A l'issue du nouveau cycle de mesure de l'audience, la CFDT maintient sa première place dans le privé, devant la CGT, FO, la CFE-CGC et la CFTC, les cinq syndicats restant représentatifs. Mais derrière l'apparente stabilité, ce sont la CFE-CGC et l'Unsa qui engrangent la plus forte progression de voix. Côté patronat, le Medef demeure incontournable.
Commençons par une bonne nouvelle : le taux de participation aux élections des CSE progresse de 1,3 point pour atteindre 58,8 %, "un signal positif" pour la CFDT, surtout "dans une période où la confiance dans les institutions est trop souvent malmenée".
On peut aussi y voir l'effet d'une forme de retour à la normale. Le précédent cycle avait été marqué par la crise sanitaire mais aussi par la mise en place du CSE, avec des problèmes d'organisation de certaines élections. Mais comme la mesure de la représentativité syndicale prend aussi en compte le scrutin des très petites entreprises (TPE) et des chambres d'agriculture, où l'abstention est très forte, la pondération moyenne donne un bien faible 36,5 % de taux de participation (*).
Venons-en maintenant aux résultats (pour le détail, voir ci-dessous notre infographie).
Disons-le tout de suite : par rapport à la photo de 2021, la hiérarchie syndicale n'est pas modifiée. Bien que perdant 44 000 voix par rapport au précédent cycle, la CFDT maintient sa première place, avec une audience de 26,68 % et un poids relatif de 30,83 %, soit une petite érosion de - 0,8 point (voir ci-dessous sur la notion de poids relatif).
La seconde organisation, la CGT (audience de 22,21 % et poids relatif de 25,76 %, soit - 0,8 point), accuse 66 000 voix de moins. FO (35 600 voix en moins) se maintient en troisième position (audience de 14,91 % et poids relatif de 17,29 %, soit - 0,3 point) mais voit à ses portes débarquer la CFE-CGC, qui, en gagnant 36 000 suffrages, atteint une audience de 12,95 %, son poids relatif passant de 13,7 % à 15.02 %. Vient ensuite la CFTC, quasi-stable (audience de 9,58 % et poids relatif de 11,10 %, soit +0,10). Derrière, en dépit de sa progression (+ 15 200 voix), l'Unsa n'est toujours pas représentative au niveau national interprofessionnel. Mais avec une audience de 6,45 %, elle se rapproche encore de la barre fatidique des 8 %, loin devant Solidaires (3,75 %).
Rappel : cette mesure de l'audience électorale sert de base à la reconnaissance de la représentativité syndicale depuis la loi de 2008. Elle conditionne donc la capacité ou non des organisations syndicales (OS) à signer :
Un syndicat est reconnu représentatif s'il obtient au moins 10% des suffrages dans l'entreprise et au moins 8% dans les branches et au niveau national. Au niveau des branches et au niveau national, les poids électoral qui est reconnu est appelé "poids relatif". Il s'obtient en recalculant les scores obtenus par les syndicats une fois exclues les organisations n'ayant pas obtenu au moins 8% (voir notre infographie ci-dessous). Ce poids est donc important puisqu'il contribue à creuser les écarts. Ces seuils permettent à un syndicat de signer des accords collectifs ou de s'y opposer, puisque des OS représentant plus de 50% des suffrages peuvent s'opposer à un accord de branche ou à un accord national interprofessionnel. |
Au vu de ces résultats, difficile de dire si le renouvellement des secrétaires généraux de plusieurs confédérations (Marylise Léon à la CFDT et Sophie Binet à la CGT) a joué, il est sans doute trop récent pour avoir déjà modifié les comportements électoraux. En revanche, le conflit des retraites, à l'origine d'un regain d'adhésions syndicales enregistré par les confédérations, a pu provoquer un surcroit de mobilisation électorale qui se traduit dans les chiffres de la participation aux élections CSE. Mais on reste frappé, au global, par l'érosion constante des scores des principales organisations : depuis 2013, la CGT a perdu 269 000 voix, FO 78 000, la CFDT 17 000, alors que la CFE-CGC en a gagné 155 000 et l'Unsa près de 100 000. Une évolution qui illustre sûrement la montée en puissance des cadres dans la population salariée.
► La CFDT se réjouit de voir les salariés la porter, "pour la troisième fois", en tête de la mesure d'audience. Une place que le syndicat explique par son travail de proximité "dans tous les secteurs professionnels et tous les bassins d'emplois pour écouter, accompagner et défendre les salariés".
