A l'occasion des élections européennes, nous rendons compte de quelques réalisations intéressantes en matière de politiques sociales. Le Pays-de-Galle s'est doté depuis 2014 d'une loi pour lutter contre le sans-abrisme, le Housing Wales Act. Priorité est donnée à la prévention du sans-abrisme. Les explications de Peter Mackie, un chercheur qui a inspiré cette loi.
tsa : Comment luttiez vous contre le sans-abrisme au Pays de Galles avant la nouvelle loi ?
Peter Mackie : Les 22 autorités locales qui composent le Pays de Galles et qui sont chargées de tous les services publics locaux, avaient l'obligation d'héberger d'abord de façon temporaire, puis de reloger dans de l'habitat social des personnes en risque ou en situation de sans-abrisme. Une définition large, qui comprend non seulement les personnes à la rue, mais aussi les personnes vivant dans des logements surpeuplés, insalubres, victimes de violences domestiques, etc. L'ancien système, outre qu'il était onéreux, impliquait de définir des publics prioritaires, car il n'y avait pas de place pour tout le monde. Les personnes concernées passaient donc un test pour définir si leur situation était bien involontaire, et si elles faisaient partie des populations prioritaires, lesquelles correspondaient globalement aux familles avec enfants. Pour les autres, il n'y avait pas de réponse. Les écueils de ce modèle ont été reconnus par le gouvernement du Pays de Galles, et cela a abouti au vote de la loi de 2014.
En quoi consiste cette nouvelle approche ?
Elle oblige les autorités locales à agir plus vite, en amont. Si quelqu'un présente un risque de basculer dans le sans-abrisme, elles ont le devoir légal de faire des efforts conséquents, dans un temps limité, pour l'accompagner dès lors qu'elles ont été saisies pour le faire. Donc on n'attend pas que ça se dégrade.
On ne promet plus comme avant l'accès à du logement social, mais on ouvre
Il est arrivé que les autorités aident une famille à payer une nouvelle chaudière

davantage de possibilités pour trouver des solutions, soit en aidant les personnes à rester là où elles se trouvent, soit à trouver une alternative. Par exemple, en cas de retard de paiement ponctuel, les autorités peuvent payer le loyer le temps de sortir de la crise. Si un propriétaire met un terme à un bail et que le déménagement vers un autre appartement n'est pas soutenable financièrement, elles peuvent financer la caution et un mois de loyer. Des médiations peuvent être organisées en cas de conflit entre un jeune et les adultes qui l'héberge, pour l'aider soit à rester chez lui, soit à partir vers un hébergement indépendant. Il est aussi arrivé que les autorités aident une famille à payer une nouvelle chaudière, pour leur permettre de demeurer dans son logement. D'où une réactivité, des interventions parfois très spécifiques et un accent fort mis sur le marché de l'immobilier privé. Les mêmes logiques prévalent pour les personnes déjà à la rue. Si tout cela ne marche pas, la dernière piste est le logement social, mais alors on retombe sur le processus de sélection qui prévalait auparavant.
Les agents des autorités locales ont-ils été formés à cette nouvelle approche ?
Cela a effectivement représenté un gros changement pour eux, puisque leur travail précédent consistait essentiellement à établir des degrés de priorité entre les publics. Ils doivent désormais se situer dans une recherche active de solutions. Bien sûr, ils faisaient un peu de travail de prévention avant, mais cette compétence restait insuffisamment développée. A présent les agents n'ont pas le choix ; ils doivent donner la preuve des efforts faits. À cet effet, le gouvernement a fait dispenser une formation par l'association caritative Shelter Cymru. Il y a eu un important turn-over dans les équipes. Et j'ai appris récemment, que des autorités locales s'étaient mises à recruter des agents immobiliers, car cela correspond mieux aux compétences requises pour ces nouveaux postes. Je pense que l'accompagnement de ce changement aurait pu être plus efficace, en matière de gestion du personnel. Clairement, le processus de transition est toujours en cours.
Quel bilan peut-on tirer à ce stade de ces nouvelles modalités de lutte contre le sans-abrisme ?
Une réelle réorientation du système vers de la prévention a été enregistré. Cela a permis à plus de 60 % des personnes en risque de sans-abrisme qui ont sollicité les autorités d'éviter de basculer vers la rue. Et le nombre de ceux qui restent sans-abri après le processus d'accompagnement a lui aussi diminué de 59 %. Mais c'est loin d'être parfait. On note des disparités importantes dans les résultats d'un territoire à l'autre.
Les célibataires restent en situation très problématique

En outre, les célibataires restent en situation très problématique, malgré la loi. En effet, si l'accompagnement n'a pas fonctionné, ils redeviennent un public non prioritaire et n'ont accès à rien. On espère faire évoluer cette partie de la loi, pour supprimer le critère de conditionnalité. Mais cela supposera de construire des logements sociaux. En outre, la loi exige que les personnes soient à l'origine de la demande d'aide, ce qui reste difficile pour les publics à la rue. Il va donc falloir que nous développions de « l'aller-vers ». Quant à l'approche Housing first (Un logement d'abord), je n'avais pas réussi à la faire inscrire, au moment de la préparation de la loi, dans la liste des actions à mener. Le gouvernement du Pays de Galles commence à s'y intéresser, mais il en est à l'expérimentation de son premier projet pilote. On est donc en retard. Enfin, et surtout, l'obstacle principal à la loi est que notre système social est actuellement très mis à mal par le gouvernement national. Les aides sociales n'ont pas augmenté depuis des années, malgré la hausse des prix, et cela rend extrêmement difficile l'accès au logement.
Le projet en chiffres |
* 22 autorités locales mobilisées
* 3 étapes d'intervention : aider à prévenir, aider à mettre à l'abri, obligation de mettre à l'abri
* Taux de réussite en matière de prévention du sans-abrisme (étape 1) : 65 %
* Baisse de 59 % du nombre de foyers toujours sans-abri au terme de l'étape 3.
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