Fêtes de fin d'année, ASC : les élus de CSE plongés dans l'incertitude

Fêtes de fin d'année, ASC : les élus de CSE plongés dans l'incertitude

03.12.2020

Représentants du personnel

Les CSE parviendront-ils à sauver l'esprit des fêtes dans ce climat très Covid ? Plombés par une année 2020 générant inquiétude et incertitude, les élus cherchent des solutions. Comment assurer les distributions si les déplacements restent difficiles ? Comment programmer voyages et sorties ? Des juristes nous donnent leur avis, tandis que les élus tentent de faire plaisir aux salariés tout en respectant les règles sanitaires.

Les comités sociaux et économiques (CSE) se trouvent bousculés par la crise sanitaire. Reconfinement pas tout à fait levé, télétravail, port du masque et distanciation physique pour ceux qui continuent à se rendre au bureau ou dans les sites de production : celle drôle de vie fragilise le collectif de travail et participe de l'inquiétude générale. La persistance de la crise interroge les élus sur les moyens dont ils vont disposer l'an prochain du fait de la baisse de la masse salariale dans les sociétés ayant connu un important chômage partiel et/ou des suppressions d'emplois. 

Inquiétude et incertitude au menu des ASC et des fêtes de fin d'année

La crise remet aussi en cause la politique suivie jusqu'à présent en matière d'activités sociales et culturelles (ASC). Les incertitudes sont nombreuses. Elles concernent par exemple la situation des voyages organisés par les CSE qui ont dû être annulés ou reportés. "Une première ordonnance a prévu un système d'avoirs mais cela ne couvre qu'une certaine période, et nous ne savons pas si une nouvelle ordonnance va être prise. En outre, qui va vraiment reprogrammer des voyages dans les prochains mois ?", s'interroge Jonathan Cadot, avocat au sein du cabinet Lepany qui conseille de nombreux CSE. 

Nous avons annulé beaucoup de choses, et reversé le budget dans les chèques cadeaux 

 

 

Une tendance déjà confirmée par les élus, comme en témoigne Rodolphe Peeters, secrétaire du CSE de Hachette Distribution : "Depuis le premier confinement, nous avons annulé loisirs, spectacles, concerts, voyages. Mais cela nous a permis de dégager un excédent de budget, et de fournir un montant de chèques cadeaux plus élevé pour les salariés et les enfants". Olivier Orban, secrétaire du CSE de GE Digital et délégué syndical CFDT a opté pour la carte dématérialisée, considérant que "l'arbre de Noël et les cadeaux, c'est bien mais cela représente aussi beaucoup de travail, et cette année nous avons été mobilisés sur des sujets plus lourds".

La nouvelle donne ne peut en effet qu'inciter les élus du personnel à miser sur la dématérialisation des prestations pour tenter de continuer à faire profiter les salariés d'activités de loisirs, via des chèques cadeaux, chèques culture, etc. "On assiste à une évolution très forte vers le digital, et on comprend les élus qui cherchent de l'efficacité, mais cela participe aussi de la coupure du lien entre les représentants du personnel et les salariés", observe Claire Baillet, juriste à Alinea, société de formation et de conseil auprès des CSE.

Ce mouvement était déjà en cours, et la création de l'instance unique du CSE n'avait fait que la renforcer (lire notre article), du fait de la réduction du nombre d'élus présents au sein du comité, et de la difficulté à concilier tous les volets du mandat, la crise sanitaire et ses difficultés économiques ayant recentré l'activité du comité sur ses prérogatives majeures.

Un membre du CSE est censé tout à la fois jouer un rôle de délégué du personnel mais aussi s'intéresser à la marche économique et sociale de l'entreprise, aux conditions de travail, à la santé et à la sécurité, et aux prestations sociales et culturelles proposées aux salariés. Comment, dans ces conditions, réussir la gageure à continuer de tenir des permanences pour vendre des tickets cinéma, dont la vente était en chute libre dans certains CSE avant même le reconfinement, ou proposer aux salariés de retirer cadeaux de Noël et autres coffrets gourmands traditionnels ? Des CSE, comme celui de la SA SNCF, ont choisi de mettre leurs ASC en veille (lire notre article) et d'autres ont dû annuler les traditionnels arbres et spectacles-  de Noël (voir l'exemple de l'association Inter-CSE Cezam Angers qui propose des pistes pour adapter les ASC aux nouveaux besoins des salariés).

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Les CSE peuvent-ils faire du clic & collect ? 

