Délais réduits de consultation du CSE : pas d'urgence à juger, dit le Conseil d'Etat

Délais réduits de consultation du CSE : pas d'urgence à juger, dit le Conseil d'Etat

03.07.2020

Représentants du personnel

Dans une ordonnance du 30 juin 2020, le Conseil d'Etat rejette les requêtes de FO, du SAF et de Solidaires visant à suspendre le décret imposant une réduction des délais de consultation du CSE du fait de la crise sanitaire, le juge administratif estimant qu'il ne s'agit pas d'une question urgente. La demande va être désormais examinée sur le fond.

Dans des requêtes datées du 4 et 16 juin, plusieurs organisations syndicales (FO, Solidaires, Syndicat des avocats de France) ont demandé au juge des référés du Conseil d'Etat, donc en urgence, de suspendre le décret du 2 mai 2020 réduisant temporairement les délais d'information-consultation du CSE afin de faire face aux conséquences de l'épidémie de Covid-19 (lire notre article). Pour les syndicats, le référé s'imposait. D'une part parce qu'une décision de fond risquerait de ne pas arriver en temps utile, le raccourcissement des délais de consultation étant appliqué depuis le 3 mai jusqu'au 23 août 2020, et d'autre part parce que cette réduction représentait à leurs yeux une atteinte grave et immédiate aux intérêts des CSE.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Dans une ordonnance rendue le 30 juin, le juge des référés du Conseil d'Etat rejette ces requêtes (lire notre document en pièce jointe). C'est donc sur le fond, et non pas en situation d'urgence, que le Conseil d'Etat pourrait décider de suspendre ou de ne pas suspendre le décret imposant ces délais, sans qu'on sache pour autant quand le Conseil d'Etat rendra sa décision. 

La motivation du Conseil d'Etat

Pourquoi un tel rejet ? Parce que le Conseil d'Etat estime qu'il n'y a pas d'urgence à suspendre l'exécution du décret.  Le juge administratif s'appuie sur le fait que les dispositions réduisant les délais d'information-consultation du CSE ne s'appliquent selon la ministre du Travail qu'à un "périmètre restreint" des décisions de l'employeur, alors que les organisations syndicales et les experts des CSE estiment au contraire ce champ très large. Le Conseil d'Etat observe notamment que les licenciements économiques sont notamment exclus de ces délais raccourcis. En outre, le CSE, lorsqu'il ne s'estime pas en mesure de se prononcer utilement sur un projet soumis par l'employeur, faute notamment d'éléments suffisants, a toujours la faculté de saisir le président du tribunal judiciaire afin qu'il statue en procédure accélérée pour décider éventuellement une prolongation de ces délais, soutient le Conseil d'Etat. 

Les critiques de Judith Krivine

Cette décision et sa motivation ne laissent pas d'étonner l'avocate Judith Krivine, qui fait partie du Syndicat des avocats de France (SAF). Les CSE peuvent déjà saisir le juge pour obtenir un allongement des déliais, dit le Conseil d'Etat ? "Vous voyez les tribunaux pouvoir travailler normalement et faire face à ces demandes dans les mois de juillet et d'août ?" répond l'avocate. Le champ restreint des sujets pouvant donner lieu à ces délais raccourcis ? "J'ai eu connaissance d'une consultation en 8 jours sur un projet d'activité partielle courant jusqu'en septembre 2021 !" 

Sur le fond, Judith Krivine estime que la priorité donnée à la reprise économique via des délais réduits pour le CSE, et imposés par décret, est contradictoire avec l'ambition du gouvernement, souvent répétée, de laisser négocier les acteurs dans l'entreprise, cette exigence de reprise d'activité devant être mise en balance avec la sécurité des salariés représentés par les élus du personnel. "C'est ne pas faire confiance aux élus du personnel que d'imposer d'en haut un délai de 8 jours, comme s'ils ne pouvaient pas négocier sur ce sujet", s'irrite l'avocate. A suivre...

Bernard Domergue
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