Vendredi en fin de matinée, François Bayrou, leader centriste et fondateur du MoDem (Mouvement Démocrate) a été nommé Premier Ministre par Emmanuel Macron. Celui que l'on surnomme "le Béarnais" prend donc le relais de Michel Barnier avec en perspective le débat sur la loi spéciale et un nouveau budget à préparer. Sur le plan social, il avait pris position en 2019 en faveur de la retraite par points. Le commissariat au plan qu'il occupe depuis 2020 a également émis un document relatif à la transformation du travail ne formulant aucune recommandation...
Le nouveau Premier ministre fut un allié majeur d'Emmanuel Macron dans la campagne présidentielle de 2017. Né à Bordères, dans les Pyrénées-Atlantiques le 25 mai 1951, François Bayrou est issu d'une famille d'exploitants agricole et agrégé de lettres classiques. Conseiller général puis député, il est nommé ministre de l'Éducation nationale en 1993. Son premier poste ministériel laissera percer ensuite des ambitions présidentielles demeurées contrariées. En 2017, il s'est contenté de porter la candidature d'Emmanuel Macron à l'Élysée.
François Bayrou est d'abord un homme de mandats locaux (lire notre encadré sur sa perception par les syndicalistes de Pau). Il fût député des Pyrénées-Atlantiques entre 1986 et 2012, et président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques de 1992 à 2001. Il s'est également essayé au scrutin européen et fût élu député à Bruxelles de 1999 à 2002. La ville de Pau (Pyrénées-Atlantiques) l'a élu maire à deux reprises : en 2014 avec 62,95 % des voix et en 2020 (55,52 %).
François Mitterrand aurait dit de lui "Suivez Bayrou, il sera Président. A droite, c'est le plus prometteur". Les visées présidentielles du Béarnais resteront cependant sans succès : il recueille 6,84 % des voix en 2002, 18,57 % en 2007 et 13 % en 2012 (il appelle alors à voter François Hollande contre Nicolas Sarkozy).
Président du parti centriste UDF (Union pour la démocratie française) en 1998, il y défend une vision de centre droit autonome de la ligne du RPR (Rassemblement pour la République, parti de droite modérée). Après avoir voté pour la censure contre le gouvernement de Dominique de Villepin en 2006, il fonde en 2007 le MoDem, successeur de l'UDF.
En 1993, il est nommé ministre de l'Éducation nationale dans le gouvernement de cohabitation d'Édouard Balladur et sous la présidence de François Mitterrand. Il laissera en héritage la "circulaire Bayrou" demandant aux chefs d'établissement de proposer aux conseils d'administration une mise à jour des règlements intérieurs interdisant les signes religieux ostentatoires.
Son parcours de ministre de la Justice sera bref : nommé le 17 mai 2017 dans le gouvernement d'Édouard Philippe, il n'occupera la Chancellerie que jusqu'au 21 juin, rattrapé par l'affaire de ses assistants parlementaires.
Le procès s'est ouvert le 16 octobre 2023 devant le tribunal correctionnel de Paris pour détournement de fonds publics européens. Le dossier rappelle celui qui pèse en ce moment sur les épaules de Marine Le Pen puisqu'il s'agit du même chef d'accusation : l'utilisation de fonds européens à des fins détournées en vue de faire travailler des assistants parlementaires dans les activités politique du parti.
Le Parquet national financier avait évalué les sommes concernées à 1,4 millions d'euros que le juge avait finalement ramené à 348 336 euros. Malgré les réquisitions du Parquet (trente mois d’emprisonnement avec sursis, 70 000 euros d’amende et trois ans d’inéligibilité avec sursis), la 11e Chambre a décidé de relaxer François Bayrou pour défaut de preuves le 5 février 2024. Manque de chance pour le nouveau Premier ministre : le Parquet a fait appel de ce jugement.
A noter que François Bayrou a pris position contre l'exécution provisoire requise par le Parquet à l'encontre de Madame Le Pen. Espère-t-il tirer des bénéfices politiques de ce geste en faveur de la dirigeante du Rassemblement National ?
Nommé commissaire au Plan par Jean Castex le 3 septembre 2020, "François Bayrou est chargé d'animer et de coordonner les travaux de planification et de réflexion prospective conduits pour le compte de l'État, ainsi que d'éclairer les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires, technologiques et culturels", indique le site Internet du commissariat.
Le 12 octobre 2023, il publie une note intitulée "La grande transformation du travail : crise de la reconnaissance et du sens du travail". Le document pointe l'accélération et l'intensification du travail, des salariés soumis à davantage de stress, une instabilité liée à la décrue du contrat à durée indéterminée, l'ensemble étant lié à la mondialisation et la tertiarisation de l'économie. La note ne formule malheureusement aucune recommandation. Elle se termine de manière lacunaire par une annexe relative aux effets des 35 heures selon ces termes : "A ces tentatives pour protéger les travailleurs (…) doit aujourd'hui s'ajouter une politique qui traite la perte de sens et de la reconnaissance au travail".
