Du revenu universel au revenu minimum : un concept à géométrie variable

Du revenu universel au revenu minimum : un concept à géométrie variable

06.01.2017

Action sociale

Qu’il soit unique, décent, garanti ou universel, le projet de revenu minimum s’est immiscé dans la campagne présidentielle. A l’étranger - Finlande, Inde, Pays-Bas – l’idée chemine également. Mais quelle idée d’ailleurs ? Le revenu minimum correspond à toute une variété de concepts et propositions des candidats à la présidentielle. Les acteurs du social se positionnent aussi.

Débats médiatiques des candidats à la présidentielle sur le revenu universel, avis du Cese prévu pour le 15 février prochain, expérimentation en Finlande depuis le 1er janvier… On observe ces jours-ci un emballement à tous les niveaux sur le revenu universel, mais aussi sur le revenu minimum.

Deux vocables et une variété de concepts différents utilisés aussi bien à gauche qu’à droite, en France qu’en Finlande, Grande-Bretagne, Allemagne ou Inde (lire encadré). Comme les candidats, les associations et fédérations du social se positionnent aussi. Pour celles qui se sont déjà exprimées, elles rejettent généralement le revenu universel pour retenir un revenu minimum socle tel que présenté par Christophe Sirugue (alors en qualité de député PS) en avril 2016 dans son rapport au gouvernement.

De Benoît Hamon (PS) à François Fillon (LR) en passant par Manuel Valls (PS) et Christophe Sirugue (PS), il est intéressant d’observer à quel point les scenarii de revenu minimum divergent. A tel point qu’ils peuvent justifier des objectifs parfois antagonistes : d’une libération du travail et du chômage pour certains, à un contrôle accru des aides sociales et une valorisation du travail par rapport à l’« assistanat », pour d’autres.

Analyse de l’éventail des propositions de gauche à droite.

1 – Un revenu inconditionnel et universel 

Le principe ? Utilisé comme synonyme du revenu de base, le revenu universel correspond, selon le Mouvement français pour un revenu de base (MFRB) à « un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement. »

Le concept ressortait également des discussions dans le cadre de Nuit Debout. S'inscrivant dans cette mouvance, Baptiste Mylondo, enseignant en économie et philosophie politique, en résume ainsi les objectifs principaux : reconnaître le travail de tous, libérer le travail, instaurer un revenu de citoyenneté suffisant, mettre en place un modèle de travail coopératif, libérer de l’emprise temporelle du travail.

Paradoxalement, le revenu de base ne recueille pas l’assentiment de la gauche de la gauche. Jean-Luc Mélenchon (Parti de Gauche), le Parti communiste et le NPA y sont opposés, mais aussi des associations telles que le Secours populaire et ATD Quart monde. Leur crainte : que le revenu universel soit utilisé comme un cheval de Troie pour casser le modèle social.

Plus anciennement, l’idée date de 1795 et 1848 dans les ouvrages de Thomas Paine (La justice agraire) et Joseph Charlier (Solution du problème social). Ces derniers prônaient une modeste dotation à la majorité en tant que redistribution d'un patrimoine naturel commun.

Porté par qui ? Benoît Hamon (PS), Pierre Larrouturou (Nouvelle Donne), Charlotte Marchandise (LaPrimaire.org), Yannick Jadot (EELV), Jean-Luc Bennahmias (Front démocrate), la Fédération des Apajh.

Pour qui ? Pour toute personne sans condition de ressources à partir de 18 ans (sauf pour Charlotte Marchandise, qui le propose dès la naissance).

Combien ? Diverses propositions selon les candidats de gauche en campagne : 800 euros / mois pour Jean-Luc Bennahmias (Front démocrate), 535 euros à titre d’expérimentation puis 750 euros à terme pour Benoît Hamon (PS), 535 euros pour Yannick Jadot, de 400 à 1 200 euros pour Charlotte Marchandise (LaPrimaire.org)

A quel coût ? 300 milliards d’euros par an selon Benoît Hamon et Jean-Luc Bennahmias, non précisé pour les autres candidats.

2 – Une couverture socle commune unique, non universelle et conditionnée aux ressources 

Le principe ? La fusion des dix minima sociaux. Il correspond à un objectif de lutte contre la pauvreté et non de revenu universel. Il s’agit du scénario 3 du rapport Sirugue, que ce dernier privilégie. C’est aussi l’esprit du projet d’avis du Cese demandé par le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone, qui sera rendu le 15 février. La mesure comprend une couverture socle et deux « compléments de parcours » : un « complément d’insertion » pour les 18 – 65 ans et un « complément de soutien » pour les plus de 65 ans ou en situation de handicap.