► La CGT souligne sa place de 2e organisation et sa représentativité assurée dans 218 branches, "soit 9 branches sur 10", tout en mettant en avant l'augmentation des cadres et des professions intermédiaires dans les grandes entreprises, une évolution qui ne lui est pas favorable, tout comme la baisse de l'emploi industriel et le recours à la sous-traitance.
Le syndicat s'inquiète des pertes de voix de la plupart des organisations, qu'elle attribue notamment "aux déserts syndicaux" et à l'abstention massive aux élections TPE. La confédération demande au ministère du travail l'ouverture d'une concertation. Avec au menu : "le point sur le nouveau nouveau mode de mesure (Ndrl : de l'audience syndicale) instauré en 2013", "un bilan des ordonnances Macron", "la discrimination syndicale", "la représentativité sous les 50 salariés" ainsi que "l'organisation du scrutin sous forme électronique".
► A FO, Karen Gournay déplore la très faible participation au scrutin TPE "qui a conduit à la baisse de l'audience des organisations syndicales", mais elle note que FO sera présente dans 73 % des branches avec 13 braches supplémentaires.
► La CFTC insiste sur sa progression par rapport aux trois premiers cycles de mesure de l’audience. "La CFTC continuera à peser, durant les quatre prochaines années, dans toutes les négociations interprofessionnelles, qu’il s’agisse de l’assurance chômage ou des retraites", indique la confédération dans un communiqué.
► La CFE-CGC, avec 21,75 % des suffrages dans son champ statutaire de l’encadrement, ne peut que se féliciter de sa progression : "En quatre ans, la CFE-CGC, quatrième organisation syndicale du pays, a progressé de plus de 36 000 voix. Elle conforte ainsi sa représentativité au niveau national interprofessionnel et donc sa capacité à négocier et signer des accords collectifs au plus haut niveau conventionnel".
► L'Unsa, bien que non représentative, se félicite de sa progression (+0,46 point) : "Quand la majorité des autres organisations baissent ou stagnent, l’UNSA connaît la deuxième meilleure progression sur l’ensemble du champ des salariés du privé. Depuis 2008 pour les salariés du privé et 2010 pour les agents du public, l’UNSA est la seule organisation qui progresse à chaque scrutin. Elle conforte ainsi sa cinquième place au cumul des voix public et privé".
► Solidaires dit avec satisfaction pouvoir décrocher sa représentativité dans 38 branches et progresser dans des secteurs comme l'animation. Mais "avec 183 440 voix et 3,75%", Solidaires souligne aussi "le chemin qui reste à parcourir pour le développement de notre syndicalisme" puisque, sur le 3e cycle, "seulement 18% des salariés pouvaient voter pour une liste de Solidaires".
Côté patronal, au grand dam de la CPME (qui revendique 243 700 entreprises adhérentes mais seulement 549 000 salariés, et qui est crédit d'un poids de 32,05 % contre 25,54 % dans le précédent cycle), le Medef (149 000 entreprises adhérentes couvrant 10,8 millions de salariés) reste incontournable pour les négociations nationales interprofessionnelles. Avec un poids de plus de 63 % (contre 66,3 % dans le précédent cycle), le Medef peut s'opposer à tout accord signé contre sa volonté. L'U2P, l'organisation des artisans et des professions libérales, représente pour sa part 4,53 %. Rappelons que pour être représentative une organisation patronale doit représenter au moins 8 % de l'ensemble des entreprises qui adhérent à une organisation d'employeur, ou au moins 8 % des salariés employés par ces mêmes entreprises.
Les arrêtés de représentativité devraient être publiés d'ici fin juin pour le niveau national interprofessionnel ainsi que pour les plus importantes branches professionnelles, les autres arrêtés de branche étant échelonnés de juin à décembre 2025.
(*) Ces résultats ont été présentés mardi 8 avril aux partenaires sociaux par la Direction générale du travail lors d'un Haut conseil du dialogue social. Les chiffres agrègent les résultats des élections CSE dans les entreprises d'au mions 11 salariés entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2024, du scrutin TPE de novembre et décembre 2024, et des élections des conseils d'administration des chambres d'agriculture de janvier 2025. Pour la première fois, les résultats de l'audience syndicale et de l'audience patronale étaient présentés ensemble. Contrairement aux cycles précédents, aucune conférence de presse n'avait été prévue pour la présentation de ces résultats, officialisés par un simple communiqué.
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
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