François Bayrou s'était également "illustré" sur les plateaux de télévision en 2014 en prônant une cure d'amaigrissement du code du travail français qu'il jugeait trop épais par rapport au code du travail suisse. Habile sur le plan de la communication politique mais assez faible sur le fond, cette posture avait en tout cas ravi le patronat, François Bayrou s'abstenant bien de dénoncer le nombre de pages du code de commerce.
Si l'on s'en tient à son dernier programme électoral pour la présidentielle de 2012 (lire nos articles ici et ici), François Bayrou proposait :
- Une extension du rôle des comités d'entreprise de l'époque à la négociation des conditions de travail et des rémunérations ;
- Une ouverture des conseils d'administration et les comités des rémunérations des entreprises aux salariés, avec droit de vote ;
- Une négociation d'accords-cadres fixant dans les branches le cahier des charges de la discussion sur le temps, la durée de travail et les salaires ;
- Une constitutionnalisation des grands principes de la démocratie sociale.
Il défendait également la retraite par points, ce qui le montre proche des idées de la CFDT qui dans un premier temps s'était dite favorable au projet de système de retraite universel présenté par Emmanuel Macron en 2019. Les discussions s'étaient ensuite durcies, la CFDT refusant l'instauration d'un âge pivot. Une mobilisation s'était mise en place début 2020 avant que le projet ne soit abandonné pour cause de crise sanitaire.
Sur le passage de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, François Bayrou avait dénoncé la méthode et l'usage de l'article 49.3 par le gouvernement d'Elisabeth Borne afin de faire adopter le texte sans vote des députés.
François Bayrou doit désormais nommer son gouvernement et décider avec lui du sort à réserver à l'agrément du dernier avenant négocié par les partenaires sociaux sur l'assurance chômage. Au menu également, la conférence sociale sur la santé au travail annoncée par Astrid Panosyan-Bouvet ainsi que des concertations sur les retraites. Mais les difficultés commenceront dès ce lundi 16 décembre, avec à partir de 16 heures le débat sur la loi spéciale et les projets de loi de finances à ficeler pour début 2025.
Lors de la passation de pouvoir, vendredi 13 décembre à Matignon, François Bayrou s'est d'emblée positionné sur le sujet de la dette et des déficits : "Nous avons le devoir d’affronter les yeux ouverts, sans timidité, la situation qui est héritée de décennies entières dans lesquelles on n’a pas regardé comme nécessaire et urgent la recherche des équilibres sans lesquels on a du mal à vivre. Disons simplement que les dernières années, l’accumulation de crises a été telle que les explications sont parfaitement compréhensibles".
Il a ensuite confié ses deux "obsessions" : tout d'abord, le "mur de verre qui s'est construit entre les citoyens et les pouvoirs. Entre la base, les femmes et les hommes, les familles, ceux qui travaillent, ceux qui cherchent du travail, ceux qui sont à la retraite". Ensuite, le rôle de l'école et "l’idée que c’est ceux qui ont les codes qui savent comment se diriger. Ceux-là connaissent la carte et ont la boussole pour se diriger dans la vie".
Contrairement à Michel Barnier qui a remercié les partenaires sociaux, le nouveau Premier ministre n'a pas mentionné les syndicats, ni la démocratie sociale. Pas un mot non plus sur une esquisse de programme social.
Premières réactions syndicales : Solidaires a dénoncé "On prend les mêmes et on recommence", ainsi que le "mépris pour la démocratie du Président de la République" ; Laurent Escure, président de l'Unsa a quant à lui renvoyé au dernier communiqué de presse intersyndical du 5 décembre dernier réclamant des mesures d'urgence sociales sur l'égalité hommes femmes, les salaires, les retraites…
François Bayrou vu par les syndicats de Pau :
"Il ne nous reçoit jamais "
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Comment François Bayrou est-il perçu par les syndicalistes des Pyrénées Atlantiques (64), sa région, et de Pau, ville dont il est maire ? A l’égard du nouveau Premier ministre, tous n’ont pas la prudence de Christelle Aubuchou, secrétaire générale adjointe de la CFDT 64 : "On va dire qu’il y a des marges de progression. Espérons que les choses changent", se borne-t-elle à nous répondre en restant sur le plan national. Hervé Larrouquère, secrétaire général de l’UD FO 64 est plus cash : "François Bayrou est peu souvent ici. Et quand nous lui demandons une audience, il ne nous reçoit jamais Que ce soit pour le projet de retraites à points en 2019 ou pour la réforme de 2023, nous lui avions demandé un rendez-vous. Il n'a jamais répondu. Je ne crois pas que le dialogue social soit trop son truc ". Ce dernier cite aussi l’exemple du relogement houleux, après une longue attente, des organisations syndicales et des associations, dont les locaux sont passés du centre ville au nord de Pau. Un dossier qui exaspère toujours Denis Farandou, président de la CFTC des Pyrénées Atlantiques : "Avec ce nouveau local de 40 m2, nos taxes sont passées de 1200€ par an à 2000€ par an dont 1 000€ de taxe foncière. Nous allons devoir saisir la presse pour faire bouger les choses car François Bayrou ni ses services ne nous reçoivent" . Et Denis Farandou de lâcher : "Il y a un monde entre les déclarations publiques et l’image nationale de François Bayrou et la réalité locale". B.D. |
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
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