04.06.2019
Action sociale
Hella Kherief a travaillé plusieurs années en Ehpad comme aide soignante. Ayant été licenciée suite à la dénonciation de faits observés en maison de retraite, elle se définit comme une lanceuse d'alerte. Dans un livre mêlant expérience personnelle et réflexions plus générales, elle ausculte un grand corps malade, les Ehpad.
Certains responsables du secteur personnes âgées vont sans doute lever les yeux au ciel : encore un livre exploitant le filon de "l'Ehpad bashing" ! Ceux-ci citeront un reportage sur les Ehpad commerciaux dans le cadre d'Envoyé spécial de septembre dernier, le livre en début d'année "Ehpad, une honte française" écrit par l'ancienne AMP Anne-Sophie Pelletier devenue depuis députée européenne... Voilà que sort un nouveau livre écrit là aussi par une professionnelle Hella Kherief au titre-choc "Le scandale des Ehpad" (1). Sauf à prendre les maisons d'édition pour des irresponsables, la multiplication - toute relative d'ailleurs - des livres sur les Ehpad témoigne d'un intérêt du grand public pour ce sujet, longtemps victime d'une omerta.
Témoigner, raconter le dessous des Ehpad... la mission reste encore très risquée. Hella Kherief, jeune femme originaire de Marseille qui a témoigné dans plusieurs reportages, commence son livre par une douloureuse anecdote. Elle qui devait signer pour un CDI dans un hôpital avait, au dernier moment, été écartée sans raison. Elle fait le lien avec son statut de lanceuse d'alerte, notamment pour avoir contesté les méthode d'un très puissant groupe privé. On n'ouvre pas la bouche sans en payer le prix fort !
Dans une première partie, l'auteur raconte son histoire. Celle d'une fille d'origine algérienne qui suivait souvent sa mère, femme de ménage dans une maison de retraite. Elle développe un rapport décontracté avec la vieillesse, se lance dans des études d'aide-soignante qu'elle réussit. A l'issu de son premier stage, elle écrit un courrier à la directrice de l'Ehpad pour lui faire part de ses remarques sur le fonctionnement et les pistes d'amélioration. Dans son livre, elle note : "J'ai compris que la vie en maison de retraite, et particulièrement en Ehpad privé, n'avait plus grand chose à voir avec ce que j'avais vu enfant. Sur une vingtaine d'années, la relation à la vieillesse et à la dépendance est devenue un véritable business, une transaction plutôt qu'une relation."
Dans ses pages qui mêlent récit de vie et réflexions plus générales, Hella Kherief raconte, par exemple, la journée ordinaire d'une aide-soignante. Il est question de manque d'effectif, avec des situations dangereuses à gérer. Elle prend la mesure du fossé avec la direction : "Mes récriminations, mes recommandations, mes demandes ne seront jamais entendues par une direction volontairement sourde et opaque", écrit-elle. Respectant les procédures, l'aide soignante rédige une fiche d'événement indésirable pour la cadre de santé et elle envoie une copie à l'ARS. Laquelle décide d'une visite à une date définie. "Le jour J tout était en place comme un jour de Noël pour recevoir la délégation étatique." Il ne se passera rien...
La courageuse lanceuse d'alerte se voit ensuite l'objet d'une surveillance perpétuelle pour la faire craquer. Un conflit l'oppose à sa responsable hiérarchique sur le nombre de protections de rechange dont elle peut disposer pour une résidente victime d'une infection urinaire. Cette tension sera le prétexte pour la licencier.
Dans une seconde partie, l'auteur décortique le fonctionnement des Ehpad au regard de l'accélération du vieillissement. Elle raconte par le menu des histoires de vie de résidents. Une vieille dame jugée hyperactive - ce qui est source de travail supplémentaire - se voit administrer des anxiolytiques, histoire de la calmer. La succession des vacataires fait que la relation humaine se réduit et la connaissance intime des résidents aussi. Elle raconte aussi la rapide dégradation d'une vieille dame très alerte qui se réduit progressivement à une malade attendant ses soins.
La relation des familles aux Ehpad est également explorée. Celles-ci sont très culpabilisées d'envoyer leur parent en Ehpad, sachant que ce sera leur dernière demeure. Même si l'auteur reconnaît que certains Ehpad font bien le job, les témoignages recueillis font parfois froid dans le dos. Tel ce directeur qui reçoit la fille d'une résidente pendant... sept ans, tout juste décédée et lui dit tout de go sans la moindre condoléance : "Il va falloir m'emmener le corps de votre mère rapidement car je n'ai pas de frigo".
Hella Kherief explore aussi les dimensions financières et le coût exorbitant d'un séjour en Ehpad alors même que la qualité des repas, par exemple, n'est pas toujours au rendez-vous (le budget moyen dans les Ehpad commerciaux est de 4,50 € par repas). Elle note que dans les grands groupes, les directeurs et les cuisiniers sont primés quand ils réalisent des économies. Ce fait est d'autant plus choquant que la dénutrition frappe entre 450 000 et 700 000 personnes âgées. "Une personne dénutrie est une personne qui assimile moins bien ses médicaments", note-t-elle.
Enfin, dans une dernière partie intitulée "Mon Ehpad idéal", on pourra lire une douzaine de propositions de l'auteur. Certaines sont relativement classiques (contre l'âgisme, des aidants plus soutenus...), d'autres plus originales. Retenons-en trois. Hella Kherief suggère de rendre les couloirs plus humains en y installant de la musique quelques heures par jour. Par rapport au droit d'aller et venir, elle propose 
de le renforcer. "Imaginez vous que dans certaines maisons de retraite, écrit-elle, jamais plus elles [les personnes atteintes de troubles cognitifs importants, NDLR] ne ressentent la chaleur du soleil ou l'odeur de la nature." Enfin, l'auteur invite à un vrai effort de formation... pour les membres des directions. "Nombreuses sont les personnes qui viennent du milieu médical, de la finance, des ressources humaines et qui n'ont pas la moindre vision de ce qu'est une personne âgée dépendante en dehors de leur plan comptable ou logistique."
(1) Ecrit en collaboration avec France Carp, éd. Hugo, 170 p., 15 €.
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Plus personne ne conteste l'idée selon laquelle il y a de sérieux problèmes dans le fonctionnement des Ehpad. Le livre que nous présentons propose quelques pistes de réforme. Professionnel (ou pas) des Ehpad, n'hésitez pas à nous faire part de vos idées, de vos propositions. tsa fera vivre ce débat au moment où les pouvoirs publics préparent une nouvelle loi sur la dépendance. Merci de nous envoyer vos contributions sur notre adresse mail : tsa@editions-legislatives.fr |
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Morceaux choisis d'un texte aux multiples facettes
Un catalogue de mesures en faveur de la prise en charge de la perte d'autonomie
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