "C'est mon responsable syndical qui m'a positionné comme secrétaire du CSE mais ça m'a fait un peu peur".  Visiblement, elle s'est imposée...

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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