Hébergement d'urgence : ça craque de partout !

Hébergement d'urgence : ça craque de partout !

06.12.2016

Action sociale

Alors que l'hiver n'a pas encore démarré, le Samu social à Paris refuse 600 demandes d'hébergement chaque nuit. Le plan hivernal qui prévoit 2 800 places nouvelles en région parisienne tarde à se déployer. Deux raisons expliquent cette situation : la pénurie de places d'hébergement accentuée par la crise des migrants ; le manque de solutions dans le logement ordinaire.

"Le temps, encore clément, ne laisse pas deviner la catastrophe qui s'annonce. [...] L'hiver qui se profile pourrait bien être, pour les personnes sans abri, le pire depuis longtemps." (Le Monde du 31 octobre 2016). Cet avertissement du président du Samu social, qui l'a entendu en pleines vacances de la Toussaint ? Cinq semaines plus tard, la mise en garde d'Eric Pliez a pris corps sur le terrain alors même que nous ne sommes pas au coeur de la période hivernale. "Dans la nuit du 1er décembre, explique Christine Laconde, directrice générale du Samu social, le 115 n'a pas pu trouver de solution d'hébergement à 160 personnes isolées, dont 57 femmes, et à 380 personnes vivant en famille." Dans le même temps, elle explique que le SIAO d'urgence s'est vu adresser par les travailleurs sociaux, dans la semaine du 28 novembre au 2 décembre, 846 dossiers de personnes pour un hébergement. "Seules 92 places ont été attribuées", déplore la directrice du Samu social.

La gestion au thermomètre toujours en vigueur

Tous les interlocuteurs déplorent une mise en route tardive des réunions dans les préfectures. "Au 1er novembre, aucun territoire n'était prêt pour lancer le plan hivernal, souligne Florent Guéguen, directeur de la Fnars. C'était particulièrement vrai dans les territoires sous tension, comme l'Ile-de-France, le Rhône, l'Isère et l'agglomération lilloise." Ce responsable associatif se désole que la "gestion au thermomètre" que chaque ministre du logement promet, la main sur le coeur, de mettre dans les poubelles de l'histoire, soit toujours en vigueur. Selon lui, la situation est particulièrement "préoccupante" pour deux catégories de publics : "les familles avec enfants dont le nombre est supérieur par rapport à l'année dernière et les hommes seuls grands exclus."

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L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

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Tout le monde n'appelle pas le 115

Responsable de l'association Les Enfants du canal qui propose maraudes et accueils de jour (mais ne gère pas de structure d'hébergement), Christophe Louis explique qu'au moins la moitié des personnes rencontrées dans les rues et les squats ne font même plus la démarche d'appeler le 115 (par découragement ou par refus d'être baladé d'un lieu à l'autre). Si bien que les besoins en places d'urgence dépassent largement (sur Paris) les 500 à 600 refus d'hébergement enregistrés par le Samu social.

Loi santé du 26 janvier 2016

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Concurrence sur le foncier

Comment s'explique ce retard ? Outre la mauvaise habitude d'attendre les premiers frimas pour agir, le calendrier a dû jouer un rôle. En octobre, les préfectures ont été mobilisées pour ouvrir ici et là des centres d'accueil et d'orientation (CAO) permettant de trouver 6 000 places pour des personnes en provenance du campement de Calais et des installations "sauvages" du nord parisien. Personne ne souhaite opposer les publics prioritaires, mais Florent Guéguen constate qu'il y a une "concurrence sur le foncier". "Des installations qui auraient pu servir à accueillir des SDF ont été transformées en CAO".

La moitié des places promises réellement ouvertes

Un mois après le démarrage de la campagne hivernale, l'Etat est bien en peine de remplir ses engagements en termes d'ouverture de places. "Sur les 1 200 places promises sur Paris, comptabilise Christine Laconde, 377 le sont déjà, en incluant le centre d'hébergement du 16e arrondissement qui n'est pas destiné à l'urgence. Pour la mi-décembre, on espère ouvrir 260 places supplémentaires." Donc juste avant les fêtes, seule la moitié du contingent de places promises par les pouvoirs publics devrait être disponible.

Quelles solutions pour désengorger le système ?

Cet engorgement général a une cause structurelle forte : la difficulté pour des personnes logées en hôtel ou dans des structures sociales de trouver un logement de droit commun. Dès lors, peu de places se libèrent et les quelques centaines qui se créent chaque année sont incapables d'absorber le flux incessant de personnes qui se retrouvent à la rue.

Dans sa tribune au Monde, Eric Pliez propose diverses solutions pour désengorger le dispositif : "identifier les logements sociaux vacantes et prioriser l'entrée dans le logement des personnes sans emploi ; favoriser l'accès des personnes sans abri vieillissantes aux foyers logements et aux Ehpad et de celles qui sont en situation de handicap vers des structures médico-sociales adaptées, etc." Sur la question du vieillissement (16 % des personnes en hébergement d'urgence ont plus de 60 ans), le département de Paris pourrait, dans le cadre de son schéma Senior qui sera discuté fin 2016 - début 2017, faciliter l'entrée des SDF dans des foyers logements qu'il gère.

"On a besoin d'une mobilisation de grande ampleur"

L'inquiétude est très grande parmi les acteurs associatifs sur leur capacité à répondre aux besoins de plus en plus nombreux d'hébergement. Quand tant de gens, y compris des enfants, dorment dehors dans le froid, l'irréparable est prévisible. "On a besoin d'une mobilisation de grande ampleur", s'exclame Christine Laconde. Dans cette période politiquement incertaine, l'appel de la directrice générale du Samu social a-t-elle plus de chances d'être entendu que celui de son président en octobre dernier ?

 

Noël Bouttier
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