Geoffrey Caillon, CFDT Total : "Aucun salarié ne devrait avoir moins de 5 000€ d'augmentation"

16.10.2022

Représentants du personnel

Alors que la CGT poursuit le mouvement social, la CFE-CGC et la CFDT, deux syndicats dépassant les 50% chez TotalEnergies, ont signé l'accord salarial trouvé dans la nuit de jeudi à vendredi dernier qui prévoit une augmentation et une prime de partage de la valeur. Geoffrey Caillon, le coordinateur CFDT, nous explique sa position. Interview.

Qu'avez-vous obtenu dans l'accord salarial négocié dans la nuit chez Total Energies : 5% ou 7% d'augmentation ? 

Déjà, il me faut dire que cet accord majoritaire, signé par la CFDT et la CFE-CGC ce vendredi 14 octobre, concerne les 3 UES du socle social commun (marketing et services, global services holding, raffinage pétrochimie) de TotalEnergies, pas seulement les raffineries, soit au total 14 000 salariés. Nous avons obtenu une enveloppe globale de 7% qu'il faut décomposer en plusieurs chiffres. Il y a d'abord une augmentation générale de 5%, différenciée selon les catégories mais avec un plancher de 2 000€ annuels. C'est un talon pour les salaires les plus bas. Cela veut dire que si, en appliquant les 5% d'augmentation sur votre salaire, vous avez une augmentation annuelle inférieure à 2 000€, on vous augmentera quand même de 2 000€ par an. Ce talon s'applique pour les ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise, mais aussi chez les ingénieurs et cadres, et là, cela devrait surtout concerner les plus jeunes. Par ailleurs, les cadres, dont la rémunération est individualisée et liée à des objectifs, ont une garantie d'augmentation de 3,5%, sauf contre-performance.  

A partir de quand ces augmentations auront-elles lieu ? 

Elles devaient normalement s'appliquer début 2023 mais comme l'accord de branche de l'Ufip (Nldr : branche du pétrole) recommandait aux adhérents de mettre en oeuvre les dispositions négociées au plus tôt, là nous avons revendiqué une application au 1er novembre 2022, ce qui se fera. En revanche, la prime de partage de la valeur sera versée avec la paie de décembre. 

Quel est le montant de cette prime ? 

Un début, Total avait dans l'idée une prime unilatérale d'un mois de salaire, ce qui aurait été à notre sens inéquitable, vu la différence des niveaux de salaire dans le groupe. Au final, nous avons réussi à faire revoir les critères de cette prime. Nous avons réclamé la redistribution égalitaire entre les salariés du montant de l'enveloppe prévue par l'entreprise pour cette prime, mais nous avons eu une fin de non recevoir. Au final, nous avons choisi de protéger les rémunérations les plus basses en revendiquant un plancher sur la prime. Donc, nous avons obtenu que tous les salariés aient au moins 3 000 euros de prime de partage de la valeur, la prime étant aussi plafonnée à 6 000 euros. Elle sera versée en décembre. Au total, aucun salarié ne devrait avoir moins de 5 000€ d'augmentation annuelle. 

Et si l'inflation est supérieure ?

Si l'inflation dépasse 5,5% en 2022, elle devrait être compensée directement en augmentation générale, après un point fait en janvier. 

Avez-vous négocié d'autres dispositions ? 

Il y a plusieurs mesures annexes. Par exemple, nous avions une prime de fin de carrière des salariés que le groupe ne veut plus verser, car cet accord prend fin au 31 décembre 2022. Cette prime est meilleure que celle de la convention collective car elle atteint 13 mois de salaire, contre 3 pour la branche. Nous avons obtenu l'engagement de Total de rediscuter de la poursuite de cette prime.  Nous avons aussi obtenu la tenue d'une concertation sur une offre efficacité énergétique et transition énergétique pour les salariés. Nous voulons y mettrons des mesures correspondant à l'offre de Total. Le groupe n'est pas très à l'aise sur le sujet, car cela pose la question de la taxation des avantages en nature, mais ils ont quand même accepté de voir comment faire une offre pour les salariés. C'est quand même un comble : on commercialise des offres d'énergies (carburant, électricité, pellets, gaz, etc.) et on ne pourrait pas en faire profiter les salariés d'un avantage sur ces offres ?! Cela étant, cela ne serait pas du même niveau que les avantages des agents de l'EDF sur le prix de l'électricité ! Ces discussions devraient s'ouvrir en 2023. 

