Comment faire exister la question de l'aide à domicile dans la campagne présidentielle ? Pour le président de l'Una, il importe de politiser cet enjeu en montrant l'apport essentiel du soutien aux plus faibles. Il faut également repenser l'ensemble du dispositif de financement pour sortir du cloisonnement et du manque de lisibilité du parcours des sortants d'hôpital.
Elu à la surprise générale à la présidence de la plus grosse fédération associative de l'aide à domicile (Una), Guillaume Quercy (lire son portrait) entend faire exister cette problématique pendant la campagne présidentielle. Si les questions de pauvreté et parfois de handicap (notamment par rapport à l'autisme) s'invitent régulièrement dans les débats entre candidats, les enjeux de l'aide à domicile et du soutien aux aidants ont bien du mal à sortir des cercles des initiés. Le président de l'Una explique pourquoi et comment cela peut changer.
tsa : Lors de votre conférence de presse de début d'année, vous avez insisté sur le fait qu'il fallait repolitiser l'aide à domicile. Que voulez-vous dire exactement ?
Guillaume Quercy : Il faut absolument sortir cette question de l'enclos technico-budgétaire dans lequel notre secteur est enfermé. Et rappeler la valeur de l'intervention que nous réalisons chez les publics fragiles. Rien que pour les structures membres de l'Una, cela représente 700 000 personnes chaque jour ! Cette relation d'aide n'est pas neutre pour la cohésion sociale. Un monde dans lequel cette aide pour les plus faibles n'existerait plus serait d'une violence extrême.
Tout cela fait l'objet d'un consensus sur l'échiquier politique...
En admettant qu'il y ait consensus sur l'utilité sociale de l'aide à domicile, j'observe que les milliards d'euros ne déferlent pas sur ce secteur. J'ai rencontré la secrétaire d'Etat Pascale Boistard et des parlementaires de l'opposition ; tous m'ont dit que si l'opinion publique ne considère pas déterminante cette question de l'aide à domicile, aucun politique ne prendra de décisions favorables pour notre secteur. Sinon, Bercy [le ministère des finances et de l'économie, NDLR] continuera à être la forteresse imprenable qu'il est actuellement.
Que faut-il changer, notamment en termes de portage politique ?
J'ai de l'admiration pour le volontarisme de Pascale Boistard qui cherche à faire appliquer la loi ASV partout, mais j'observe qu'elle éprouve les pires difficultés à obtenir des résultats. Donc la question se pose vraiment de savoir si des responsables politiques de second plan dans l'organigramme gouvernemental ont la capacité de faire bouger les choses. Je constate que les réalités vécues par les personnes sur le terrain sont très différentes de ce que les politiques en disent. J'ai en tête des situations de femmes qui aident leurs parents âgés tout en soutenant leurs enfants au chômage et en continuant à travailler. Il faudrait que les responsables politiques soient davantage proches des acteurs de la solidarité pour mieux comprendre ce type de réalités.
Comment comptez-vous mobiliser davantage la population sur cet enjeu ?
L'élément qui nous est favorable est d'ordre démographique. L'évolution de la société et son vieillissement font que de plus en plus de personnes sont concernées, pour elles-mêmes ou pour leurs proches, par le maintien à domicile et l'aide humaine. Nous réfléchissons actuellement sur diverses initiatives que nous pourrions, seuls ou avec d'autres, déployer d'ici le scrutin présidentiel pour faire passer notre message. Mais il est encore trop tôt pour en parler... De toute façon, en la matière, il faut être modeste et déterminé. Il est difficile de savoir à l'avance quelles initiatives vont frapper l'opinion publique.
Quel engagement des politiques espérez-vous ?
Actuellement, en matière sanitaire, tout le monde insiste sur le virage ambulatoire pour alléger la charge pesant sur l'hôpital. Mais celui-ci n'est possible que si on investit sur l'aval de l'hôpital, notamment les services d'aide à domicile. Cela suppose de repenser le dispositif de financement actuellement éclaté (entre l'ARS et le département) et complexe. Une personne sortant de l'hôpital va être prise en charge par des services infirmiers financés par l'ARS et des services d'aide à domicile de la responsabilité du département.
En conclusion, quelle évolution souhaitez-vous ?
Nous défendons deux principes : d'une part, la santé relève de la solidarité nationale et ne doit pas être financée par l'impôt local ; d'autre part, les professionnels ne peuvent avoir quinze interlocuteurs différents. Il faut donc avoir une organisation permettant de mener un travail prospectif, par exemple sur la question de l'emploi (les difficultés de recrutement sur certains territoires se posent aussi pour notre secteur). Certains outils actuels peuvent y aider. Les conseils locaux de santé ou les conférences départementales des financeurs doivent permettre d'avancer dans la prise en compte des besoins, à condition toutefois d'associer vraiment les citoyens à leur fonctionnement.