E-Parcours, un progiciel conçu pour et par les travailleurs sociaux

E-Parcours, un progiciel conçu pour et par les travailleurs sociaux

13.05.2016

Action sociale

Dans le Bas-Rhin, les travailleurs sociaux ont participé à la création d’un progiciel dédié à la gestion de la relation avec les usagers. Son implantation dans les services du département fait l’objet de toutes les attentions. À la clé : une plus grande lisibilité des interventions, assurent les acteurs.

Face aux injonctions à la dématérialisation des données et des procédures, la position des travailleurs sociaux reste encore très imprécise. Certains y voient une volonté de contrôle de l’activité des services, quand d’autres appellent à la transparence du travail social. Deux approches antagonistes en passe d’être réconciliées dans les services sociaux du conseil départemental du Bas-Rhin, avec la création de E-Parcours, un progiciel qui permet de suivre, dans le respect du secret professionnel, l’intégralité du parcours d’un usager, depuis le premier entretien jusqu’à sa sortie des dispositifs d’aide.

Officialisé le 25 avril dernier par l’ouverture d’un plan de formation auprès des 300 travailleurs sociaux du département, E-Parcours est l’aboutissement d’une longue concertation, explique Jean-Luc Meng, conseiller technique en travail social au conseil départemental du Bas-Rhin. « Depuis juin 2012, près de vingt groupes de travail mobilisant des agents de tous les métiers ont porté le projet. C’est donc tous ensemble qu’ils ont imaginé, construit et testé cet outil. »

Une logique de dossier social unique

Dans un département organisé en cinq unités territoriales d’action médico-sociale, exerçant chacune des missions d’accueil, d’orientation et d’accompagnement, un des premiers objectifs assigné à E-Parcours est d’assurer au public une cohérence des interventions d’un bout à l’autre du territoire. « Aujourd’hui, on compte jusqu’à sept ou huit dossiers de demande d’aides diverses pour une même personne. La volonté est de faciliter le partage des informations entre les différents professionnels et d’engager une démarche de dossier social unique, par-delà le cloisonnement des dispositifs », précise le conseiller technique.

Confidentialité garantie

À l’ouverture d’un dossier d’aide, les éléments caractérisant la situation d’un demandeur sont rentrés dans la base de données du système d’information, en rendant possible le passage de relais d’un professionnel à un autre. Dans la mesure où l’entretien avec la personne occupe une place centrale dans la collecte d’informations, la confidentialité des échanges a dû être garantie. « Les comptes rendus d’entretien ne sont accessibles qu’aux professionnels chargés des missions de polyvalence [accès aux droits, protection de l’enfance, lutte conte l’exclusion] pour éviter que certaines données sensibles provoquent des décisions administratives auprès d’autres services », ajoute Jean-Luc Meng. L’outil est complété par un ensemble de fonctions facilitant la gestion de la relation avec les usagers, depuis la phase diagnostic jusqu’au traitement de leur situation, ainsi que par une capacité d’extraire à tout moment des statistiques dans un but de pilotage et d’évaluation de l’activité.

Un changement de posture

L’implication des agents dans la genèse de E-Parcours a permis d’anticiper sur les difficultés auxquelles se confrontent aujourd’hui beaucoup de départements engagés dans une démarche similaire. « Au lancement de la réflexion, les questionnements ont d’abord porté sur le contrôle qu’un tel progiciel pouvait exercer sur l’usager, en vue notamment d’empêcher des demandes d’aide multiples. Puis nous sommes très vite revenus à la raison : un usager qui traverse le département pour obtenir la même aide auprès de plusieurs services, cela représente une rupture de l’équité vis-à-vis des autres citoyens », témoigne Christine Legrand, une assistante sociale membre de plusieurs groupes de travail.

Autre sujet délicat : outil de gestion de la trajectoire des usagers, E-Parcours intègre des procédures qui permettent de dégrossir techniquement le plan d’action, d’en fixer la date de début, de fin et de révision prévisionnelle, ainsi que le professionnel référent chargé de sa mise en œuvre. « Cette notion de parcours s’accompagne d’objectifs co-construits avec l’usager et d’engagements réciproques qui vont être ensuite édités à la manière d’une feuille de route. Cela bouscule la façon de penser des professionnels », observe Christine Legrand.

L’indispensable accompagnement des utilisateurs

Depuis le lancement du projet, en 2012, jusqu’à la formation des 300 travailleurs sociaux du département prévue pour s’achever en juin prochain, plus de 13 000 heures auront été nécessaires, soit un investissement de l’ordre de 650 000 euros. Pour autant, le conseil départemental se dit conscient de la nécessité de continuer à accompagner ses agents. Au sortir des premières formations, nombre d’entre eux manifestaient en effet leur inquiétude. La crainte ? Que dans un contexte d’augmentation des besoins sociaux, l’alimentation d’un outil informatique avide de données place les services en surchauffe… Un réseau de professionnels experts sera développé pour apporter un soutien aux professionnels en difficulté, et une équipe projet continuera à adapter le système informatique à la réalité du terrain, annonce d’ores et déjà le conseil départemental.

Christine Volet, responsable d’une unité territoriale d’action médico-sociale, résume l’enjeu. « Le travail social a trop longtemps été victime de son opacité. Il nous faut désormais rentrer dans le siècle avec un outil qui serve la visibilité de l’intervention sociale, tant auprès des élus, de nos partenaires que des usagers. »

 

Pourquoi une série sur les NTIC ?
La « révolution » du numérique n’est pas un mot creux dans le champ social et médico-social. Pour la première fois de leur histoire, les travailleurs sociaux sont confrontés à un ensemble de technologies qui influencent leurs relations avec les usagers. Dans les services, la diffusion des objets connectés s’accompagne de nouvelles formes de médiations éducatives. L’habileté des personnes souffrant de déficiences intellectuelles à maîtriser ou non l’ordinateur brouille toutes les classifications traditionnelles du handicap. La réalité virtuelle ouvre sur des modes d’apprentissage inédits, tant auprès des professionnels que des usagers et des familles. C’est jusqu’à la façon de concevoir l’intervention sociale sur les territoires qui, en quelques années, s’est modifiée. Comment se pensent les usages du numérique dans des institutions et des services où prime la relation d’aide ? Quelles perspectives offrent-ils ? Avec cette série « Le travail social à l’heure du numérique », TSA entend alimenter le débat.

 

Retrouvez nos précédents articles sur le défi des NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communation) dans le travail social :

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