Essonne : des enjeux financiers et surtout politiques

Essonne : des enjeux financiers et surtout politiques

11.04.2016

Action sociale

Forte de la mobilisation citoyenne du 7 avril (500 personnes), l’Interfédérale réunissant 12 unions et fédérations de la santé et de la solidarité, nous détaille la solution politique, économique et technique proposée à François Durovray, le président du conseil départemental de l’Essonne, qu'elle doit rencontrer ce 14 avril au sujet du paiement des créances d'aide sociale.

Le conseil départemental de l’Essonne fait couler beaucoup d’encre mais aussi perdre beaucoup de temps et d’argent. Comment ? Avec la décision de son président de ne pas payer les factures d’aide sociale légale restant dues aux établissements et services sociaux et médico‐sociaux pour l’exercice 2015, de transformer leur montant en dettes et de sortir cette dette du budget départemental en étalant son remboursement sur 2 à 5 ans, le conseil départemental suscite de nombreuses réactions, parfois contradictoires.

Action sociale

L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

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Commençons par un peu de pédagogie et partons de faits simples

Les charges des établissements et des services correspondant à l’année N, doivent être inscrites au budget départemental de l’année N. Dans ce cadre, les factures de décembre N sont réglées en janvier N+1 mais sur les crédits votés pour l’année N.

Loi santé du 26 janvier 2016

Morceaux choisis d'un texte aux multiples facettes

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En pratique, la plupart des départements règle le ou les derniers mois de l’année N avec des crédits de l’année N+1. C’est cela que l’on nomme « glissement de créances ». Si la période concernée reste stable d’une année sur l’autre, cette pratique ne remet pas en cause fondamentalement le principe de sincérité budgétaire puisque, pour un exercice N, le budget du département comprend bien 12 mois d’aide sociale :

X mois de N‐1 + (12‐X) mois de N.

Dans le cas de l’Essonne, le cabinet d’audit mandaté par la nouvelle majorité, a estimé en septembre 2015 que les dépenses d’aide sociale étaient sous‐budgétées d’un demi‐mois environ chaque année.

Autrement dit, même en période glissante, le département aurait budgété 11,5 mois d’aide sociale légale au lieu de 12. Toujours d’après cet audit et les déclarations du conseil départemental, cette situation s’est répétée d’année en année, allongeant ainsi régulièrement la période de glissement de créances. Voilà le vrai problème.

Regardons et analysons les solutions proposées pour sortir de la crise de l’aide sociale légale en Essonne

Face au constat de l’allongement progressif de la période de glissement de créances – et donc des délais de paiement en fin d’année civile – il y a deux façons d’agir :

  • celle que le département a retenu : transformer les créances glissantes en dettes, étaler le paiement des dettes sur 5 années ;
  • celle que les 12 unions et fédérations du secteur privé non lucratif et du secteur public ont proposé : régler les créances glissantes de 2015 sur 2016 comme auparavant, engager une démarche partenariale de réduction progressive de la période de créances glissantes sur trois exercices.

Dans les deux cas, à l’issue de la période transitoire – étalement du paiement de la dette dans le premier, ou réduction progressive de la période de créances glissantes dans le second – la situation financière des organisations gestionnaires sera meilleure qu’elle ne l’est aujourd’hui et ce, dès fin 2016.

La différence principale entre ces deux options est la suivante : la seconde est bien moins chère et bien plus simple à mettre en oeuvre que la première. En outre, elle est plus respectueuse du droit et moins sujette à contentieux.

La solution de l’interfédérale est moins chère car elle n’entraîne aucun surcoût financier pour les organisations gestionnaires qui voient leur trésorerie rétablie à son niveau habituel. Elle est moins chère car elle évite au département de payer les intérêts légaux sur le montant de cette dette d’une

part, auxquels viendront s’ajouter les frais financiers supportés par les associations mais qu’il devra assumer in fine d’autre part. Le coût économisé pour le conseil départemental dans cette seconde option est d’au moins 2 M€.

Elle est plus simple et moins sujette à contentieux car elle n’impose pas la signature d’un protocole avec chacun des créanciers, protocole dont tous les bons juristes et la plupart des commissaires aux comptes consultés s’accordent à dire qu’il n’a aucune validité sur le plan juridique : soit parce que certains considèrent qu’il est contraire à l’ordre public en ce qu’il vise à contourner l’obligation pour le département d’adopter un budget sincère (ce qu’il ne fait toujours pas en 2016), soit parce qu’il ne contient aucune réelle contrepartie pour les organisations gestionnaires si ce n’est des déclarations d’intention à respecter la loi dans le futur.

Prenons un peu de hauteur pour finir

Tout ceci peut paraître bien technique. Pourtant, c’est un dossier hautement politique et au sens le plus noble du terme. Trois enjeux fondamentaux traversent cette affaire :

  • l’affaiblissement de l’attention bienveillante portée aux populations les plus fragiles, en partie dû à l’accoutumance des décideurs publics à une gestion strictement comptable et électoraliste des politiques publiques ;
  • la remise en cause du rôle protecteur du droit dans notre démocratie pour la société civile face à l’arbitraire du pouvoir exécutif, national comme local ;
  • la capacité des associations à exister dans le dialogue civil tel que la charte d’engagements réciproques signées entre l’Etat, le Mouvement associatif et les collectivités territoriales, le définit, à assumer leur vocation politique et sociale, et non seulement économique et gestionnaire, et ainsi, à participer de la vitalité de notre démocratie.

Si l’affaire essonnienne constitue une sorte de symptôme révélant le risque de dislocation sociale à bas‐bruit de notre société, ce serait une erreur grave d’en minimiser la portée ou de chercher une issue à la crise quel qu’en soit le prix. Il en va certainement de la capacité des associations à se faire respecter comme des partenaires, critiques mais constructifs et proactifs, et non comme des prestataires dociles mais impuissants. Et ce, non seulement en Essonne, mais partout où des décisions politiques de même nature sont prises ou s’apprêtent à l’être, et où l’on regarde avec beaucoup d’attention comment les choses se dénoueront.

 

L'interfédérale se compose des douze unions et fédérations du secteur privé non lucratif et public de la santé et de la solidarité suivantes :

Interfédérale de l'Essonne
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