Elections du CSE : le projet de réécriture de l'article du code du travail ne satisfait pas la CFE-CGC

31.08.2022

Représentants du personnel

La censure du Conseil constitutionnel impose au gouvernement de revoir la rédaction de l'article du code du travail sur les élections professionnelles afin que tous les salariés puissent voter, alors que la jurisprudence écartait les salariés ayant une délégation de l'employeur. L'actuel projet de rédaction du gouvernement, contre lequel la CFDT n'a pas d'objection, ne satisfait par la CFE-CGC, à l'origine de la censure constitutionnelle.

A la suite de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par le syndicat CFE-CGC de Carrefour (*), le Conseil constitutionnel a censuré, dans une décision du 19 novembre 2021, l'article L.2314-18 du code du travail. Mais il a décalé sa censure au 31 octobre 2022, afin que le gouvernement ait le temps de modifier la rédaction de ce texte afin de sécuriser les élections professionnelles (lire notre article).

Un enjeu important : qui peut voter aux élections ?

L'enjeu est important puisque cet article définit qui peut voter aux élections professionnelles. Plus précisément, le Conseil a visé la jurisprudence établie par la Cour de cassation sur la base de l'article L. 2314-18 et qui aboutit à ce que les salariés dotés d'une délégation de l'employeur ou d'un pouvoir de représentation devant les instances représentatives du personnel sont exclus des élections professionnelles et ne peuvent pas être élus, au motif qu'ils représentent l'employeur. En résumé, le Conseil contraint le gouvernement à réécrire un texte obligeant les juges à revoir leur jurisprudence.

Le gouvernement a donc intégré dans son projet de loi sur le marché du travail une nouvelle version de cet article, ainsi rédigé :

Article 3 I. – Dans la sous-section 3 de la section 2 du chapitre IV du titre 1er du livre III de la deuxième partie du code du travail, avant l’article L. 2314-19, il est rétabli un article ainsi rédigé :  « Art. L. 2314-18. - Sont électeurs les salariés des deux sexes, âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l'entreprise et n'ayant fait l'objet d'aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leurs droits civiques. Les règles applicables à l’électorat sont distinctes de celles applicables à l’éligibilité. » II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter du 1er novembre 2022.

 

Problème : pour la CFE-CGC, cette réécriture ne pose pas une base légale claire. Elle ne règle donc pas le problème constitutionnel et exposerait les entreprises et les organisations syndicales à de nouveaux contentieux fragilisant les élections professionnelles. En cause notamment, la petite phrase assez sibylline faisant le distinguo entre l'éligibilité (la capacité à être candidat aux élections professionnelles) et l'électorat. Cette phrase semble signifier qu'il resterait possible de différencier le droit de vote (ouvert à tout travailleur) et l'égilibilité pour laquelle des conditions plus restrictives resteraient possible. En clair : la porte resterait fermée pour l'élection de salariés ayant une délégation de l'employeur. Cela convient à la CFDT, qui ne s'est pas prononcée lors de la consultation des partenaires sociaux sur ce projet. "Nous prenons acte de ce projet, mais l'important sera ce qu'en feront ensuite les juges", réagit Philippe Portier, secrétaire en charge du dialogue social et des CSE à la CFDT. 

La position de la CFE-CGC

A l'inverse, Gilles Lecuelle, secrétaire national CFE-CGC en charge du dialogue social, rappelle que la décision du Conseil constitutionnel s'appuie sur le 8e alinéa du préambule de la Constitution, selon lequel "tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises". Aux yeux du syndicaliste, cela signifie que tout travailleur doit pouvoir voter aux élections professionnelles. Le syndicat CFE-CGC, pour lequel cette question est cruciale au regard de son électorat composé de cadres, a donné un avis négatif sur l'actuelle rédaction lors de la consultation des partenaires sociaux sur ce texte. Il préconise de supprimer la petite phrase sur le distinguo. Et de s'en tenir à cette courte rédaction qui précise que la fonction tenue par le salarié est indifférente quant à son droit de voter aux élections  : "Est électeur tout salarié, des deux sexes, quelle que soit la nature de ses fonctions, âgé de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l'entreprise et n'ayant fait l'objet d'aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à ses droits civiques". 

Cette précision ("quelle que soit la fonction"), explique la CFE-CGC, permettrait "de se détacher des structures économiques, managériales propres à chaque entreprise et le plus souvent à la main de l’employeur".

La rédaction va-t-elle évoluer d'ici la présentation du texte en conseil des ministres, prévue le mercredi 7 septembre, ou plus tard lors du débat parlementaire ? A suivre...

 

(*) Dans le contentieux Carrefour, la CGT avait contesté la possibilité donnée aux directeurs d'établissement de participer aux élections professionnelles, et avait obtenu satisfaction devant la Cour de cassation dans un arrêt du 31 mars 2021. La CFE-CGC, mécontente de cette décision, avait alors introduit une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui, transmise au Conseil Constitutionnel, a provoqué la censure de l'article du code sur les élections professionnelles. 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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