Européennes (4) : Quand des professionnels du social deviennent candidats

Européennes (4) : Quand des professionnels du social deviennent candidats

23.05.2019

Action sociale

Le 26 mai, vous voterez pour une liste comportant 79 noms. Mais qui sont ces candidat bien souvent inconnus du grand public ? La plupart des listes comportent un ou plusieurs candidats travaillant ou militant dans le secteur médico-social ou social. Sans être exhaustif, nous sommes partis à la rencontre d'une quinzaine de professionnels. Qui sont-ils ? Que défendent-ils ?

Trente-quatre listes. Cette édition des élections européennes bat tous les records pour le nombre de concurrents. Mais sur les trente-quatre listes, combien vont véritablement aller jusqu'au bout, présentant des bulletins de vote dans les bureaux électoraux ? Sans doute pas plus d'une dizaine. Nous avons exploré la composition de ces listes pour repérer les candidats assistants sociaux, éducateurs, directeurs d'établissements ou fonctionnaires "sociaux". La tâche n'était pas toujours très simple car la composition détaillée de la liste a parfois été annoncée tardivement ou parce que l'identité socio-professionnelle n'était pas précisée.

Plusieurs listes "importantes" ne comportent pas de professionnel de notre secteur. Le cas le plus flagrant est celui de la liste "Prenez le pouvoir" du Rassemblement national qui comporte beaucoup de professionnels de la politique (élus, attachés parlementaires), mais peu de citoyens lambda. C'est le cas également - et c'est plus étonnant - de la liste présentée par Lutte ouvrière qui comporte pourtant pléthore d'ouvriers, d'enseignants et de... postiers.

Nous nous sommes donc intéressés à sept listes conduites par Nathalie Loiseau, François-Xavier Bellamy, Manon Aubry, Yannick Jadot, Raphaël Glucksmann, Ian Brossat et Benoît Hamon. A chaque fois, nous avons voulu connaître le parcours professionnel et/ou militant du candidat et les raisons qui l'ont amenées à se présenter. Dans cette édition, nous présentons trois listes et dans celle de vendredi, les quatre autres listes.

 

Liste Refonder l'Europe, rétablir la France

Conduite par l'universitaire et élu de Versailles François-Xavier Bellamy, la liste d'union du centre et de la droite ne comporte pas de travailleurs sociaux. Mais au moins l'une de ses candidates a une vraie connaissance des questions sociales.

 

"L'attachiante" du handicap
Présente au 28e rang de la liste Bellamy (en position inéligible, sauf miracle), Sandrine Chaix a touché à peu près tous les domaines des politiques sociales. Cette autodidacte a créé une crèche associative quand elle ne trouvait pas de place pour sa fille. Pendant dix ans, elle a dirigé cette structure dans une commune proche de Grenoble. Ensuite, on la retrouve adjointe au maire d'une commune de 4 000 habitants. "Nous avons créé un pôle gérontologique qui réunissait les associations, le médecin, le pharmacien, les pompiers, le curé, etc. En 2013, lors de la canicule, nous n'avons eu aucun décès de personne âgée." Mais en désaccord avec le fonctionnement de la municipalité, Sandrine démissionne au bout de quatre ans.
Elle prend ensuite les rênes d'une association d'aide à domicile, spécialisée dans la prise en charge des handicaps complexes. En partenariat avec un office HLM, elle monte un projet de "maison espoir" : dans un appartement, quatre personnes handicapées vivent en colocation, mutualisant leur PCH pour financer l'accompagnement. Professionnellement, Sandrine travaille avec des maires de l'Isère.
Elue sur la liste Wauquiez pour les régionales de 2015, elle est nommée conseillère spéciale chargée du handicap. "Je suis "attachiante", dit-elle en souriant. Sinon cela n'avance pas."
Pour les élections européennes, Sandrine Chaix représente, avec d'autres, la composante centriste. Elle voudrait que l'intergroupe handicap soit dynamique au niveau du Parlement. "François Xavier Bellamy s'est engagé à envoyer un élu de la liste au sein de cet intergroupe", précise-t-elle. Elle voudrait rendre accessible le programme Erasmus aux jeunes handicapés. "A l'étranger, comment mettre en place l'accompagnement humain ?", se demande-t-elle. Elle aimerait également que les procédures pour que les petites associations puissent accéder aux fonds européens soient facilitées. Une chose en sure : Sandrine chaix ne va pas lâcher l'affaire. Il est prévu qu'elle assure le lien entre l'intergroupe du Parlement et les associations.

