Jean-Jacques Olivin, directeur du Groupe de réflexion et réseau pour l'accueil temporaire des personnes en situation de handicap (Grath), publie une chronique sur les risques qui pèsent, selon lui, sur le dispositif d'accueil temporaire, suite à la publication du décret du 9 mai 2017 simplifiant la nomenclature des établissements et services sociaux et médico-sociaux.
Le décret du 9 mai 2017 simplifie la nomenclature des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS) et leur donne de la liberté pour organiser leurs prestations. L’une des conséquences est que pour les ESMS destinés aux personnes handicapées, la capacité d’accueil temporaire n’a plus à être précisée, ce qui constitue un péril pour ces places dites réservées ou essaimées (1, 2 ou 3 places parmi les places d’accueil permanent).
Sur le principe, le Grath (Groupe de réflexion et réseau pour l'accueil temporaire des personnes en situation de handicap) ne peut qu’être favorable à la souplesse et l’adaptabilité des structures aux demandes exprimées par les personnes handicapées, mais il faut considérer les conséquences qui ne manqueront pas de se faire sentir très rapidement sur ces places, et même potentiellement sur les unités dédiées.
Arguments à l’appui :
- En premier chef, cette disposition va nous ramener aux errements antérieurs avec des possibilités qui seront - en moins de temps qu’il ne faut pour le dire - annihilées par la pression de la liste d’attente sur les places d’accueil permanent.
- En second lieu, on fait fi de la culture spécifique (et de la partie associée du projet d 'établissement) à ce mode d’accueil pour inciter au retour à la pratique inefficace au possible de la délivrance au fil de l’eau de « petites tranches d’accueil permanent ».
- Qu’en sera-t-il de la possibilité pour les proches aidants d’organiser des séjours à la demande si pendant un temps il y a des places d’accueil temporaire, et pendant un autre il n’y en a pas ? C’est ce qui se passe dans le secteur gérontologique avec les conséquences désastreuses que l’on sait. L’accueil temporaire n’est pas qu’une roue de secours. C’est aussi et surtout un outil pour l’organisation des projets de vie et l’assurance de sa disponibilité est essentielle.
- On ignorera également que l’accueil temporaire a des coûts et des recettes en atténuation (participation forfaitaire de l’usager) différenciés de ceux de l’accueil permanent et qui lui permettent de disposer de tarifs modulés prenant en considération ses propres variables budgétaires. Ces obstacles avaient été levés par l’article R. 314-194 CASF qui devient, presque de facto, caduc sur ce point.
- Les logements mis à disposition de la personne adulte handicapée dans un ESMS sont affectés en propre. Les chambres d’accueil temporaire ne le sont pas, et ne peuvent d’ailleurs pas, à ce titre, bénéficier de l’allocation logement. Qu’en sera-t-il d’une souplesse d’organisation à ce niveau face à la contrainte budgétaire pesant sur le gestionnaire et au respect du locataire habituel si on utilise sa chambre durant ses absences ?
- Les dernières orientations en matière de programmation de l’accueil temporaire incitent à la création d’unités dédiées à l’accueil temporaire. Ces unités continueront-elles à être dédiées ou bien seront-elles soumises - au titre de ce décret - aux injonctions des autorités de tarification et des orienteurs pour accueillir des personnes à titre permanent lorsque des personnes en situation complexe seront à placer coûte que coûte ?
À chaque fois que l’on détruit une place d’accueil temporaire, ce sont sept familles d’adultes handicapés et douze familles d’enfants handicapés qui perdent chaque année la possibilité d’organiser le projet de vie de la personne aidée et de son entourage. Cela mettra également à mal l’organisation des plans d’accompagnement globaux. On fait un mauvais calcul en fragilisant un dispositif qui, certes, doit être restructuré et optimisé dans son usage, mais qui doit être renforcé et non affaibli, voire purement et simplement enterré, comme pourra y conduire incidemment ce décret.