Elu de CSE et en situation de handicap : mission possible !

Elu de CSE et en situation de handicap : mission possible !

17.02.2025

Représentants du personnel

Alors que la loi handicap de 2005 a célébré son vingtième anniversaire, nous donnons la parole à des élus de CSE et des délégués syndicaux eux-mêmes en situation de handicap. Comment gèrent-ils leurs mandats ? Quels sont leurs besoins ? A quelles difficultés sont-ils confrontés ? De quelles réussites sont-ils fiers ? Voyage au cœur de leurs missions de représentant du personnel avec cinq élus de tous horizons syndicaux.

La date anniversaire d'une loi ne suffit pas : le handicap, il faut en parler toute l'année. Et ce sont les personnes en situation de handicap qui en parlent le mieux. Nous avons donc interrogé des élus de CSE et délégués syndicaux eux-mêmes porteurs d’un handicap sur leur vision de leur mandat, leurs besoins, leurs difficultés mais aussi leurs réussites.

Six mois après l'euphorie des Jeux paralympiques de Paris, les élus de CSE et délégués syndicaux se sont reconcentrés sur leur mandat. D'une voix unanime, ils clament qu'un élu porteur de handicap a besoin de compensations, c'est-à-dire d'adaptation de ses missions opérationnelles et de ses conditions de travail. En revanche sur le mandat, ils ont les mêmes besoins qu'un élu valide : du temps et des moyens supplémentaires.

"Un élu autiste Asperger tiendra comme personne les comptes du CSE"

Selon les élus de CSE et délégués syndicaux, malgré les difficultés du mandat et celles du handicap, oui, il est possible voire souhaitable que des personnes handicapées se présentent aux élections professionnelles ou soient désignées délégué syndical. De l'avis de Jean-Christophe Dugalleix, ancien élu au CSE au Centre des études supérieures industrielles et titulaire d'une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), on peut être élu et en situation de handicap car "il n'y a pas de limitation ni de séparation entre le mandat et le handicap".

Un représentant du personnel aura besoin, comme tout salarié, de compensations, c'est-à-dire d'adaptation de son poste. En la matière, ils sont aussi unanimes : tout dépend du handicap. Guy Burgevin est élu FO au CSE d'une usine Amipi à Angers. Son handicap lui complique la lecture et l'écriture. Il nous confie : "Moi j'ai besoin de word et de la dictée vocale, c'est ce qui me permet de travailler". En revanche, Emmeric Fingonnet, élu CGT au CSE, à la CSSCT et référent handicap au CIC Ouest, considère qu'il est préférable de ne plus exercer de fonctions opérationnelles et de se consacrer à 100 % à ses mandats : "On reçoit tellement de pression sur les résultats que c'est très compliqué de cumuler des mandats avec un handicap".

Abdoulaye Traore est élu CFDT de CSE d'une association de 300 salariés dans le domaine de la protection sociale et éducateur spécialisé de métier. Son fils est atteint d'un syndrome de Rubinstein-Taybi qui bloque son développement. Pour lui, un élu en situation de handicap peut aussi constituer un atout : "Selon le handicap, la situation peut varier de zéro à cent. Un élu de CSE autiste Asperger sera super pointu. Une fois trésorier, il tiendra les comptes de l'instance comme aucun autre élu ne pourra le faire". Abdoulaye Traore est aussi très fier de négocier en ce moment avec son employeur la création d'une commission du CSE dédiée à l'intégration des personnes dotées d'une RQTH ou en invalidité.

Le handicap, un avantage pour le mandat ?

Un représentant du personnel lui-même porteur d'un handicap ne serait-il pas plus à même de repérer des salariés en difficulté, qu'elles soient physiques, mentales, ergonomiques ou cognitives ? D'autant que certains salariés sont affectés de handicaps invisibles ou souhaitent cacher leur situation à leurs collègues et à l'employeur. Pour Catherine Schmitt, élue CFTC et téléconseillère Chez Takim Terre d'appels, la sensibilité des élus handicapés est évidente : "On le voit davantage que les autres, on est plus attentifs. Après, cela dépend de l'entreprise et de son ouverture d'esprit au sujet du handicap".

Pour Abdoulaye Traore, "cela n'est pas lié au handicap mais au vécu de la personne, si elle a sublimé son handicap ou si elle le subit. Dans le premier cas, elle pourra mieux repérer des situations et même les sentir à l'instinct sans les nommer".

Jean-Christophe Dugalleix y voit même une sorte d'expertise, en particulier pour monter un dossier de RQTH, que tous les élus que nous avons rencontrés décrivent comme un Everest à gravir sur les mains: "Ayant moi-même constitué pour mon cas le dossier RQTH, je saurai mieux accompagner un salarié et trouver les passerelles lui permettant de l'obtenir. Par exemple, entamer une formation permet une accélération du dossier qui met en moyenne huit mois pour aboutir. Mais encore faut-il le savoir".

