Droit de retrait et fermeture d'usine : comment le CSE a fait plier la direction de Punch Powerglide

Droit de retrait et fermeture d'usine : comment le CSE a fait plier la direction de Punch Powerglide

19.03.2020

Représentants du personnel

Après l'irruption de plusieurs cas avérés de coronavirus à l'usine Punch Powerglide de Strasbourg, les élus du CSE ont fini par faire plier la direction. La décision de fermer l'usine a été prise mercredi 18 mars au matin. Les élus du CSE nous racontent.

Un premier cas de coronavirus a été détecté le 8 mars dernier chez un salarié de l'usine Punch Powerglide de Strasbourg (Alsace), qui fabrique des boîtes de vitesse automatiques pour l'industrie automobile. Quand le virus a commencé à se transmettre aux salariés, les élus ont pris les choses en main. Après un premier refus de la direction et deux CSE extraordinaires, la décision a finalement été prise de fermer l'usine.
Trois cas de coronavirus à l'usine, et la peur est montée chez les salariés
Le deuxième cas avéré de coronavirus a été détecté lundi 16 mars, à l'usine Punch Powerglide de Strasbourg, région durement touchée par l'épidémie. "Les salariés malades ont été traités par le service médical de l'usine que nous avons remercié pour son excellent travail. Mais à partir de ce deuxième cas, la peur est montée chez les salariés", nous raconte Laurent Julien, secrétaire CFDT du CSE de l'entreprise. D'autant qu'un troisième cas est ensuite recencé mardi 17 mars. Sans compter les confinements et les suspicions de cas chez des salariés qui se sentent mal ou font des malaises sur le parking.
 C'était le défilé à l'infirmerie

 

Malgré ces faits, la direction ne prend pas l'initiative de fermer l'usine et les élus du CSE s'inquiètent. Certes, des mesures de précaution avaient été prises, comme la distribution de gel hydro-alcoolique, les consignes d'adoption des gestes barrière ou encore la distanciation des salariés à la cantine qui ne devaient occuper qu'une place sur deux. "Malgré cela, c'était le défilé à l'infirmerie. Nous avons donc décidé le Sauve qui peut !", nous confie Laurent Julien. Les élus exercent alors leur droit d'alerte pour danger grave et imminent.

Mardi 17 mars, les élus donnent l'alerte
En effet, les élus du CSE disposent d'un droit d'alerte en cas de danger grave et imminent, comme l'autorisent les articles L. 4132-1 et suivants du code du travail. En principe, la procédure d'alerte commence par le constat du danger sur la santé des salariés et l'information de l'employeur. Elle peut se poursuivre par une enquête voire une intervention de l'inspecteur du travail. Si la direction et les représentants du personnel ne parviennent pas à s'entendre, le CSE est réuni d'urgence dans un délai n'excédant pas 24 heures.
 Nous avons actionné le droit d'alerte pour que les salariés rentrent chez eux

 

C'est ce qui s'est passé chez Punch Powerglide puisqu'une première réunion extraordinaire du CSE a eu lieu mardi 17 mars et une seconde le lendemain. Laurent Julien raconte : "Nous avons actionné le droit d'alerte pour que les salariés puissent rentrer chez eux". Et c'est précisément le but du droit d'alerte accordé aux membres du CSE : alerter la direction du danger et mettre les salariés à l'abri. Stratégie payante car mercredi matin, la direction prend la décision de fermer l'usine.

La direction de Punch Powerglide confrontée au problème des équipementiers
Dans un premier temps, la direction de Punch Powerglide (qui n'a pas souhaité répondre à nos sollicitations) n'a pas voulu fermer l'usine. Comme c'est également le cas chez Valeo (lire notre article), les équipementiers sont confrontés à une difficulté particulière que ne rencontrent pas les constructeurs automobiles : en tant que prestataires, ils doivent exécuter les commandes des clients, en l'occurrence la marque automobile allemande BMW et son sous-traitant ZF. André Dulery, membre du CSE de l'usine Punch de Strasbourg nous le confirme : "La direction a refusé de fermer car nous fabriquons des boîtes de vitesse pour ZF, en Allemagne, qui est sous-traitant de BMW. Et eux n'ont pas fermé leurs usines pour cause de coronavirus. Or, si Punch fermait en premier, nous aurions dû leur payer des pénalités".
Un second CSE extraordinaire, et c'est la fermeture
Les usines BMW ont fermé à leur tour ce mercredi. Mais pour André Duléry, qui appartient à la CGT (mais n'est pas délégué syndical), c'est bien le second CSE extraordinaire et la mobilisation des élus qui ont fait plier la direction : "N'écoutez pas ceux qui vous disent que BMW et ZF avaient l'intention de fermer. J'ai alerté plusieurs fois notre actionnaire pour la fermeture, Guido Dumarey, qui me répondait "Au bon moment !'" et "Arrêtez de vous énerver". Mais nous voulions préserver notre vie, notre santé et nos proches". Les salariés ont donc suivi leurs élus, et 95 % d'entre eux ont exercé leur droit de retrait mercredi 18 mars au matin. Le CSE extraordinaire s'est ensuite tenu à 11 heures. "C'était tendu", nous confie André Dulery sur le chemin du retour à son domicile. "Et puis nous ne comprenons pas pourquoi nous devons continuer travailler alors que tout le monde doit rester confiné pour limiter la contagion", explique-t-il. Après plusieurs conférences téléphoniques avec BMW et ZF, la décision est finalement prise de fermer l'usine et d'ouvrir une période de quatre semaines de chômage partiel. Les élus de Punch Powerglide espèrent que les salaires seront payés à 100%. 
La CFDT demande à PSA Retrail de compléter l'indemnisation du chômage partiel jusqu'à 100%
Améliorer l'indemnisation du chômage partiel devient une préoccupation chez de nombreux salariés. Pour l'instant, le gouvernement prévoit une prise en charge de 100 % des rémunérations des salariés au Smic (soit 1539,42 € brut mensuel), et 84 % du salaire net (ou 70 % du salaire brut) pour les autres salariés. Seront pris en compte les salaires inférieurs à 4,5 Smic. Un régime qui semble déjà insuffisant pour les salariés. La CFDT de PSA Retail (réseau de distribution) s'est fait la porte-parole de ces voeux dans un communiqué publié mercredi 18 mars. Nicolas Decellas, délégué syndical CFDT chez PSA Retail nous explique cette démarche : "Nous voulons donc négocier un accord groupe avec la direction pour obtenir un complément d'indemnisation jusqu'à 100 % pour tous les salariés quelle que soit leur rémunération. Nous attendons déjà les décrets du ministère du travail pour avoir une meilleure vision du dispositif. Ensuite, nous avons rendez-vous avec la direction vendredi après-midi pour commencer à négocier". Les salariés de PSA Retail se plaignent également d'être défavorisés par rapport à ceux de PSA usine qui sont les constructeurs, ingénieurs et concepteurs des voitures. "Ils ont eu une prime de 4 000€ il y a quelques semaines. Chez PSA Retail, qui s'occupe de la commercialisation des voitures, nous n'avons rien eu", poursuit Nicolas Decellas. 

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Marie-Aude Grimont
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