Echec de la négociation assurance chômage : le sort des chômeurs et du paritarisme en suspens

Echec de la négociation assurance chômage : le sort des chômeurs et du paritarisme en suspens

21.02.2019

Représentants du personnel

Engagée à l’automne dernier, la négociation sur l’assurance chômage se solde sur un constat de désaccord. Hier après-midi au siège du Medef à Paris, patronat et syndicats se sont renvoyés la responsabilité de cet échec, laissant le sort des demandeurs d’emploi entre les mains de l’Etat.

Ambiance morose hier en milieu d’après-midi dans le hall principal du siège du Medef, avenue Bosquet à Paris. Après trois mois et demi de discussions et dix séances plénières, les partenaires sociaux ont convenu d’arrêter la négociation sur la nouvelle convention d’assurance chômage, qui n’aura jamais véritablement avancé sur le fond. Alors que le Medef écarte tout dispositif de bonus-malus visant à réduire le recours aux contrats courts, le patronat souligne en défense le refus des syndicats d’aborder le volet "économies et incitations au retour à l’emploi" prévu par la lettre de cadrage du gouvernement.

Pas d’ultime négociation, mais une simple lecture de constat d’échec

Lors de cette réunion conclusive hier, il n’y aura même pas eu de tentative de négociation, tant la distance à parcourir pour parvenir à un accord était grande. "Aujourd’hui, tout ce que nous a proposé le Medef, c’est la lecture d’un constat d’échec, résume Michel Beaugas, négociateur Force ouvrière. Le patronat n’a jamais voulu, malgré les demandes réitérées des cinq organisations syndicales, du dispositif de bonus-malus sur les contrats courts. Quand on veut un accord, il faut faire un pas vers l’autre, et non comme l’a fait le Medef, un pas de côté".  "L’issue de cette séance était plutôt attendue car on savait que la séance houleuse de la semaine dernière devait atterrir aujourd’hui", confirme Marylise Léon, secrétaire générale adjointe de la CFDT. "En dix ans, c’est la première négociation où l’on ne négocie pas du tout, commente Jean-François Foucard, secrétaire national CFE-CGC. Grâce au bonus-malus, on aurait pu aller chercher un milliard d’euros d’économies avec un effort réparti à 40% pour le patronat et 60% pour les salariés. Mais le Medef a refusé tout compromis".

Pour sa part, Hubert Mongon, chef de file de la délégation patronale, estime être allé au bout de ce qu’il pouvait proposer dans le cadre contraint imposé il y a quatre mois par le gouvernement : "Il n’a jamais été possible de discuter (avec les syndicats) du volet "économies" et le débat public s’est concentré exclusivement sur le volet "contrats courts", déplore le Medef. Nous avons présenté en séance une nouvelle proposition : le versement d’une contribution forfaitaire à chaque fin de contrat à durée déterminée d’usage de trois mois ou moins, à un fonds piloté par l’assurance chômage, et servant à financer des aides complémentaires à la formation et des aides à la mobilité". En vain.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Le gouvernement va reprendre la main, mais pour quelles nouvelles mesures ?

La balle est maintenant dans le camp de l’Exécutif : "Soit le gouvernement reprend la main seul, soit il nous associe à la rédaction de la nouvelle convention, soit il ne fait rien et on garde la convention actuelle jusqu’en 2020, analyse Michel Beaugas pour FO. Ce dont je suis sûr, c’est que si le gouvernement reprend la main, il ira chercher le milliard d’euros d’économies sur le dos des chômeurs. Je suis en revanche moins certain qu’il imposera aux employeurs la modulation des cotisations sur les contrats courts". "Je suis inquiète des suites pour les demandeurs d’emploi, énonce avec gravité Marylise Léon. Le gouvernement nous a toujours dit qu’il reprendra la main en cas d’échec et clairement nous ne partageons pas l’idée que le régime devrait être plus dur à l’égard des chômeurs, en particulier ceux qui sont en activité réduite. Nous avons demandé l’organisation de réunions tripartites. C’est vrai qu’il est moins facile de s’entendre à trois qu’à deux, concède-t-elle, mais l’idée c’est de mettre tout le monde autour de la table et de jouer cartes sur table".

Pour la CGT, le meilleur moyen de défendre les salariés reste de construire un rapport de force : "Nous pensons qu’il faut continuer de gérer l’assurance chômage de manière paritaire, avance le négociateur Denis Gravouil. Aujourd’hui c’est une victoire du patronat et du gouvernement, qui a transféré le financement du chômage sous forme d’impôt et non plus de cotisations. Maintenant nous allons, le plus possible dans l’unité syndicale, continuer de défendre la création d’un bonus-malus sur les contrats courts".

"La fin d’une ère" pour le paritarisme

Cette incapacité des partenaires sociaux à trouver un accord pose nécessairement la question du sort du paritarisme. "On rentre dans une nouvelle ère, le paritarisme n’est plus ce qu’il était, déplore Marylise Léon. C’est certainement la dernière négociation nationale interprofessionnelle Unedic. Mais c’est aussi l’occasion d’arrêter de se cacher derrière un paritarisme de façade et d’identifier véritablement quelle est la place de l’Etat dans la gestion de l’assurance chômage". "C’est la fin d’une époque", confirme Jean-Michel Foucard pour la CFE-CGC.

Force ouvrière dénonce quant à elle "un paritarisme d’Etat" : "Nous ne sommes plus dans le cadre du paritarisme que l’on a connu. Il en va de même pour la formation professionnelle. Cela pose effectivement la question de l’avenir du paritarisme. Mais ce qu’il faut retenir dans l'immédiat, c’est que la convention d’assurance chômage continue de s’appliquer, et simplement que rien ne change", ironise en conclusion Michel Beaugas.

Julien François
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