Hébergement : "Nous allons droit dans le mur"

Hébergement : "Nous allons droit dans le mur"

20.12.2018

Action sociale

A quelques jours des fêtes, le collectif des associations unies tire le signal d'alarme sur la situation de l'hébergement et du logement des plus pauvres. Les dispositifs ne sont plus en mesure de répondre aux urgences des gens à la rue. Le collectif s'interroge sur de nouveaux modes d'intervention à l'image du mouvement des Gilets jaunes.

Elles sont venues de Toulouse et de Lyon pour témoigner de la situation sur le terrain. Et leur propos est particulièrement alarmant. Prenons d'abord la direction de la Haute-Garonne avec Sylvie Fernandez et Valérie Gratias qui travaillent au service intégré de l'accueil et de l'orientation (Siao) qui a été en grève cet automne. "Chez nous, il n'y a aucune prise en charge des hommes seuls. Sur cent appels au Siao, seuls dix trouvent une réponse. Et dans 95 % des cas, la réponse est négative." Et les deux Toulousaines d'ajouter : "Nous sommes obligés de solliciter l'ouverture de gymnases qui présentent des conditions d'hébergement difficiles". 

"S'il n'y a pas de mort cet hiver..."

Direction maintenant la capitale des Gaules. "S'il n'y a pas de mort cet hiver, ce sera un miracle", prévient Maud Bigot, du Samu social de Lyon. Et d'expliquer par le détail la situation de l'agglomération lyonnaise. Les demandeurs d'hébergement doivent se faire "labelliser" "avérés à la rue" pour espérer bénéficier d'un hébergement. Il faut attendre 15 mois pour en décrocher un. "Les travailleurs sociaux sont là pour signaler et non plus pour accompagner. Nous nous demandons à quoi nous servons dans cette situation de découragement total", explique Maud qui raconte avoir croisé récemment une femme à la rue avec dans ses bras un bébé de 28 jours.

Les grands exclus sortis des radars

Pour le collectif des associations unies pour le logement des plus défavorisés, les dernières semaines que nous venons de vivre sont paradoxales. D'une part, et c'est positif, des personnes qui n'avaient pas l'habitude de prendre la parole, ont mis sur la table les questions du pouvoir d'achat et des conditions de vie. D'autre part, regrette Florent Guéguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité, dans les réponses faites aux Gilets jaunes, les questions de logement, de revalorisation des APL ou d'encadrement des loyers dans les grandes villes n'ont pas été abordées. Les grands exclus sont sortis des radars de l'action publique (lire ci-dessous). 

Pas de budget...

Tout en relevant quelques points positifs (plus de moyens pour les maraudes et plus d'anticipation), le collectif entend remettre diverses propositions sur la table. Par exemple, un moratoire sur le plan d'économies sur les CHRS, l'anticipation de la sortie d'hiver (en pérennisant des places ouvertes cet hiver), la revalorisation des APL et du RSA... Les responsables du collectif le reconnaissent : on ne prend pas ce chemin. Par exemple, dans le projet de loi de finances 2019, aucun budget n'est prévu pour pérenniser ces places hivernales d'hébergement. 

... ni de respect des engagements

Christophe Robert, le délégué général de la fondation Abbé-Pierre, ne cache pas sa colère. "La question de la parole politique est posée", soutient-il en rappelant la volonté exprimée en juillet 2017 par le chef de l'Etat d'en finir avec les SDF. Il revient sur le très mauvais chiffre des expulsions (record battu en 2017) et demande un moratoire dans ce domaine. "Il existe un fonds d'indemnisation des propriétaires, mais il a été porté de 85 millions d'euros à 35 M€", déplore Christophe Robert. Il estime que la loi Egalité et citoyenneté n'est pas respectée puisqu'elle prévoit de réserver un quart des attributions de logement au quart des personnes les plus faibles. Plus grave, le budget consacré au logement est amputé : de 800 M€ en 2018 et en 2019 (il est prévu une coupe de 1,5 Md€ en 2020). "On va droit dans le mur", s'exclame-t-il, en regrettant que la rénovation thermique des logements soit freinée malgré les promesses de transition écologique.

L'errance des migrants

Sur un autre front, celui des migrants, la situation est également catastrophique. Sur Paris, principalement dans le nord, entre 1 200 et 1 500 personnes errent sans fin, délogés inlassablement par les forces de l'ordre. Tous les campements provisoires sont démontés, ce que critique Louis Barda, de Médecins du monde. "Les campements ne sont peut-être pas une bonne solution, mais cela permet d'en finir avec l'errance". L'absence de régularisation des personnes étrangères explique, pour partie, l'embolie des structures d'hébergement. Là aussi, l'inertie n'est plus possible.

Rendre visible les personnes accompagnées

Mais sur tous ces dossiers, comment se faire entendre ? Le collectif a beau être reçu régulièrement par les pouvoirs publics (fin novembre par le Premier ministre), ses demandes sont souvent poliment écartées. "Ce qui est important, explique Florent Guéguen, c'est d'éviter la mise en concurrence des misères. Nous avons constaté que le gouvernement fait le choix de favoriser les pauvres méritants." Le collectif reconnaît réfléchir à de nouvelles formes d'action pour rendre visible les personnes que les structures accompagnent. Pour l'instant, tout cela reste assez vague, mais le début d'année 2019 - qui s'annonce difficile - pourrait bien voir un nouveau front de contestation s'allumer.

 

"Les plus pauvres oubliés"
Faisant partie du collectif des associations unies, le mouvement ATD Quart Monde a fait part de son inquiétude. "Dans le discours tenu par Emmanuel Macron le 10 décembre, aucune mention n'a été faite des plus pauvres : pas de revalorisation du RSA, rien pour les chômeurs..." Le mouvement se déclare très vigilant sur l'éventuel financement des mesures "Gilets jaunes" par les dispositifs destinés aux plus pauvres. Il est inquiet du discours présidentiel. "La tentation d’opposer les Français et les étrangers, les « bons pauvres » qui travailleraient et les « mauvais pauvres » qui seraient au mieux des assistés et au pire des profiteurs, est un vrai risque pour notre cohésion nationale", conclut ATD.

   

Action sociale

L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

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Noël Bouttier
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