Les réclamations pour discrimination ont crû de 7% l'an dernier, et plus de la moitié concernent l'emploi, constate le Défenseur des droits dans son bilan 2015. L'institution dirigée par Jacques Toubon s'inquiète d'une "restriction des libertés" et souhaite que l'action collective en matière de discrimination ne soit pas réservée aux seuls syndicats et associations.
Sur 79 600 dossiers de réclamations traités par le Défenseur des droits en 2015 (+8,3% par rapport à 2014), 4 846 réclamations ont concerné des faits de discrimination, soit une hausse de 6,9% par rapport à 2014. Plus de la moitié des réclamations traitant de discrimination ont concerné l'emploi. On peut voir, dans le schéma ci-dessous, que la discrimination liée à l'origine, autrement dit le racisme, constitue le premier facteur de discrimination dans l'emploi, les faits de racisme ayant aussi augmenté dans l'espace public l'an dernier, notamment contre les Musulmans.
Ces faits incitent Jacques Toubon à adresser cet avertissement en préambule du rapport présenté aujourd'hui : "Il est de la responsabilité du Défenseur des droits de souhaiter que l'égalité revienne au coeur du projet républicain afin que chacun se sente appartenir à cette République qui doit demeurer le trésor commun".
Mais les faits de discrimination touchent aussi des salariés dont l'état de santé se dégrade. "Bien que la jurisprudence relative au reclassement d'un salarié inapte soit désormais bien établie, les réclamations adressées au Défenseur des droits portant sur l'état de santé demeurent très nombreuses", constate le rapport 2015. Pour les plaignants, les procédures sont très longues : il a fallu 7 ans à un salarié, et un renvoi de la Cour de cassation, pour faire reconnaître par une cour d'appel la nullité de son licenciement pour discrimination du fait de son état de santé, la Justice lui octroyant 28 000€ de dommages et intérêts tout en ordonnant sa réintégration.
Sur cette question de la discrimination, le Défenseur des Droits est favorable à un recours collectif : il appelle d'ailleurs les "pouvoirs publics au plus haut niveau" à conduire "de nouveau une politique active de lutte contre toutes les discriminations, tous les préjugés, toutes les inégalités de traitement". Un projet de loi a d'ailleurs été examiné au Sénat. Comme le suggérait un rapport de Laurence Pécaut-Rivolier, ce texte prévoit de confier aux associations et aux syndicats le monopole de l'engagement d'une action collective en matière de lutte contre les discriminations.

Le Défenseur déplore cette restriction, étant donné "la limitation des moyens dont disposent les syndicats et les associations qui, une fois mobilisés par quelques lourds contentieux, ne seront plus en mesure d'offrir un accès au recours collectif à toutes les victimes de discrimination". Le Défenseur suggère au législateur français de s'inspirer du fonds d'aide au recours collectif en vigueur en Québec qui permet de financer l'indemnisation des victimes et l'exécution des jugements. Notons que le projet de loi, qui s'inscrit dans le projet de justice du XXIe porté par l'ancienne Garde des Sceaux, n'a pas encore été définitivement adopté par le Parlement.
Par ailleurs, le Défenseur a rappelé aux entreprises, en juillet 2015, les précautions qui s'imposent si elles mettent en place des dispositifs d'alerte interne contre les discriminations. Ces dispositifs doivent être déclarés et autorisés par la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) et faire l'objet d'une consultation des institutions représentatives du personnel. "Le dispositif d'alerte doit être facilement accessible et connu du salarié (..) Les alertes des salariés doivent pouvoir être traitées de manière impartiale, indépendante et respecter la confidentialité. Et les salariés qui saisissent ces dispositifs d'alerte en toute bonne foi ne doivent pas faire l'objet de mesures de rétorsion", rappelle le rapport.
