Dans les Côtes d'Armor, blocage autour de la réforme du temps de travail

Dans les Côtes d'Armor, blocage autour de la réforme du temps de travail

14.06.2016

Action sociale

Dans les Côtes d'Armor dirigées depuis 2015 par Alain Cadec (Les Républicains), la tension est très forte au sein du personnel. Pour s'opposer au projet de porter leur temps de travail à 35 heures, une partie des fonctionnaires s'est mise en grève. Pour les syndicats, cette mesure va rigidifier l'organisation du travail et détériorer les conditions de service au public.

"Cela fait 22 ans que je travaille au conseil départemental et c'est la première fois que je vois autant d'agents se mettre en grève." Assistante sociale et adhérente CGT, Laurence Leffondré n'en revient pas pour le premier jour de grève, ce lundi 13 juin, à l'appel des quatre syndicats représentés (CGT, CFDT, FO et Sud). "A l'assemblée générale du matin ont participé environ 700 agents (1) qui occupent les locaux du conseil à Saint-Brieuc. Deux des cinq maisons du département sur les territoires ont carrément été fermées", se félicite sa collègue Annie Dacalor, responsable CGT.

Un accord sur le temps de travail qui remonte à 2000

L'objet du conflit, c'est la durée du travail des agents. "J'ai été élu sur l'engagement de porter le temps de travail des fonctionnaires à 35 heures. C'est une question d'égalité", explique le président (Les Républicains) Alain Cadec. Celui-ci explique qu'il n'est pas normal que les fonctionnaires du département bénéficient de 32 jours de congés payés quand le salarié lambda n'en a que 25. Il entend dès alors remettre en cause l'accord conclu en 2000, sous l'ancienne majorité dirigée par le socialiste Claudy Lebreton, qui avait porté la durée de travail à 33 h 30, permettant ainsi de dégager 22 jours de RTT et de créer une centaine d'emplois. Dans sa réforme, la nouvelle majorité veut également imposer une prime au mérite (un "complément indemnitaire annuel", selon la terminologie officielle) qui s'ajouterait au régime indemnitaire obligatoire. "Pas un agent ne perdra un centime dans cette affaire", précise Alain Cadec.

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Procès en autoritarisme

Cette réforme a bien du mal à convaincre les professionnels. La méthode est jugée autoritaire, sans vraie concertation. "Il a fallu deux journées de grève en février et mars derniers, explique la responsable CGT, pour que le vice-président en charge de l'administration nous reçoive. D'ailleurs, nous avons fait remonter la demande de certains agents qui souhaitaient travailler 40 heures pour conserver leur nombre de jours de RTT. Cela a été refusé." Ce procès en autoritarisme est vivement dénoncé par Alain Cadec. "Il y a déjà eu 13 réunions, soit 26 heures de discussions, comptabilise-t-il. Ce n'est pas de ma faute si certains syndicats ont décidé de boycotter des réunions." Selon lui, les discussions n'ont pas été de pure forme car elles ont permis de prendre en compte une proposition de la CFDT visant à moduler le temps de travail (35 h, 37 h, 39 h) et donc le nombre de jours de RTT.

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Est-il possible de récupérer les heures ?

Sur le fond, les syndicats dénoncent un marché de dupes. "Ce que ne dit pas le président, explique Jocelyne Aubin, secrétaire départementale de Sud, c'est que cette réduction du temps de travail en 2000 s'est faite en contrepartie d'une non-récupération des heures supplémentaires. Le système permettait une certaine souplesse de part et d'autre."

Les travailleurs sociaux racontent qu'ils ne comptent pas leurs heures quand il s'agit de recevoir une famille après 17h30 ou de trouver tard dans la soirée une solution pour un jeune. "On nous dit qu'on pourra récupérer nos heures si on déborde. Mais ce n'est pas envisageable quand nos plannings sont super chargés et prévus deux ou trois semaines à l'avance", détaille Laurence Leffondré. L'affaire de la prime au mérite ne passe pas non plus. "Dans le social, nous travaillons dans un esprit coopératif, explique la représentante de Sud, également assistante sociale. Cette prime ne fera que nous diviser."

60 mesures éducatives non prises en charge

Dans le secteur social, cette tension sur la durée du travail intervient dans un contexte difficile marqué par la pénurie de moyens. Selon les professionnels, environ 60 mesures éducatives en direction d'enfants ne sont pas mises en oeuvre, ce qui représente le travail de deux éducateurs. "Il est de la responsabilité du président du conseil départemental d'assurer la politique de protection de l'enfance", rappelle Laurence Leffondré.

Deux camps face à face

Que va-t-il se passer maintenant ? Les deux camps ne veulent pas céder un pouce. "Le principe des 35 heures ne sera pas remis en cause", déclare un Alain Cadec droit dans ses bottes. Qui accepte de recevoir les représentants syndicaux à condition que les locaux du département soient évacués. Les grévistes entendent profiter d'un rapport de force qui leur est plutôt favorable, en multipliant les actions sur le terrain cette semaine. Avec, comme point d'orgue, la réunion vendredi d'une instance paritaire au niveau du conseil départemental. Et tout cela alors que la mobilisation contre la loi travail est loin d'être éteinte, en Bretagne comme ailleurs. "La France est dans une situation quasi-insurrectionnelle", constate le président du conseil départemental qui se dit "déterminé" à faire passer sa réforme.   

 

(1) Le conseil départemental emploie 2 400 agents (3 300 en incluant les assistantes familiales).

Noël Bouttier
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