Lors d'une conférence de presse, les douze fédérations associatives de l'Esonne ont indiqué qu'elles allaient passer à la vitesse supérieure en direction du département qui souhaite étaler sur cinq ans le paiement de la dette d'aide sociale. Des actions devant les tribunaux et une manifestation le 7 avril sont prévues. A moins que les élus n'engagent des négociations.
"Ce non-respect du droit et cette mise en danger des personnes vulnérables : c'est vraiment un cocktail explosif qui pourrait donner des idées à certains." Pour ouvrir cette première conférence de presse de l'interfédérale de l'Essonne, Elizabeth Chancerel, la présidente de l'Urapei Ile-de-France, ne cache pas que le combat engagé par les associations dépasse les frontières du département. L'objectif est clair pour les acteurs associatifs : éviter à tout prix que le "coup de force" du conseil départemental ne soit entériné et puisse faire contagion dans d'autres départements également aux abois sur le plan financier.
Une dette payée sur cinq ans
Rappelons qu'en fin d'année 2015, le nouveau président de l'exécutif, François Durovray, avait écrit aux 500 structures associatives gestionnaires d'établissements accueillant des personnes handicapées, âgées ou des mineurs pour les informer que le paiement de la dette en matière d'aide sociale légale serait étalé sur cinq ans. S'en était suivie une protestation forte et des contre-propositions d'un collectif de fédérations associatives enjoignant ses adhérents à refuser le protocole d'accord proposé par le CD (lire nos préc��dents articles, ici et là).
Une dissidence sans grand effet sur le terrain
Où en sommes-nous près de trois mois après le début de crise ? Finalement, on n'a pas beaucoup avancé. Malgré quelques petits ajustements, le CD de l'Essonne n'a pas renoncé à étaler le versement de sa dette envers les structures gestionnaires. Il a simplement réussi à diviser le mouvement jusque-là très large et unitaire, avec le départ de trois fédérations (Synerpa, Fehap, Fegapei/Synéas) demandant à ses adhérents de conclure des accords avec le département. "Elles ne sont pas très suivies, estime un membre de l'interfédérale. Il faut savoir que de nombreuses associations adhèrent à plusieurs fédérations qui n'ont pas forcément la même position sur cette question." La plupart des structures gestionnaires sont donc dans l'expectative, attendant d'y voir plus clair pour signer ou ne pas signer l'accord proposé par le département.
Une charte proposée par l'interfédérale
Comme l'attaque est la meilleure défense, l'interfédérale va déployer dans les prochaines semaines une stratégie à deux étages. Premier niveau : continuer à discuter avec les élus et l'administration. Le 22 mars, une lettre a ainsi été envoyée au président Durovray pour lui soumettre "un projet de charte pour envisager une réelle sortie de crise". Que dit exactement ce document ? Le département s'engagerait à "régler avant le 30 avril 2016 toutes les créances des organismes gestionnaires nées des factures correspondant à un service fait et à des dépenses réalisées au titre de l'exercice 2015". D'autre part, le protocole prévoit de réduire la durée de glissement des créances d'une année sur l'autre.
Sous l'ancienne majorité de gauche
Cette situation de retard de paiement n'est pas vraiment nouvelle. "Déjà avec l'ancienne majorité de gauche, à partir de septembre-octobre, explique un responsable associatif, les factures étaient payées l'année d'après. Mais au moins, il y avait une négociation qui permettait de régler prioritairement les structures ayant une trésorerie difficile". Le côté brutal de la décision du CD, sans information préalable aux fédérations, est perçu comme une marque de non-respect du pouvoir politique.
Sortir de la confusion avec un comité de suivi
L'interfédérale souhaite également que se constitue un comité de suivi chargé de clarifier la situation et de veiller au respect des engagements pris (les associations, en contrepartie, s'engageraient à "renoncer au versement des intérêts légaux associés aux créances"). Pour illustrer la confusion qui règne sur ce dossier, l'interfédérale note, non sans ironie, que "la dette est passée de 108 millions d'euros à 90 millions puis 75 M€ et aujourd'hui environ 60 M€" Le responsable de l'association Altérité (membre de l'Unalg) raconte que le courrier de fin décembre parlait d'une dette de 7,5 M€ alors qu'elle tourne autour de 2 M€.
Une manifestation le 7 avril...
Quelques heures après l'envoi de ce courrier le 22 mars, le conseil départemental a repris contact avec les associations pour une rencontre dans les prochains jours. S'agit-il de s'engager dans la voie d'une vraie négociation ou de... gagner du temps ?
Du temps, le CD 91 n'en a plus beaucoup car le second étage de la riposte prévoit des échéances précises. Le 7 avril, une manifestation est prévue à l'occasion de l'assemblée plénière du CESE départemental qui restituera au président du CD ses conclusions sur l'accès aux soins. Un représentant d'une association de retraités, non membre de l'interfédérale, expliquait que les décisions du département suscitaient beaucoup d'inquiétudes parmi la population.
... et des recours contentieux
D'autre part, trois associations, pour l'instant, dont l'Adapei 91, se préparent à engager des recours contentieux, aussi bien auprès de la chambre régionale des comptes que du tribunal administratif pour faire reconnaître le caractère obligatoire du paiement des créances. Pionnière, cette démarche pourrait être imitée par d'autres structures, si bien que le département pourrait être enseveli sous une avalanche de procédures.
Les plus vulnérables, banquiers du département ?
Incontestablement, les associations redoublent d'énergie pour défendre leurs missions. Sans doute parce qu'elles ont le sentiment que les publics vulnérables qu'elles accompagnent ne sont pas considérés avec les mêmes égards que d'autres pans de la population, plus visibles et plus influents. "Les personnes en difficulté n'ont pas à être les banquiers du département", conclut Maryse Lépée, présidente de l'Uriopss Ile-de-France.