Mais d'autres élus attachés à leurs pratiques cherchent la solution pour les maintenir. Le CSE peut-il proposer, comme le gouvernement l'a autorisé pendant le reconfinement pour les libraires par exemple, une forme de "click and collect", à savoir le retrait par les salariés dans le bureau de CSE de commandes passées au téléphone ou en ligne ? Pour Jonathan Cadot, avocat au barreau de Paris, cette alternative pose la question des attestations de déplacement : "Il n'y a pas de difficulté à se rendre dans le local CSE pour les salariés qui bénéficient d'une attestation de déplacement pour se rendre au travail. Mais pour les salariés qui télétravaillent et qui n'ont pas cette attestation, il me paraît compliqué qu'ils puissent se rendre dans leur lieu de travail uniquement pour retirer le colis de Noël du CSE. Comment justifieraient-ils leur déplacement en cas de contrôle ?". Cet obstacle sera cependant levé le 15 décembre si le déconfinement se poursuit comme prévu, et si les attestations de déplacement ne sont plus nécessaires.

 De nombreux utilisent la poste pour les ASC de Noël

 

Sans totalement fermer la porte à une telle pratique, la juriste Claire Baillet, d'Alinea, cabinet de formation et de conseil aux CSE, se montre très dubitative : "Si le local du comité se trouve à l'intérieur de l'entreprise, il faudrait déjà que le CSE respecte le protocole et les règles établis par l'employeur pour les locaux de l'entreprise, et cela suppose aussi respecter une certaine jauge (nombre de personnes par mètre carré à ne pas dépasser). Surtout, je ne suis pas sûre que cela présente un réel intérêt pour les CSE. Ceux que je connais expédient leurs ASC par la Poste, du moins quand il s'agit par exemple des chèques-cadeaux". 

Autre opération envisagée par des élus : effectuer eux-mêmes des livraisons au domicile des salariés, dès lors que ces derniers sont d'accord. Là encore, l'avocat Jonathan Cadot estime que cela pose la question de l'attestation justifiant ces déplacements. Autrement dit, ces déplacements s'inscrivent-ils dans le cadre des déplacements possibles pour les élus du personnel dans le cadre de leur mandat, de la même façon que les représentants du personnel peuvent être autorisés, dans le cadre d'accords sur le télétravail, à visiter des salariés travaillant à domicile pour vérifier leurs conditions de travail ? La réponse ne paraît pas évidente au regard de la consigne de prudence et d'évitement des déplacements donnée par le gouvernement, outre un aspect intrusif qui heurte la juriste Claire Baillet, même si, ici, tout dépend sans doute de la taille et de la situation du comité. 

Trouver l'équilibre entre esprit festif et protection de la santé des salariés

Du côté des élus, la distribution dans les locaux de l'entreprise reste pour l'instant envisageable. Rodolphe Peeters, du CSE de Hachette Distribution, confirme que l'opération s'apparentera à du clic & collect : "Nous avons pas mal de salariés présents dans les ateliers, donc aucune difficulté pour eux s'ils veulent venir récupérer leurs chocolats s'ils en ont commandé. Quant aux salariés en télétravail, ils profiteront de nos permanences car nous évitons d'envoyer nos chèques cadeaux par la Poste".

Nous maintenons nos permanences du CSE, mais en respectant une jauge 

 

Le secrétaire du CSE assure également ne pas vouloir faire entrer trop de personnes dans la salle. La jauge et le protocole sanitaire en vigueur dans l'entreprise seront donc respectés à la lettre, le but étant bien sûr de continuer à protéger la santé des salariés. Pour Olivier Orban, du CSE de GE Digital, "nous avons à 85 % une population de cadres en télétravail qui a l'habitude du monde numérique. D'habitude ils viennent au CSE chercher leurs chèques ou leurs cartes cadeaux, mais cette année nous les envoyons par la Poste en mode suivi".

Les élus se montrent par ailleurs assez éprouvés par l'année 2020 en train de se terminer. Mais à l'heure de la construction des budgets, ils sont bien obligés d'essayer de préparer l'avenir. 

L'impossible projection sur 2021 ?

S'il gardera un souvenir usant de l'année 2020, Rodolphe Peeters tente de se projeter sur l'année suivante : "On reste prudents dans nos budgets prévisionnels. Nous devons de toute façon repartir les sommes sur des programmes habituels. En principe, on propose des produits locatifs en montagne, des mobilhomes en Italie et en Espagne, ce sera compliqué si les frontières sont fermées. 2021, on sait déjà que ce ne sera pas une année tout à fait normale".

Nous avons besoin d'anticiper sur les activités de 2021 mais tout est bloqué 

 

Même son de cloches chez GE Digital, où Olivier Orban confie préparer le budget 2021 avec un peu de retard. Il dit "rester dans l'expectative, ne serait-ce que sur le ski que nous prévoyons en temps normal pour février". Et l'élu d'ajouter : "Tout est bloqué alors qu'au contraire nous avons besoin de pouvoir anticiper ! Il est possible de prévoir quelques voyages en France aux premier et deuxième trimestres, et pour l'étranger nous attendrons les trimestres suivants. Quant aux spectacles, pour l'instant, je ne me précipite pas car les salariés ne sont pas très demandeurs, ils craignent encore les contaminations".

Bernard Domergue et Marie-Aude Grimont
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