Pour le début de la trêve hivernale, le ministère du logement a dévoilé son plan hivernal. Son objectif ? Repérer davantage de SDF grâce à de nouvelles maraudes. Le gouvernement entend accroître les sorties des hôtels et trouver de nouveaux sites pour l'hébergement d'urgence. Présentation du plan commenté par Florent Gueguen, DG de la Fédération des acteurs de la solidarité.
Cette année, la météo a précédé le calendrier politique. Autrement dit, les premiers frimas ont devancé de quelques jours l'annonce par le gouvernement du plan hivernal 2018/2019. Dans une interview au Parisien, le ministre de la ville et du logement Julien Denormandie a dévoilé les grandes lignes de ce plan. "Le président de la République a fixé un cap clair : qu'une solution adaptée soit trouvée pour tout le monde", affirme-t-il en reconnaissant que "des milliers de gens dorment [encore] dans la rue." Et de poursuivre : "Tant qu'il y aura une personne dans cette situation, c'est que le travail engagé doit être poursuivi."
5 000 places pérennes en plus
En termes quantitatifs, l'Etat annonce le chiffre de 136 000 places ouvertes en permanence, soit un supplément par rapport à l'hiver précédent de 5 000 places. Concrètement, une partie des places ouvertes l'hiver dernier ont été pérennisées. En plus de ces 136 000 places, le gouvernement souhaite ouvrir cet hiver 14 000 places supplémentaires. L'entourage du ministre précise que des sites nouveaux ont été identifiés, et pas seulement à Paris ou en Seine-Saint-Denis comme c'est devenu l'habitude. Rien qu'en Ile-de-France, 4 200 places auraient déjà été trouvées. Tous les ministères sont mis à contribution pour dénicher des lieux inoccupés, pouvant être transformés en hébergement temporaire.
Progrès dans la méthode
Du côté des associations, on apprécie la méthode. "Les réunions sur les territoires pour repérer des sites ont été plus précoces que les autres années, vers fin septembre", reconnaît Florent Guéguen (1), le directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité. De même, le rythme de réunion tous les quinze jours entre les associations et les pouvoirs publics est jugé positivement. Pour autant, l'inquiétude demeure. "L'hiver dernier a été très difficile, rappelle Florent Guéguen. Actuellement, on ne voit pas pourquoi cet hiver pourrait être meilleur".
Renforcement des maraudes...
L'un des axes nouveaux est le développement des maraudes. Cinq millions supplémentaires vont être débloqués pour financer de nouvelles équipes. Une mesure saluée par les associations. "Actuellement, comptabilise le directeur de la fédération, 30 départements ne sont couverts par aucune maraude. On va pouvoir couvrir davantage de territoires."
... et développement des haltes de nuit
L'objectif du gouvernement est d'entrer en relation avec davantage de SDF alors que plus de la moitié d'entre eux ont renoncé à utiliser le 115 très souvent encombré. Pour permettre de trouver des places d'hébergement au beau milieu de la nuit, le ministère compte développer des haltes de nuit. L'article 11 de la loi Elan doit favoriser la mobilisation de locaux vides. Pas opposée à l'idée, la Fédération des acteurs de la solidarité pose cependant quelques conditions. "Il faut un référenciel de qualité car nous ne voulons pas que ces haltes de nuit aboutissent à entasser des gens", prévient Florent Gueguen.
Aider les familles à sortir des hôtels...
Le gouvernement entend également remettre le couvert sur la question de l'hébergement hôtelier. Actuellement, celui-ci représente environ 40 000 places sur les 136 000. C'est trop d'autant que des familles y vivent depuis des années, souvent oubliées de tous. "Quand vous faites rentrer des familles là dedans, vous savez très bien qu'elles n'en sortiront pas parce qu'elles ne sont pas accompagnées", explique Julien Denormandie. Il prévoit dès lors de débloquer une enveloppe de 5 millions d'euros pour appuyer l'intervention des travailleurs sociaux auprès de ces familles pour que celles-ci trouvent un logement adapté.
... ce n'est pas si facile
D'accord sur l'objectif, Florent Gueguen s'interroge sur les moyens déployés pour atteindre le but. "L'accès au logement ordinaire est très difficile pour ces familles qui ont peu de ressources, souvent simplement le RSA. Ils doivent être orientés vers des centres d'hébergement pérennes. Il faut par ailleurs régulariser de nombreuses familles."
Un geste pour les CHRS très fragilisés
En direction des CHRS, le gouvernement entend faire un geste. Confirmant sa volonté de baisser les dotations (de 20 M€ en 2018 et de 13 M€ en 2019), il souhaite encourager l'accompagnement des personnes les plus en difficultés, en dégageant des financements pris sur le plan anti-pauvreté. C'est toujours bon à prendre, estiment les associations, qui ne décolèrent pas contre la coupe budgétaire. "Cette décision s'est traduite par des licenciements dans les structures, raconte Florent Gueguen, et par une sélectivité plus forte en prenant prioritairement des personnes plus autonomes." Ce qui ne manque pas de piquant au regard des objectifs de lutte contre la pauvreté.
Logement d'abord, où en est-on ?
Evidemment, ce plan s'insère dans une stratégie plus large du Logement d'abord en permettant aux personnes hébergées d'accéder directement à un logement de droit commun. Le gouvernement s'est fixé comme objectif de faire sortir de terre chaque année 40 000 PLAI (logements très sociaux). "En 2017, rappelle cruellement Florent Gueguen, il n'y a eu que 30 000 PLAI, un chiffre en baisse par rapport à 2016. De toute façon, il faudrait aller vers 60 000 PLAI." Le gouvernement se félicite des premiers résultats du Logement d'abord : 10 000 personnes seraient sortis entre janvier et septembre 2018 de l'hébergement pour trouver un logement, souvent via l'intermédiation locative. "La montée en puissance de cette stratégie est très poussive", estime, de son côté, le responsable associatif qui se demande si l'enveloppe dégagée (8 M€ pour 24 territoires pilotes).
Gestion au thermomètre ?
Reste que les associations seront très vigilantes à ce que les personnes hébergées cet hiver ne se retrouvent pas à la rue au printemps. Et elles s'inquiètent de l'absence dans la loi de finances de toute disposition permettant de pérenniser des places temporaires. Comme si la gestion au thermomètre restait la boussole des pouvoirs publics.
(1) Pour ceux qui souhaitent un argumentaire plus complet des associations sur le plan Hiver, vous pouvez lire la double interview de Florent Gueguen et de Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre. (cliquez ici)