Le Défenseur des droits espère que l'entrée en vigueur de l'action de groupe, prévue dans le projet de loi sur la Justice du XXIe siècle, permettra de réduire le nombre de discriminations à l'embauche. Des cas qui restent très nombreux, et qui attestent que l'origine, la consonance d'un nom, la couleur de peau continuent d'être des obstacles pour décrocher un poste ou pour évoluer.
Le Défenseur des droits a publié hier les résultats de l'appel à témoignages lancé au printemps dernier sur les discriminations à l'embauche liées aux origines. Entre le 21 mars et le 21 juin, 758 personnes âgées de 18 à 65 ans ont répondu en ligne à un questionnaire. Il s'agit plutôt de femmes (57%) que d'hommes (43%), de jeunes (5 répondants sur 10 ont entre 26 et 35 ans) et de personnes qualifiées, un tiers possédant un diplôme de 1er cycle (2 ou 3 ans après le bac), un autre tiers étant diplômé du 2e ou 3e cycle (master et doctorat).
"Cette étude dresse un panorama particulièrement inquiétant du parcours d'obstacles que constitue le marché du travail pour les personnes d'origine étrangère, notamment pour les personnes qui sont vues comme arabe qui apparaissent sur-stigmatisées du fait de la consonance de leur nom et de leurs supposées convictions religieuses", écrit le Défenseur des droits. Comme le montre le schéma ci-dessous, ces discriminations se produisent en effet dès le premier contact d'un chercheur de stage ou d'emploi.
NB : les réponses "autre" concernent des situations où la discrimination s'est produite alors que la personne était déjà en emploi (licenciement, renouvellement de contrat, passage en CDI, mutation, tec.).
Le Défenseur des droits, qui relève que seules 8% de ces personnes ont engagé des démarches pour faire valoir leurs droits, appelle les pouvoirs publics à "mener des politiques de lutte contre ces discriminations pour que les personnes d'origine étrangère, et notamment les jeunes, puissent avoir les mêmes chances que les autres de réussir leur projet professionnel".

L'étude abonde en effet de témoignages indiquant que les origines, la consonance d'un nom ou d'un prénom, la couleur de peau ou de supposées convictions religieuses barrent la route à un emploi ou une carrière, si bien qu'ils sont pas moins de 40% à envisager de partir à l'étranger pour réussir leur vie professionnelle. "Je ne suis jamais très à l'aise quand je dois déposer des CV ou même téléphoner pour une candidature car j'ai l'appréhension de donner mes nom et prénom. J'ai toujours un peu peur", dit une étudiante de 20 ans.
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
"Je travaille dans l'informatique bancaire, j'ai 27 ans, un bac+5, je parle 4 langues couramment, j'ai de l'expérience mais toujours pas de CDI. Actuellement, je pense à changer de pays et à monter ma boite à l'étranger," confie ainsi une femme de 27 ans. "Le marché de l'emploi a beau être saturé, tous mes anciens camarades de promo sont aujourd'hui en poste; de mon côté, je ne décroche jamais d'entretiens. La seule différence que je vois entre eux et moi, c'est ma couleur de peau", constate une femme de 26 ans. Une autre femme de 29 ans raconte s'être plainte en vain à sa direction d'avoir subi des injures raciales lorsqu'elle était en poste. "On m'a dit que je manquais d'humour", témoigne-t-elle. Une quinquagénaire travaillant dans une entreprise de télémarketing rapporte qu'une formatrice lui a demandé, en vue de sa prise de poste, de franciser son nom. "Lorsque j'ai informé ma hiérarchie qu je refusais de changer mon prénom, il a été mis fin à ma période d'essai. J'ai saisi le défenseur des droits de mon département. Evidemment, il n'y a aucun écrit qui précise ces faits. Le combat continue", dit-elle.

La fréquence de ces discriminations finit par avoir de très nettes conséquences chez les victimes, qui perdent confiance en elles et éprouvent un profond désarroi comme ce comptable de 30 ans : "J'ai vécu dans la précarité alors que j'étais un des meilleurs de ma promotion et que tous mes camarades avaient trouvé un emploi dans les 3 mois. Je n'ai pas pu construire le projet de vie auquel j'aspirais et pour lequel je me suis battu à l'école". Si beaucoup envisagent de partir à l'étranger, d'autres en viennent à accepter un emploi moins qualifié, précaire ou moins bien payé, surtout chez les femmes, comme cette candidate âgée de 25 ans : "Après de très nombreux échecs, j'ai décidé de prendre n'importe quel travail".
En conclusion, le Défenseur des Droits se réjouit de la perspective de l'entrée en vigueur d'une voie de recours collectif contre les discriminations, une disposition recommandée dès 2013 par Laurence Pécaut-Rivolier, alors conseiller à la Cour de cassation. Encore faut-il que cette disposition, qui figure dans le projet de loi "Justice du XXIe siècle", adoptée en première lecture en juillet dernier, soit définitivement votée cet automne, le Sénat devant l'examiner en nouvelle lecture à partir du 27 septembre. Dans la version actuelle du texte en débat, l'article 45 prévoit en effet qu'un syndicat représentatif pourra agir "devant une juridiction civile afin d'établir que plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou plusieurs salariés font l'objet d'une discrimination, directe ou indirecte", l'action pouvant se donner pour but la cessation du manquement à la loi et, le cas échéant, la réparation des préjudices subis. La version actuelle du projet de loi prévoit toutefois que, préalablement à l'action de groupe, les personnes victimes demandent à l'entreprise de faire cesser la situation de discrimination collective. L'entreprise devrait ensuite en informer le comité d'entreprise ou les DP afin d'engager une discussion "sur les mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination collective alléguée". Ce n'est qu'à l'expiration d'un délai de 6 mois (à compte de la demande initiale ou à compter de la notification par l'employeur du rejet de la demande) que l'action de groupe pourra être engagée.
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