Porté par qui ? Christophe Sirugue (PS), dans son rapport au gouvernement « Repenser les minima sociaux », le collectif Alerte (composé d’associations du secteur social telles que Fnars, Secours Catholique, ATD Quart Monde, APF…), le projet d’avis présenté au Cese le 15 février prochain, dont Marie-Aleth Grard, vice-présidente d’ATD Quart Monde, est co-rapporteur.

Pour qui ? Couverture individuelle pour les plus de 18 ans sous conditions de ressources, avec versement automatique.

Combien ? Couverture socle de 400 euros / mois + complément d’insertion de 100 euros / mois ou complément de soutien de 407 euros maximum

A quel coût ? Entre 1,2 et 6,6 milliards d’euros par an selon la fourchette établie par la Drees et la direction du Trésor.

3 – Un revenu minimum décent, non universel et conditionné aux ressources

Le principe ? Il consiste dans la fusion des dix minima sociaux, mais sans complément de parcours. S'aligne a priori sur la fourchette haute du scénario Sirugue.

Porté par qui ? Manuel Valls.

Pour qui ? Toute personne de plus de 18 ans résidant en France, sous conditions de ressources.

Combien ? Entre 800 et 850 euros par mois.

A quel coût ? 30 milliards d’euros par an.

4 – Une allocation sociale unique conditionnée et non universelle 

Le principe ? Se distingue des deux scenarii précédents dans la mesure où il ne s’agit pas d’une fusion des seuls minima sociaux mais de toutes les aides sociales. L’objectif : « créer une prestation sociale unique permettant un meilleur contrôle de toutes les aides accordées par l’Etat pour que les revenus du travail soient toujours supérieurs à ceux de l’assistance ». Mais aussi : « réformer un système social qui s’est éloigné de sa mission initiale et qui peut aujourd’hui favoriser l’assistanat au détriment de l’activité ».

Porté par qui ? Le candidat du parti Les Républicains François Fillon.

Pour qui ? Pour les bénéficiaires des aides sociales.

Combien ? 75 % du Smic, 847 euros.

A quel coût ? Non estimé. Fusion des aides publiques en une allocation unique.

 

Ailleurs dans le monde, un revenu minimum expérimenté ou mis en place

Finlande : le revenu universel est testé en Finlande depuis le 1er janvier 2017. 2 000 demandeurs d'emploi finlandais ont été tirés au sort pour percevoir 560 euros par mois. Pendant deux ans, cette somme pourra s'ajouter à un emploi ou pas.

Pays-Bas : depuis janvier 2016, 20 villes néerlandaises ont mené des projets pilotes sur le revenu minimum universel. A Utrecht par exemple, 300 bénéficiaires du chômage ou des minima sociaux ont reçu 900 euros qu'ils peuvent ajouter à un éventuel emploi.

Inde : Après une expérimentation réussie de revenu universel dans certains villages ruraux en 2004, l'Inde semble cheminer elle aussi vers l'idée. En octobre dernier, le conseiller économique du gouvernement Arvind Subramanian évoquait dans la presse indienne la possibilité de la mise en place d'un revenu minimum universel. Un rapport sur le sujet doit être remis au gouvernement dans les semaines à venir. Selon la presse britannique, les auteurs de l'étude estiment que le revenu de base constitue "la voie à suivre" dans ce pays.

Grande-Bretagne : le Universal Credit a été introduit de manière progressive dans certains territoires depuis avril 2013 en vertu du Welfare Reform Act. La prestation fusionne six aides sociales jusqu'alors versées sous conditions de ressources. Elle est versée au foyer et non plus aux individus. Ce crédit universel devait être étendu progressivement jusqu'en 2017. Toutefois, en décembre 2015, seules 150 000 personnes en bénéficiaient, sur un total de 8 millions de personnes éligibles. La mesure correspond à une incitation au retour à l'emploi. L'Igas, qui s'est penchée sur la mesure, estime qu'elle est potentiellement inégalitaire et que son impact sur l'emploi est difficile à prévoir. (voir annexe du rapport Sirugue)

Allemagne : L'architecture des minima sociaux a été réformée dans les années 2000 (réformes Hartz successives) afin de couvrir le risque de chômage et la pauvreté. Trois minima sociaux principaux émergent de la fusion : l'assistance chômage, l'aide à la subsistance, et l'allocation minimum pour personnes âgée ou en situation de handicap. (voir annexe du rapport Sirugue).

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Marie Pragout
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