 

Liste Envie d'Europe

Cette liste d'union PS - Place publique et Nouvelle donne emmenée par Raphaël Glucksmann, comporte une seule candidate travaillant dans le social, Marine Mazel, placée à la 22e place, non éligible.  

 

Action sociale

L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

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Les combats d'une psy

Marine Mazel a l'enthousiasme des nouveaux venus, mais de par sa formation, elle garde une forme de lucidité sur ce qu'elle vit. Quand elle raconte son itinéraire, elle dit franchement : "J'ai fait les choses à l'envers"? En effet, il n'est pas très courant de voir un élève de Sciences Po Paris quitter le navire six mois après son entrée. Elle l'a fait, ne se sentant pas en phase avec les valeurs de cet établissement prestigieux. La voilà ensuite suivant un double cursus psychiatrie et philo. Elle démarre encore étudiante une psychanalyse. 

Lors d'un stage, elle intervient à l'ASM 13, l'association de secteur mental du 13e arrondissement de Paris. "Je découvre le public en grande précarité", explique la jeune femme venue de l'Hérault. Elle trouve ensuite du travail dans une grosse association parisienne qui lui fixe deux missions : participer en tant que psy à une équipe mobile qui part à la rencontre des locataires en voie d'expulsion ; la supervision des équipes sociales de l'association (accueil de jour, hébergement, ...). Cette trentenaire précise, par ailleurs, qu'elle est très engagée dans le combat féministe, co-animant notamment le prix Simone de Beauvoir.

La politique lui est tombée dessus quand s'est constitué autour de Raphaël Glucksmann et Claire Nouvian, notamment, le mouvement Place publique (PP). "Ce mouvement faisait vraiment de la place aux gens engagés dans les ONG", assure-t-elle. Après un contact avec Thierry Kuhn, du mouvement Emmaüs, elle devient porteuse de cause précarité, en quelque sorte responsable de commission. A ce titre, elle rentre très vite au conseil exécutif de PP, participant aux débats, par exemple sur la présence aux européennes. "On a décidé d'y aller", explique-t-elle, en faisant alliance avec le PS et Nouvelle donne. Depuis quelques semaines, elle est engagée à fond, organisant des événements, tractant, rencontrant des citoyens. Elle jongle entre son engagement et son job, gardant un peu de lucidité sur la politique : "C'est violent. Faut faire attention à ça. En politique existe une volonté de domination voire d'asservissement", dit-elle.

Sa formation et son activité professionnelle lui sont fort utiles : "C'est mon métier de prendre soin des autres. Donc je l'ai fait pendant la campagne."

 

Liste Europe écologie

Conduite par le député européen sortant Yannick Jadot, la liste Europe écologie présentée par EELV compte trois candidats issus du social ou du médico-social. Aucun d'entre eux n'est en mesure d'être élu.

 

Loi santé du 26 janvier 2016

Morceaux choisis d'un texte aux multiples facettes

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Le choix de l'éducation populaire
Placée en 32e place sur la liste Europe écologie, la Bordelaise Sylvie Cassou-Schotte, aujourd'hui à la retraite, a toujours été dans le social. Sa carrière, elle l'a faite essentiellement comme conseillère d'éducation populaire et de jeunesse, un corps administratif en voie d'extinction. "Je devais développer les politiques en faveur de la vie associative et de la jeunesse. A ce titre, j'ai été formatrice pendant quinze ans pour des animateurs socio-professionnels". Elle est également syndicaliste CFDT.
Vivant à Mérignac, Sylvie prend la présidence d'un centre social. Elle est sollicitée en 2008 pour constituer une équipe de campagne sous les couleurs d'EELV, parti auquel elle adhère. La voilà élue comme adjointe en charge de la cohésion sociale. A ce titre, elle cumule les fonctions dans les organismes sociaux comme le centre communal d'action sociale (CCAS) ou le Clic.
Pour l'élection européenne, elle a été sollicitée comme présidente de groupe EELV à la métropole de Bordeaux. Elle est très contente d'apporter une touche sociale à la campagne des écologistes. "Le social, ce n'est pas l'image que donnent les écologistes. Nous défendons l'idée d'un protectionnisme social." Elle se dit très satisfaite de la présence en troisième place de Damien Carême, maire de Grande-Synthe dont elle loue le courage. "Dans la métropole, je porte la problématique d'accueil des migrants", explique-t-elle.
Alors que certains tapent à bras raccourcis sur l'Europe, elle préfère être exigeante, sans tout mettre par terre. "Qui sait que le fonds social européen (FSE) représente 100 milliards d'euros par an ?", demande-t-elle.
 