Vous pensez que cet accord va satisfaire les salariés ? 

On revendiquait davantage, et nous aurions bien sûr préféré une augmentation générale plus élevée. Chez les salariés, la hiérarchisation de la prime peut faire débat du point de vue d'un partage équitable, car nous avons déjà un accord d'intéressement-participation déjà très hiérarchisé, qui accuse les différences entre les salariés selon leur rémunération, car ce sont ceux qui gagnent le plus qui perçoivent le plus. Mais c'est quand même un accord d'un bon niveau, et même plus favorable que celui d'Exxon Mobil. Ce qui est davantage difficile à mesurer pour nous, c'est que nous sommes dans une période d'inflation inédite, et nous avons un peu de mal à nous positionner. Après, en 2023, il faudrait regarder de près l'évolution de l'inflation et faire le point sans attendre si cela se poursuit, et ne pas attendre de voir les choses monter comme cela s'est passé en 2022. 

Comment avez-vous vécu cette négociation ?

C'est la première fois que je négocie des salaires sous les feux des projecteurs, avec une telle pression. La première fois où je vois la direction de TotalEnergies jeter en pâture sur la place publique une rémunération moyenne des salariés du raffinage, une moyenne qui ne signifie rien au regard des différences salariales mais qui tend à opposer les catégories et les salariés. Pourtant, tout le monde est loin de gagner 5 000€ dans l'entreprise, et la mention d'un plancher dans notre accord salarial le prouve bien ! Ce n'est pas acceptable comme méthode, ça n'a rien de constructif, et ça provoque un conflit qui dépasse l'entendement. Ce discours a fait du mal aux salariés du groupe et fait du mal à la société française. Il aurait fallu que l'entreprise accepte de nous parler avant, de négocier avant l'explosion de la colère. L'important aujourd'hui, c'est d'avoir obtenu un accord majoritaire, et de tirer pour l'avenir les conséquences de ce qui s'est passé. Sinon en 2023 on se retrouvera dans le même scénario.

Que pensez-vous de l''idée d'une taxe sur les superprofits ? 

La ristourne à la pompe pratiquée par le groupe en plus de l'aide de l'Etat a aidé les gens, mais Total avait les moyens d'aller plus loin vu ses résultats. Je suis du même avis que ma confédération : une entreprise qui gagne baucoup d'argent doit à la fois bien rétribuer ses salariés en partageant la valeur ajoutée, mais aussi en faire profiter son pays en payant des impôts en France.

 

La CGT et FO poursuivent le mouvement

La CGT de Total Energies, qui poursuit son mouvement de grève en dépit de l'accord évoqué ci-dessus, réclame toujours une augmentation générale des salaires de 10%. "Ne soyez pas dupes : c’est bien le poids donné par la CGT et les salariés en grève qui a obligé la direction à proposer de maigres avancées pour tenter de faire signer les syndicats non partisans de l’action revendicative", soutient la CGT de Total énergies sur son site. A l'appui de sa revendication, le syndicat met en avant les résultats dégagés par le groupe, l'augmentation de la rémunération du PDG, Patrick Pouyanné, et les importants dividendes versés aux actionnaires.

La fédération chimie de FO a également critiqué l'accord trouvé chez TotalEnergies : "Il ne correspond en aucun point aux revendications des grévistes. Les signataires notamment la CFDT ne peuvent se glorifier de cet accord, la négociation n’a pu avoir lieu que grâce au rapport de force de la grève massive dans les raffineries TotalEnergies". La fédération de FO dit soutenir tous ses syndicats en grève et appelle les autres à "préparer le mouvement national de grève inter-professionnelle du mardi 18 octobre".

 

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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