Les mêmes besoins qu'un élu de CSE valide

On le rabâche depuis huit ans : les ordonnances Macron ont compliqué le mandat au sein du CSE. Qu'en pensent les élus en situation de handicap ? Ludivine Jasinski, élue CFE-CGC au CSE du Crédit Agricole, estime qu'elle n'a pas à se plaindre : "Nous avons un super accord avec des heures de délégation supérieures à ce que prescrit la loi, l'entreprise emploie d'ailleurs plus de 6 % de personnes avec un handicap. Je ne peux donc pas dire que mon handicap soit un frein à mon mandat".

Bien sûr, il est encore plus complexe de se déplacer sur un autre site de l'entreprise quand els transports en commun ne sont pas accessibles. mais au-delà des nécessaires compensations de leur handicap, les élus considèrent qu'ils ont les mêmes besoins que des élus valides, à commencer par du temps.  Notamment car le handicap et les maladies chroniques nécessitent des soins. C'est en tout cas ce que réclame Catherine Schmitt : des heures de délégation car en période de soins, elle ne peut pas être sur le terrain. "Ma sclérose en plaques en période de crise me fatigue et perturbe mon équilibre, elle me gène aussi pour interagir et malheureusement, la plupart du temps, c'est à moi de m'adapter. Un environnement de travail inclusif permet à chacun de s'épanouir, quelles que soient ses capacités".

Chez CMA CGM, entreprise de transport maritime et de logistique, Cédric Saunier (CFE-CGC), élu suppléant au CSE, CSE central et à la CSSCT, entame la négociation d'un accord handicap : "Il s'agit d'être pragmatique et d'avoir du bon sens, et je suis très content du texte qu'on prépare. Il contiendra des aménagements de poste, du télétravail et des temps partiels facilités, des mesures de maintien dans l'emploi, du temps pour se rendre aux rendez-vous médiaux ou constituer son dossier RQTH". A titre personnel, ses heures de délégation ne lui suffisant pas, il utilise les 15 jours de représentation issus de sa convention collective. Malvoyant, il a besoin de Teams pour regarder au plus près les présentations en réunion. Mais pour lui, les difficultés des personnes en situation de handicap sont principalement liées à des défauts de sensibilisation au sujet.

Mon mandat me permet de sortir de mon quotidien 

Jean-Christophe Dugalleix ne fait clairement pas de différence entre élus en handicap et élus valides : "Le mandat, c'est le mandat, handicap ou pas. Mais le handicap devient une force par rapport aux collègues car ils savent qu'on a surmonté de nombreuses difficultés. Le handicap se dilue dans le mandat donc nous n'avons pas de besoins spécifiques à notre handicap. A aucun moment je n'ai été gêné par mon handicap pendant mon mandat, sauf quand j'ai renversé mon café en pleine réunion car je ne peux plus utiliser mon pouce !", ajoute-t-il avec humour. Emmeric Fingonnet va plus loin : "Mon mandat permet de sortir de mon quotidien, il m'évite de focaliser sur mon handicap en aidant d'autres personnes. Cela me permet de ne pas ressasser, ne pas subir". Un mandat devenu salvateur donc.

"Tu veux exercer un mandat ? Fonce !"

Comment inciter davantage de salariés en situation de handicap à candidater aux élections professionnelles ? Pour Abdoulaye Traore, il faudrait commencer par revoir le taux de 6 % d'emploi obligatoire de personnes handicapées dans les entreprises : "Aujourd'hui on est loin du compte et la contribution Agefiph n'est pas assez élevée, beaucoup d'employeurs préférant la payer que recruter des salariés handicapés. S'il y avait plus de salariés handicapés, il y aurait aussi plus d'élus dans cette situation". Il plaide aussi pour une obligation d'élus de CSE handicapés en proportion des personnes titulaires d'une RQTH dans l'entreprise".

Guy Burgevin insiste quant-à lui sur l'accompagnement : "Si quelqu'un vient me voir et qu'il hésite à se présenter, je vais d'abord l'accueillir et lui montrer qu'on sera là pour l'aider. C'est ce que FO a fait pour moi, ils ont toujours été là".

Pour Catherine Jasinski, la réponse serait tout  aussi claire : "Fonce et fais ce dont tu as envie".

La loi de 2005 sur le handicap : nécessaire mais pas suffisante

 

La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Ce texte, dont toutes les promesses n'ont pas été tenues, a notamment fixé une obligation de taux d'emploi de salariés handicapés à hauteur de 6 % de l'effectif des entreprises. Mais comme nous le rapportait récemment Christophe Roth lorsqu'il a quitté la présidence de l'Agefiph, ce taux n'atteint que 3,5 % aujourd'hui.

 

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Marie-Aude Grimont
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