Évaluer les RPS pour mettre à jour le DUERP, un point de départ pour installer une culture de la prévention

Évaluer les RPS pour mettre à jour le DUERP, un point de départ pour installer une culture de la prévention

20.07.2022

Gestion du personnel

Les consultants du cabinet Plein Sens analysent pour actuEL-RH les sujets d'actualité RH. Ce mois-ci, Guilhem Servente, consultant senior, appelle à tirer profit de la réforme sur la santé au travail pour faire du document unique d'évaluation des risques professionnels un outil fort de prévention des risques psychosociaux et mettre en place une réelle politique de prévention des risques adaptée à l’activité et partagée par tous.

Avec le décret du 18 mars 2022 de la loi Santé au Travail (*), le volet RPS du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) ne pourra définitivement plus sommeiller dans l’entreprise et pourrait bien devenir incontournable pour améliorer les conditions de travail. L’esprit de la loi invite en effet les entreprises à aller au-delà de la mise en conformité, en mettant en place une culture organisationnelle de la prévention qui responsabilise l’ensemble des acteurs concernés. La loi ne donne néanmoins pas les modalités pour y répondre de manière durable, c’est-à-dire en évitant les écueils constatés aujourd'hui d’un document "technique" sinon juridique, pré carré des équipes RH ou HSE, selon les cas et qu’on leur laisse souvent bien volontiers. Aussi, avant de lancer une telle démarche, nous proposons de revenir sur la place du DUERP dans l’organisation de la prévention de la santé des salariés et proposons quelques pistes d’actions pour en faire un document dynamique et concret, utilisé par tous les acteurs de l’entreprise qui agissent quotidiennement pour la prévention.

Se mettre "juste" en conformité n’est plus aussi simple

Pour diverses raisons, il a pu être tentant de remplir le volet RPS du document unique "au plus vite" pour des raisons liées au manque de temps pour lancer une démarche approfondie, la crainte d’un effet loupe généré par la verbalisation des risques et facteurs de risque, le sentiment que les risques sont déjà bien connus et maîtrisés ou encore, la récalcitrance vis-à-vis d’un document "normé" par la loi, etc. D’ailleurs, pourquoi se lancer dans un exercice si fastidieux quand la majeure partie de l’entreprise en ignore l’existence, sa date de mise à jour, qu’il n’est pas utilisé, qu’on lui reproche d’être trop succinct ou de ne pas parler "des vrais sujets" ? Bien souvent, la forme du document unique d’une entreprise donne un juste aperçu des mesures prises et de leur organisation pour protéger la santé et de la sécurité au travail.

Or pour se mettre en conformité, les entreprises de plus de 50 salariés doivent désormais mettre en place un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail, c’est-à-dire fixer la liste détaillée des mesures devant être prises au cours de l’année à venir, identifier les ressources de l’entreprise pouvant être mobilisées, indiquer un calendrier de mise en œuvre. Celles de moins de 50 salariés doivent également définir des actions de prévention des risques et de protection des salariés, qui doivent être consignées dans le DUERP.

Autres évolutions notables : le DUERP, dans ses versions successives, est conservé par l’employeur et tenu à la disposition des travailleurs, des anciens travailleurs pendant 40 ans. Chaque mise à jour doit désormais faire l’objet d’une consultation du CSE.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

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- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
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Se saisir du DUERP comme d’une opportunité pour installer une démarche de prévention des risques

Ces nouvelles obligations invitent les employeurs à se saisir du DUERP comme d’un outil rythmant la politique de prévention et matérialisant le dialogue autour des conditions de travail. Le DUERP n’est plus un objectif en tant que tel mais un point de départ pour impulser une démarche plus large de prévention des risques.

L’avantage de s’appuyer sur un tel outil qui rassemble les actions de prévention est d’éviter leur dispersion, de pouvoir suivre concrètement leur déploiement, de mesurer leurs effets et de pouvoir actualiser régulièrement l’état d’avancement des actions.

Les acteurs de la prévention ont besoin d’une telle vigie. D’abord parce qu’elle permet à tous les acteurs de la prévention d’avoir le même niveau d’information sur le déploiement des mesures. Ensuite parce que le DUERP objective les problématiques liées aux conditions de travail, en caractérisant précisément des situations de travail générant des risques psychosociaux. Pour faciliter la discussion entre acteurs ayant des intérêts potentiellement différents et ainsi diffuser une culture de prévention à tous les étages de l’organisation, la meilleure option est de s’en tenir à un langage descriptif, à la mise en évidence de situations concrètes. Un "bon" DUERP est un document qui doit pouvoir naviguer entre les acteurs de la prévention et les managers, acteurs opérationnels, qui sont les premiers régulateurs du travail.

