Décidément, les contentieux se multiplient entre les associations et les exécutifs des départements passés à droite. Dans l'Essonne, le bras-de-fer concerne l'étalement de la dette pour les établissements sociaux. Dans le Bas-Rhin, la suppression brutale d'une ligne budgétaire consacrée à l'hébergement d'urgence place des structures dans une situation ultra-délicate.
"250 millions d'euros à compenser sur un budget de 1,1 milliard. Une telle situation ouvre deux options : la faillite ou la responsabilité. Nous nous sommes engagés fermement et résolument dans la seconde." Ce vendredi 5 février, le président du conseil départemental du Bas-Rhin, Frédéric Bierry (LR), explicite les données du problème budgétaire posé avant de proposer l'une des clés de l'équation. "Nous avons fait reposer avant tout les économies sur les politiques qui ne relevaient pas de notre compétence obligatoire et où nous n'étions qu'un partenaire secondaire des structures". Et voilà comment une ligne budgétaire, celle consacrée à l'hébergement d'urgence, a été supprimée. Pas une broutille, car il s'agit de 640 000 euros...
Un centre pour femmes seules menacé
Pour les structures engagées sur le terrain, c'est le choc ! "Nous avons été mis tardivement, de façon brutale et sans concertation devant le fait accompli, alors que nous avons déjà engagé des dépenses pour 2016", dénonce la déléguée régionale de la Fnars, interrogée par Le Monde. Selon notre confrère, deux associations locales (Le Regain et Horizon amitié) devraient perdre plus de 100 000 euros chacune, ce qui pourrait menacer un centre pour femmes seules avec enfants géré par la première structure.
Les personnes mal-logées otages ?
L'affaire a d'ailleurs pris un tournure nationale puisque le collectif des associations pour le logement des personnes mal logées s'est adressé directement au président Bierry dans un courrier. Rappelant que la métropole strasbourgeoise compte près de 500 personnes à la rue et que le 115 n'est en capacité de répondre qu'à un tiers des demandes, les portes-paroles du collectif, Christophe Robert (Fondation Abbé Pierre) et Florent Guéguen (Fnars) l'interrogent : "Comment justifier une décision aussi brutale qui aura pour effet d'augmenter la grande précarité et les situations d'errance sur votre territoire ?" Demandant au conseil départemental d'engager une concertation avec l'Etat pour "pérenniser les réponses", ils estiment que "les personnes mal-logées n'ont pas à être otages et finalement victimes des désaccords entre l'Etat et les collectivités territoriales sur le financement des politiques de solidarité".
Interprétation littérale de la loi
Frédéric Bierry, par ailleurs président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée des départements de France (ADF), s'en tient à une interprétation littérale de la loi. Celle-ci prévoit qu'il revient à l'Etat de financer l'hébergement d'urgence pour lequel le département n'a aucune obligation. Donc le Bas-Rhin se désengage d'une politique facultative et se retourne vers l'Etat qui lui-même ne respecte pas ses engagements dans le financement des allocations individuelles de solidarité.
"Les associations ont besoin de visibilité"
Localement, les associations réunies au sein de l'Uriopss Alsace ne restent pas les deux pieds dans le même sabot. Celle-ci a adressé un courrier au président du Bas-Rhin. Citant la charte des engagements réciproques signée voici deux ans entre l'Etat, les collectivités et le monde associatif, l'Uriopss insiste sur "la durée et la transparence des engagements pris" car "les associations ont besoin de visibilité dans leur action". Pour l'instant, tout le monde est dans le brouillard.
Deux réunions dans l'Essonne
La situation ne se clarifie pas non plus dans l'Essonne. On se souvient qu'en tout début d'année, les associations avaient reçu un courrier du nouveau président du conseil départemental, les informant que le paiement de la dette au titre de l'action sociale serait échelonné sur six ans. Les diverses fédérations avaient vivement réagi, enjoignant le département de respecter la loi. Le 4 février, pour éteindre la colère, le président François Durovray (LR) a réuni 150 à 200 personnes du tissu associatif pour leur expliquer la démarche. Quatre jours plus tard, une réunion a rassemblé la directrice générale adjointe chargée de la solidarité et les responsables des fédérations pour travailler concrètement.
La dette de 90 % des structures pas remboursée en 2016
Dans un communiqué du 10 février, l'interfédérale de l'Essonne fait le constat d'un blocage. Pour ce rassemblement d'une douzaine d'organisations (Uriopss, Fehap, Fegapei, Syneas, Una, Mutualité, etc.), l'accord n'est possible que si le conseil départemental répond à quatre "points d'attention", pour l'instant ignorés. "Nous demandons, par exemple, l'apurement des factures 2015 dans des délais raisonnables. Or, nous avons compris, lors de notre réunion du 8 février, que seules 10 % des structures verraient leur dette payée en 2016. Donc 90 % d'entre elles ne seront pas remboursées cette année", déplore Guillaume Quercy, directeur de l'Uriopss Ile-de-France."
Le temps des reproches réciproques
Le communiqué de l'interfédérale indique attendre "des propositions plus conformes au droit et à l'intérêt général" avant la nouvelle réunion prévue le 17 février. Qui sera sans doute le rendez-vous de la dernière chance. Ensuite pourrait venir le temps des recours, par exemple en demandant au préfet d'inscrire d'office la dette aux associations au budget 2016. Sauf revirement du département, l'affaire devrait rapidement se déplacer vers le terrain judiciaire. Après le temps des "engagements réciproques", nous voici entrés dans le temps des reproches réciproques...