28.06.2018
Action sociale
Quelles pistes pour la formation à l’intervention sociale de demain ? L’Union nationale des acteurs de formation et de recherche en intervention sociale (Unaforis) a entériné ce mardi 26 juin son projet politique pour 2019-2021, nourri par une passionnante étude prospective.
L’Unaforis a présenté le 26 juin, lors de son assemblée générale, son projet politique pour 2019-2021, et l’a vu adopter à une très large majorité (95 %). Sa déclinaison en un plan stratégique s’organisera dans les six mois à venir.
Élaboré à partir d’une étude prospective commanditée à l’association La Fonda (voir encadré), ce projet ambitieux entend faire des organismes de formation des acteurs de la transformation sociale - « pour aller vers une société plus juste, plus solidaire et plus durable » -, fortement inscrits dans une logique de territoire.
Il élargit leur champ d’action non plus au seul travail social, mais à « l’intervention sociale », laquelle recouvre une acception bien plus large : dans une société où de nouvelles solidarités émergent, où des modes d’action de plus en plus variés et moins verticaux apparaissent – soutien entre pairs, participation des personnes dans les établissements et services… – il s’agit désormais de permettre à tout citoyen désireux d’agir (qu’il soit professionnel, bénévole, élu, chercheur, formateur…) d’acquérir les outils nécessaires à une intervention sociale de qualité, avec un socle commun à tous, mais aussi des éléments spécifiques.
D’où aussi l’enjeu de développer une offre de formation plus modularisée, évolutive, en lien avec cette diversité. Volonté est également affirmée de développer de nouvelles méthodes d’apprentissage tant pour répondre à de nouveaux enjeux sociétaux (en terme de migration, de structuration familiale, d’accès à l’emploi, d’évolution du modèle de protection sociale…), qu’à la prégnance du numérique dans notre société.
Ce projet a rencontré un écho fort chez les partenaires de l’Unaforis invités pour l’occasion. Adjoint au chef de la mission analyse stratégique, synthèse et prospective de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), le sociologue Cyprien Avenel s’est réjoui d’un « vrai projet politique, susceptible de redonner du souffle à la mission du travail social, dans une période de crise du sens ». Il a notamment souligné l’intérêt d’encourager une posture plus transversale du travailleur social, que ce dernier intervienne dans une fonction de référent – orientant au mieux les individus vers divers acteurs selon leurs besoins, tout au long de leur parcours – ou dans une fonction de facilitateur de la solidarité entre pairs.
« Ce dernier point interroge toutefois la capacité des organismes de formation à soutenir un modèle professionnel moins basé sur l’individuel que sur le collectif. On sait à quel point la dimension collective est lacunaire aujourd’hui, a-t-il insisté. En outre, on aura beau former, cela ne servira à rien si les employeurs n’en font pas une priorité. Il faudra donc les sensibiliser eux aussi ».
Un changement de posture qui questionne également la tout récemment chargée des questions de formation à l’Association nationale des directeurs de l’action sanitaire et sociale (Andass), Anne Troadec. « Nous souhaitons aller vers l’universalisation du référent de parcours, qui fera de l’intervenant social davantage un facilitateur, un coordinateur. Mais cela ne va pas de soi, car les travailleurs sociaux se sentent souvent propriétaires des situations dont ils traitent », a-t-elle averti. En outre, elle a fait part de ses interrogations sur la manière dont l’élargissement à la notion d’intervenant social pourrait avoir un impact sur les départements, dans leur rôle de chef de file.
« Est-ce que ça veut dire qu’on fera tout ce que les autres ne voudront ou ne pourront pas faire, ou bien notre rôle sera-t-il de coordonner tous ces acteurs ? ». Son association, explique-t-elle, se dit en tout cas ouverte à ce que les départements et les écoles travaillent ensemble sur les nouvelles compétences à déployer dans l’intervention sociale.
Directrice de l’institut de formation Inset d’Angers, Marion Leroux a elle aussi exprimé le souhait d’une réflexion commune entre l’Unaforis et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) dont l’Inset est membre, afin de penser ensemble la construction des parcours de formation. « Nous sommes complémentaires. Vous êtes présents, contrairement à nous, sur la formation initiale. De notre côté, nous nous adressons aussi à des travailleurs sociaux, ainsi qu’à des agents d’accueil et à des dirigeants territoriaux concernés par le champ social », a-t-elle explicité.
Soulignant l’importance d’explorer les enjeux du numérique dans le champ du travail social et d’oeuvrer à une acculturation des professionnels et des publics à ces outils, elle a par ailleurs dit tout son intérêt pour d’autres questions méthodologiques sous-jacentes au projet de l’Unaforis : comment former les travailleurs pairs ? Comment penser la co-construction des formations avec les personnes ? À cet égard, un livret sur « La participation des personnes ressources concernées aux formations à l’intervention sociale », préparé par l’Unaforis, est en cours de finalisation.
Autre partenaire incontournable : les universités. Dans un contexte où les formations supérieures diplômantes du travail social doivent rejoindre le processus de Bologne, une charte de coopération a été signée mardi entre l’Unaforis et la Conférence des présidents d’université (CPU). Elle vise à favoriser des liens forts, au niveau des territoires, entre les écoles et les universités, pour que puissent s’organiser, outre la mise en place du grade de licence, des passerelles, un socle commun de compétences entre diplômes, ou encore des rapprochements avec les unités de recherche des universités.
« Il est essentiel de légitimer le travail social comme champ et objet de recherche », a martelé le vice-président de la commission formation et insertion professionnelle de la CPU, Olivier Faron. C’est aussi ce va-et-vient entre théorie et pratique qui permettra d’enrichir les apprentissages et d’inventer de nouvelles modalités de l’intervention sociale.
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Un livret pour mettre la pensée au travail |
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L’Unaforis a commandité à La Fonda une étude prospective sur « l’intervention sociale de demain. Des pistes pour la formation ». Concis et inspirant, ce petit livret est le fruit d’un an et demi de réflexion. Il met en lumière les grandes tendances d’évolution de la société auxquelles les travailleurs sociaux sont confrontés (en matière de démographie, de travail et d’activité, de protection sociale et de modes d’apprentissage), explore les leviers d’action dont disposent ces professionnels face à chacune de ces tendances et questionne les enjeux propres aux établissements de formation eux-mêmes. Trois éléments majeurs en ressortent, ainsi que l’a résumé son rédacteur, Bastien Engelbach, au cours de l’assemblée générale de l’Unaforis. Tout d’abord, la notion de parcours, présente à tous les niveaux : celui des bénéficiaires, « qui seront de plus en plus amenés à être pris en charge dans une logique dynamique, et non successive » ; celui des travailleurs sociaux, qui ont besoin d’acquérir des compétences et des savoirs nouveaux, et de construire leur parcours d’apprentissage tout au long de leur vie ; celui des formateurs eux-mêmes, qui se doivent dès lors d’être sensibles à l’évolution des pédagogies. Autre point crucial, la diversité des modes d’agir autour des personnes, avec l’évolution du travail pair et de la participation. « Ça a bien sûr des impacts sur la formation », poursuit Bastien Engelbach. Enfin, l’idée que les établissements doivent se concevoir comme des « entrepreneurs sociaux », c’est-à-dire pouvoir assumer un rôle d’acteur économique – sachant travailler avec d’autres, diversifier leurs sources de financement – et d’acteur clé de la cohésion sociale. « Ils sont en capacité de détecter des besoins sociaux émergents et l’étude les incite à assumer ce rôle, à la pointe de l’observation ». |
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