Quelle que soit l’approche choisie, trois principes pour en tirer des bénéfices directs et indirects en faveur de la prévention des RPS

Repérer les risques en mobilisant ceux qui y sont confrontés

Le volet "RPS" du DUERP met le doigt sur des risques sociaux invisibles, parfois difficiles à verbaliser. Repérer ces risques psychosociaux n’est pas une mince affaire. D’abord parce que ces risques sont subjectifs, ils n’ont pas d’unités de mesure précise comme le bruit ou la qualité de l’air. Il existe par ailleurs généralement peu d’espaces, peu d’occasions pour parler de son travail au sein de l’entreprise.

La méthode de construction de ce volet du DUERP doit nécessairement intégrer le point de vue de ceux qui sont les plus à même de remonter les situations de travail "troublées", à savoir des représentants de chaque métier ou famille de métiers présents dans l’entreprise.

Des ateliers peuvent être organisés par famille de métiers afin de repérer les situations de travail générant les risques psychosociaux. L’objectif n’est pas de faire un tableau noir du quotidien de travail mais plutôt de passer d’un ressenti (par exemple, "les commerciaux sont débordés à chaque fin d’année") à l’explicitation d’une situation de travail. On recherchera dans ce cas à caractériser les effets de la charge (exemple travail le soir à l’hôtel après les visites, le week-end, etc.) et les facteurs d’augmentation de la charge à ce moment de l’année.

Dans un deuxième temps, des ateliers sur le même format peuvent être conduits pour identifier les axes de prévention et les premières actions à lancer.

Ne pas tout traiter

Certaines problématiques soulevées lors de ces ateliers n’ont pas leur place dans le volet RPS du DUERP. En revanche elles peuvent être traitées via des dispositifs ou des actions correctrices qui dépassent la démarche de prévention. Par exemple :

  • Des questions techniques liées aux équilibres entre rémunération / temps de travail et niveaux d’objectifs peuvent être traitées via des dispositifs de scénarisation modélisant de nouveaux équilibres charges / capacité / conditions d’emploi ;
  • Des conflits interindividuels peuvent être traités via des dispositifs d’enquête ou de médiation individuelle ou collective ;
  • Une hétérogénéité dans les pratiques managériales peut s’accompagner via des formations et un outillage adapté à l’environnement de travail en vue de faire évoluer les pratiques ;
  • Des problèmes de gouvernance appellent des dispositifs d’accompagnement spécifiques pour améliorer les modes de fonctionnements
Prioriser les actions, veiller à leur mise en œuvre, mesurer leurs effets

Pour être opérationnel et lisible, le plan de prévention doit dégager quelques actions prioritaires en y adossant des ressources en charge de les piloter, des délais, et des indicateurs chiffrés permettant de mesurer leurs effets. Il s’agit d’éviter de le transformer en usine à gaz au sein de laquelle figureraient des dizaines d’actions non priorisées, dont la faisabilité n’a pas été étudiée et dont les effets sont difficiles à mesurer dans le temps. Ces actions prioritaires sont souvent celles qui permettent d’agir à la source des risques, sur les mécanismes organisationnels qui les génèrent (prévention primaire). L’identification de mesures ressources pour aider les salariés face aux situations déjà troublées (prévention secondaire) et pour traiter les troubles et faire face aux situations individuelles critiques (prévention tertiaire) permettront la prise en charge à tous les niveaux et en partage de la responsabilité de besoins d’accompagnement et de prévention des risques psychosociaux des salariés.

Ces partis pris méthodologiques, qui mobilisent des référentiels partagés en matière d’analyse et d’évaluation des RPS (Anact, INRS), participent dans la durée à la lisibilité de l’organisation de la prévention dans l’entreprise.

Ils offrent également un cadre solide sur lequel s’appuyer dans des contextes de transformation ou de réorganisation se traduisant par des réaffectations ou des suppressions d’emplois (PSE, RCC, ...). D’abord, pour mobiliser rapidement les différents acteurs de la prévention en responsabilité pour activer ou venir renforcer des mesures existantes d’accompagnement. Ensuite, pour rendre ces mesures plus lisibles et facilement accessibles aux RH, managers et aux élus CSE directement impliqués, et in fine aux salariés. En effet, ces périodes de transformation conduisent à l’émergence de situations à risque et de facteurs de RPS de différentes natures et nécessairement évolutives selon les phases du projet. Notamment pendant la phase de transition à partir de laquelle le changement d’organisation commencera et où les enjeux de prévention primaire (charge de travail, transfert de compétences, mobilités, ...) seront majeurs et devront être mis à jour.

Cette approche permet d’adapter et de gérer les modalités d’accompagnement dans toutes ses dimensions, sociale et industrielle, en anticipation et en cas de remontées de situations problèmes. Dans ces contextes difficiles, l’expérience acquise par les équipes RH, managériales et santé/prévention autour de la mise en œuvre des mesures du DUERPS en marche courante s’avère déterminante pour anticiper et limiter les impacts sur les conditions de travail.

 

(*) Le décret précise les règles d’élaboration, de mise à jour, de conservation et de mise à disposition du DUERP.

Guilhem Servente
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