La campagne rurale
"Je suis dans la pampa", dit-elle avec humour. Daphnée Raveneau habite dans l'Anjou, en campagne et veut que cela se sache. Agée d'une cinquantaine d'année, elle a beaucoup boulingué dans les métiers de l'accompagnement et de l'insertion professionnelle. "Au début, j'étais dans la banque, raconte-t-elle, mais je me suis enfuie très vite. Après avoir fait initialement des études en ressources humaines, je me suis orientée vers une formation en développement local." Suite à cela, Daphnée va prendre la direction d'une mission locale dans la Sarthe pendant une douzaine d'années. Elle travaille ensuite dans l'hébergement dans un FJT puis dirige une association qui oeuvre dans l'accompagnement social. Elle reprend également des études avec un Master de gestion des structures de l'économie sociale et solidaire (ESS). Avec le projet de revenir à sa vocation initiale, les ressources humaines.
Sur son lieu d'habitation, Daphnée a pris des responsabilités, en devenant élue municipale et communautaire. Elle a posé sa candidature également pour représenter le monde rural. "Pour moi, il est important, dit-elle, de casser les codes de l'écologie qui serait pour les bobos urbains." Elle se situe en 54e position sur la liste.
Elle qui a longtemps été dirigeante de la fédération régionale de rugby, après en avoir pratiqué, entend défendre une forme de diversité. Habitant le rural et issue d'un milieu populaire... ce n'est pas forcément le parcours-type d'un élu écolo. "Quand j'étais petite, il fallait économiser, raconte-t-elle. Le slogan actuel "fin du monde, fin du mois" me concernait déjà. J'avais la certitude de la finitude du monde." 
 
 
Monsieur handicap

Sa vie à Claude Boulanger se confond avec le handicap. Parce qu'il le porte dans sa chair. Atteint d'une maladie génétique, il souffre d'un handicap neurologique qui l'oblige parfois à circuler en fauteuil. Il a fréquenté entre 4 et 14 ans un établissement médico-social puis a suivi une scolarité aux... Pays Bas. Cela ne l'a pas empêché de devenir consultant en organisation de l'entreprise. Il a pris de très importantes responsabilités au sein de l'Association des paralysées de France, siégeant notamment au conseil économique et social régional (Ceser). Entre 2012 et 2018, il fait partie de "l'APF politique" au niveau régional. Claude se bat pour la mise en place des règles standard définies par l'ONU pour l'égalité entre personnes valides et handicapées. Ce qui l'amène à être en discussion avec la présidente de la région, Valérie Pécresse, lui qui s'est présenté sur une liste EELV aux régionales.

L'an dernier, Claude Boulanger claque la porte de l'APF, en désaccord avec des choix d'organisation (il souhaitait une structure plus décentralisée). il ne reste pas longtemps inactif puisque il entre au conseil d'administration de l'Unapei dont il prend la vice-présidence.

En se présentant aux élections européennes (au 71e rang), il entend mettre sur la table la relation entre santé et environnement. "Pourquoi ne parle-t-on jamais de la qualité de l'alimentation dans les Ehpad ?" Par rapport au logement des personnes handicapées, il milite pour une désinstitutionnalisation. Mais attention, il avertit : "On aura toujours besoin d'établissements." Que cela plaise ou non à l'Europe...  

 

A suivre...
Noël Bouttier
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