Parmi les autres observations intéressant les salariés, notons que le Défenseur des droits continue de pointer le problème des assurés sociaux qui attendent la liquidation de leur pension de retraite. Certes, observe le rapport, "la ministre des Affaires sociales a décidé d'instaurer un droit opposable de nature à garantir le versement d'une pension provisoire aux assurés ayant déposé un dossier de demande de retraite complet quatre mois au moins avant la date de départ souhaité." Il s'agit du décret du 19 août 2015 et de la circulaire du 29 octobre 2015. Mais le Défenseur "demande aux acteurs concernés d'assurer une réelle publicité" à ce droit et à "l'entourer des informations appropriées de nature à éclairer les bénéficiaires sur la nature et le taux de la prestation servie". Le Défenseur annonce qu'il suivra particulièrement cette question en 2016.
Enfin, sur la question des mesures de sécurité prises par le gouvernement, le Défenseur des droits s'est montré critique sur l'état d'urgence et le projet de révision constitutionnelle.

"Parce qu'il faudra bien sortir un jour de l'état d'urgence, écrit Jacques Toubon, ce qui apparaît des annonces relatives à la présentation prochaine d'un texte pénal laisse à penser que le droit commun, c'est à dire le "droit de tous les jours", va être singulièrement durci (..) Il semble qu'un glissement s'opère vers un régime d'état permanent de crise caractérisé par une restriction durable des droits et des libertés. Cela ne saurait se faire sans un débat public réel et prolongé auquel le Défenseur des droits prendra part en vertu de sa mission constitutionnelle".
Outre 42 réclamations reçues entre le 26 novembre et le 31 décembre 2015, durant l'état d'urgence, pour des motifs liés à des perquisitions, assignations à résidence, le Défenseur souligne avoir été alerté sur 2 licenciements pour port de barbe. "La plupart de ces réclamations sont en cours d'instruction", dit l'institution.
Le Défenseur regrette notamment l'absence de véritable recours sur les contrôles d'identité fondés sur l'origine ou l'apparence ("contrôle au faciès") : "L'autorité publique doit pouvoir démontrer en quoi le contrôle systématique et exclusif d'un type de population en raison de sa couleur de peau ou de son origine est justifié par des circonstances précises et particulières. A défaut de tels éléments, et même si le contrôle se déroule sans propos humiliant ou insultant, il est susceptible de constituer une discrimination caractérisant une faute lourde engageant la responsabilité de l'Etat". Enfin, le rapport présenté par Jacques Toubon tire aussi la sonnette d'alarme sur le contrôle, via des mesures "d'encagement" ou d'isolement de certains groupes, de manifestations sur la voie publique par les forces de l'ordre. "Toute restriction aux libertés, en particulier d'expression, de réunion, de manifestation ainsi que d'aller et venir, doit être strictement proportionné au but poursuivi", rappelait le Défenseur dans une décision du 21 mai 2015.
Qu'est-ce que le Défenseur des droits ? |
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Issu du regroupement de la Halde, du médiateur de la République, du Défenseur des enfants et de la commission nationale de déontologie de la sécurité, le Défenseur des droits est une institution indépendante créée en 2011. Dirigée par Jacques Toubon, qui a succédé à Dominique Baudis, Le Défenseur des droits a deux missions : - défendre les personnes dont les droits ne sont pas respectés; - permettre l'égalité de tous et toutes dans l'accès aux droits. Toute personne physique ou morale peut saisir gratuitement le Défenseur si : - elle s'estime discriminée; - elle a des difficultés avec un service public; - elle constate qu'un représentant de l'ordre public n'a pas respecté les règles de bonne conduite; - les droits d'un enfant ne sont pas respectés.
tilma sincarné par Jacques Toubon, est chargé de lutter contre les discriminations directes ou indirectes prohibées par la loi et de promouvoir l'égalité. Le Défenseur des droits emploie 234 personnes. A l'automne 2016, l'institution va s'installer sur un site unique, place de Fontenoy (Paris 7e). Pour en savoir plus sur cette institution, lire notre article du 12 mai 2014 : "Le Défenseur des droits est une institution en ordre de marche". |
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
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