Considérant que les délais réduits de consultation du CSE ne permettent ni le dialogue social ni le bon déroulement de l'expertise, les élus du CSE du groupe de presse Le Moniteur ont saisi le tribunal judiciaire de Nanterre afin que ces délais très courts soient écartés. L'audience a eu lieu mercredi 27 mai. La représentante syndicale au CSE Catherine Pagan, l'avocate Judith Krivine et l'expert Blaise Porcheron nous ont éclairé sur cette affaire.

"La direction nous a opposé une fin de non recevoir, aussi bien sur les délais de consultation du CSE que sur le temps dont disposait l'expert pour rendre son rapport", nous indique Catherine Pagan, représentante syndicale FO au CSE du Moniteur. Selon cette dernière, un premier CSE a été réuni le 7 mai 2020, mais ses membres n'ont obtenu les documents que la veille à 18 heures. Elle nous précise également que le dialogue social avait perdu en qualité depuis le rachat du Moniteur par Infopro Digital en 2013, une expertise pour risque grave ayant été demandée en 2019 au sujet de la charge de travail et des conditions de travail, expertise qui, elle, n'a pas encore commencé.
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

Blaise Porcheron, dirigeant d'ALTERventions, réagit aussi à la nouvelle législation : "Cette réduction des délais décidée par le gouvernement empêche de manière manifeste le recours aux expertises ou les réduit à une analyse détachée de la réalité du travail. C'est d'autant plus incompréhensible que les dernières réformes du droit du travail ont mis en avant une volonté de réorganiser le dialogue social autour de la négociation. Or, le gouvernement a fait comme si les syndicalistes et les représentants du personnel étaient des gens irresponsables".
Selon lui, ces délais créent pour certains employeurs peu scrupuleux un effet d'aubaine qui leur permettra de faire passer de multiples projets de réorganisations (déménagement, temps de travail, division du travail, etc) sans information-consultation véritable ni expertise. "Par ailleurs, l'évaluation des risques liés aux nouvelles organisations et situations de travail induits par les mesures de prévention contre la contamination au Covid-19 est ignorée ou minimisée par les employeurs. Je conseille donc aux élus de rester vigilants sur ces risques nouveaux. S'ils l'estiment nécessaire, ils disposent de moyens pour évaluer ces risques après coup, à l'occasion d'une mission pour risque grave, de la mission annuelle de politique sociale ou d'une expertise libre". Pour l'expert, cette évaluation après coup sera d'autant plus importante si se posent dans l'entreprise des problèmes de risques psychosociaux ou des enjeux de reconnaissance de maladie professionnelle ou d'accident du travail en lien ou non avec le Covid-19.

"Nous demandons au juge une interprétation de l'article L. 2312-15 du code du travail conforme au droit européen, à savoir que la consultation du CSE et le travail de l'expert puissent se faire en temps utile, et donc hors application des délais réduits imposés par les textes du 2 mai 2020", nous explique Judith Krivine, avocate représentant les syndicats CGT, FO et Solidaires à l'audience.
Elle a également fait valoir auprès du juge du tribunal judiciaire de Nanterre que ces délais risquaient de mener à une multiplication de dossiers similaires en justice. De plus, "l'article L. 2312-16 du code du travail dispose que les délais s'appliquent à défaut d'accord conclu entre l'employeur et le CSE. Il faudrait donc savoir si le gouvernement fait confiance aux partenaires sociaux ou pas ! Dans cette affaire, le CSE a demandé un arrangement à l'employeur, mais la direction est restée butée. Il reste à voir si on fait confiance au dialogue social ou si on permet aux employeurs d'imposer des décisions unilatérales". L'ordonnance du tribunal judiciaire de Nanterre sera rendue le 9 juin 2020.
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