Après des mois de bagarre, la commune de Grande-Synthe (Nord) a réussi à faire accepter sa demande de prise en charge d'un camp de réfugiés par l'Etat. A Paris, la gestion incomplète et trop lente des réfugiés conduit la ville à demander l'ouverture d'un centre d'accueil capable d'accompagner les réfugiés pour l'hébergement et les démarches administratives.
Parfois, le pot de terre gagne contre le pot de fer. C'est un peu ce qui vient de se passer à Grande-Synthe dans le Nord. Dans cette ville d'environ 20 000 habitants située près de Dunkerque, la municipalité s'est retrouvée démunie face à l'afflux de réfugiés. En 2015, ne voulant pas se résoudre à laisser les 2 500 personnes croupir dans une zone inondable, la commune dirigée par Damien Carême (EELV) se tourne vers l'ONG Médecins sans frontière (MSF) qui a l'expérience de gérer des camps dans les pays en guerre.
Un camp peuplé de Kurdes irakiens
Sur un terrain viabilisé par la ville, MSF propose d'aménager un camp pouvant accueillir plus de 2 000 personnes en respectant des normes internationales. Des cabines en bois avec un poêle pouvant accueillir quatre personnes sont ainsi installées et réparties dans six zones différentes. Dans chacune d'entre elles, des infrastructures permettent notamment une vie collective. Celle-ci est d'autant plus facile que les réfugiés de Grande-Synthe viennent essentiellement du Kurdistan irakien, alors qu'à Calais, les origines sont plus diversifiées (Erythrée, Syrie, etc.).
L'Etat fait la sourde oreille
Malgré les demandes d'appui adressées à l'Etat, celui-ci fait la sourde oreille, invoquant divers prétextes, notamment en termes de sécurité. Les investissements (1) de ce camp ouvert finalement en mars dernier ont été pris en charge par MSF (2,6 millions d'euros) et par la commune (0,5 M€). Un bras-de-fer s'engage avec l'Etat pour la prise en charge de ce camp. Finalement, après moultes péripéties, l'Etat a fait savoir qu'il reprendrait la gestion de ce camp à partir du 30 mai. Cette "normalisation" devrait notamment permettre une scolarisation de tous les enfants dans les écoles de la ville (jusque-là, c'était assumé par des bénévoles en charge de la vie quotidienne sur le camp).
Paris s'intéresse à Grande-Synthe
L'expérience de Grande-Synthe intéresse la capitale française. Ce 20 mai, Dominique Versini, adjointe au maire chargée des politiques de solidarité, s'est rendue sur place. "Nos deux villes ont pris des engagements très forts en faveur des réfugiés et soutiennent l'Etat bien au-delà de leurs compétences obligatoires", explique le communiqué de presse. Pour autant, les réalités qu'affrontent Paris et Grande-Synthe sont très différentes. "A Paris, explique Dominique Versini, nous accueillons de nombreux réfugiés en provenance de la corne de l'Afrique et d'Afghanistan. Alors que ceux de Grande-Synthe sont tous déterminés à aller en Angleterre, ceux de Paris sont davantage ouverts à l'idée de rester en France."
"La mise à l'abri doit être plus rapide"
Depuis juin 2015, 9 000 personnes ont été mises à l'abri à Paris et en région parisienne. "90 % des réfugiés qui ont accepté un hébergement ont fait une demande d'asile", explique l'ancienne directrice du Samu social de Paris. Pour la mairie de Paris, la mise à l'abri doit être beaucoup plus rapide qu'elle ne l'est actuellement, avec ces camps improvisés qui s'installent ici ou là avant leur évacuation quelques mois plus tard. "Anne Hidalgo a demandé officiellement voici 15 jours la création d'un lieu d'accueil de tous les réfugiés qui permettrait de les renseigner et de les orienter vers des structures d'hébergement", explique son adjointe qui précise que "la ville a mis de nombreux locaux à disposition pour l'accueil de plus d'un millier de réfugiés, lieux dont la gestion a été confiée à des associations comme Aurore et Emmaüs".
Difficile solidarité nationale...
Selon Dominique Versini, la demande de la ville pourrait recevoir un accueil favorable de la part de l'Etat. De toute façon, cette question ne peut être simplement l'affaire de l'Ile-de-France et des départements septentrionaux. "Le dossier des réfugiés concerne toute la France", insiste l'ancienne secrétaire d'Etat du gouvernement Raffarin. Elle regrette qu'à un an de la présidentielle, les villes françaises ne se bousculent pas au portillon pour faire preuve de solidarité. "Déjà sur le dossier des mineurs isolés étrangers (MIE), on a vu comment certains départements se sont opposés à la répartition nationale proposée par la circulaire Taubira alors qu'il s'agissait de jeunes !", explique celle qui fut également Défenseur des enfants.
Une plate-forme d'échanges des bonnes pratiques
Pour autant, pas question de baisser les bras. Participant récemment à une rencontre des villes européennes, l'adjointe à la maire de Paris a lancé l'idée d'une plate-forme d'échanges des bonnes pratiques pour l'accueil des réfugiés. Barcelone dirigée par une maire membre de Podemos, s'est déjà déclarée intéressée. Même si ce dossier suscite beaucoup de peurs, il importe pour la capitale française, tout comme pour la petite ville du Nord, de se préparer à une réalité inéluctable : accueillir dans les meilleures conditions ces milliers d'hommes et de femmes qui fuient les dérèglements de la paix et du climat.
(1) Ces informations sont tirées essentiellement d'une vidéo réalisée par le journal Le Monde en mars dernier.