[Exposition] La Bourse du travail de Paris met à l'honneur le dessin syndical

[Exposition] La Bourse du travail de Paris met à l'honneur le dessin syndical

28.09.2023

Représentants du personnel

Issue du livre de recherche du sociologue Henri Pinaud, l'exposition "Dessinateurs du peuple" retrace un condensé de l'histoire sociale vue au prisme du dessin publié dans la presse confédérale CFDT, CGT et FO. A voir jusqu'au 24 novembre.

"Un beau dessin vaut mieux qu'un long discours", affirme depuis des lustres la sagesse populaire en chapardant une maxime de Bonaparte. Cette force évocatrice du trait se retrouve naturellement dans le dessin de presse syndical destiné à porter les luttes, les campagnes de syndicalisation et les arguments confédéraux auprès des adhérents. La Bourse du Travail de Paris en donne à voir un vaste panorama, issu du livre du chercheur Henri Pinaud "Les dessinateurs du peuple".

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Ils s'appelaient Gracia, Daullé, Laville, Dautheribes, Escaro, David, Adèle et tant d'autres, qui ont forcé le trait des relations entre syndicats, patronat et gouvernement pendant plus de 50 ans. Disposés derrière le hall d'entrée de la Bourse du travail, près de la place de la République à Paris, les cinq premiers panneaux mis en scène par Guillaume Doizy, spécialiste du dessin de presse, exposent l'histoire des confédérations et de leurs journaux et dessinateurs. Les vingt suivants offrent au visiteur une vision par thème, toujours d'actualité : luttes, conditions de travail, répression syndicale, sécurité sociale, retraites…

© actuel cse / MAG

Depuis les années 2000, le dessin s'est peu-à-peu éclipsé des publications confédérales, au profit de la photographie, moins délicate à manier. Après un regain d'intérêt lié aux attentats de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, qui laissèrent sur la planche à dessin les regrettés Charb, Cabu, Tignous, Honoré et Wolinski, l'illustration satirique parvient à conserver une place fragile dans la presse confédérale. On retrouve très souvent Pinel en une de l'inFO Militante de Force Ouvrière, et les dessinateurs réapparaissent de temps en temps dans La Vie Ouvrière de la CGT, mais sont en voie de disparition chez CFDT magazine.

Henri Pinaud, ou la genèse de l'expo

Le travail d'Henri Pinaud, chercheur en sociologie au CNRS, forme le terreau de l'exposition. Dix ans de travail considérable aboutissent à un livre posthume : "Les dessinateurs du peuple, 50 ans de dessins dans la presse syndicale CFDT, CGT, CGT-FO", publié aux éditions Le Livre d'art en 2019. L'exposition de la Bourse du travail puise directement dans sa base de dessins. Le sociologue étant décédé en 2018, son épouse porte aujourd'hui son héritage.

Depuis la Bourse du travail, Agnès Taillandier-Pinaud nous confie voir le dessin de presse comme "un objet remarquable et fragile. Les travaux de mon mari ont conclu aux constats suivants : le dessin syndical est devenu plus policé, abandonnant les lendemains qui chantent".

Il a en effet accompagné les transformations politiques des confédérations. Guillaume Doizy le confirme : "A la CFDT, le recentrage des années 1980 tend à faire disparaître toute référence à la lutte des classes. Mais cette évolution de la tonalité des dessins touche finalement les trois confédérations, CGT comprise qui a pris ses distances avec le PCF, reflétant également l’érosion de la radicalité depuis les années 1970" (lire son article).

Agnès Taillandier-Pinaud veut cependant croire que le dessin de presse n'est pas KO : "Aucun média ne peut dire une lutte en un seul trait. C'est pourquoi je ne perds pas espoir, car le dessin de presse est incontournable, c'est le meilleur moyen de passer un message quand on pense par exemple aux populations ouvrières venant d'autres pays. Pour elles notamment, le dessin est un média à la portée de tous".

► Itinérante, l'exposition a passé plusieurs mois au Centre international de la caricature de Saint-Just-Le-Martel, près de Limoges (Haute-Vienne) jusqu'au 13 août 2022. Elle se tient à la Bourse du travail de Paris, 3 rue du Château d'Eau, dans le 10e arrondissement, jusqu'au 24 novembre.

► Le livre d'Henri Pinaud, à découvrir sur le site de l'éditeur

Marie-Aude Grimont
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