Après la mobilisation de cet hiver, les 115 et les hébergements se retrouvent de nouveau saturés, de Toulouse à Paris. Les besoins, croissants, ne sont toujours pas satisfaits, alors que l’accès au logement autonome reste encore à faciliter.
Alors qu’une vague de chaleur se plaque cette semaine sur la France, une « alerte rouge » vient d’être lancée, de Toulouse, par des acteurs de l’hébergement d’urgence. Actuellement, « une quarantaine de familles, soit 80 enfants en moyenne, téléphone quotidiennement au 115 pour demander un hébergement et se voit opposer un refus », écrivent associations et syndicats, dans un communiqué du 20 juillet. Le numéro d’urgence est donc encore saturé cet été, avec « un taux de décroché de 10 % ». Il est vrai qu'ici « le 115 fait d’habitude de 90 à 95 % de refus », déplore par tél��phone Annabelle Quillet, du Groupement pour la défense du travail social (GPS)…
Décisions de justice
Mais la situation s’empirerait même, cet été, pour les familles en détresse qui ont pu se voir reconnaître, en justice, le droit à un hébergement d’urgence. Le tribunal administratif de Toulouse, depuis le début du mois de juillet, a en effet « ordonné à l’Etat de prendre ou reprendre en charge » une dizaine d’entre elles, poursuit le communiqué. « Or, (il) refuse désormais d’exécuter ces décisions de justice. » Annabelle Quillet précise que ce sont là « les personnes les plus vulnérables, avec des enfants malades, ou victimes de viols à la rue, qui ne sont pas mises à l’abri ! » La préfecture de Haute-Garonne n’a pas souhaité commenter ce que le collectif appelle une « violation des principes fondamentaux de l’Etat de droit ».
"Effet d'annonce"
C’était justement à Toulouse, en septembre dernier, qu’Emmanuel Macron était venu annoncer, contre le sans-abrisme, un plan pour le « logement d’abord », dont la ville rose devait être l’un des territoires pilotes. « Et cet hiver, c’était du jamais vu », avec soudain au 115 « 95 % de réponses positives », rapporte Annabelle Quillet. « Mais c’était un effet d’annonce », regrette-t-elle aujourd’hui : une fois l’habituel budget hivernal épuisé, au printemps, « ils ont fait sortir les familles des hôtels »... Et les « hébergements d’urgence continuent d’être embouteillés faute de trouver des accès au logement autonome ».
Pour sa part, la préfecture souligne dans un communiqué, également du 20 juillet, « une mobilisation sans précédent » cet hiver « des crédits de l’État pour faire en sorte qu’aucune personne en période hivernale n’ait été obligée de rester à la rue ». Elle annonce aussi avoir pérennisé, au printemps, 240 places, pour compter désormais 5 061 places d’hébergement généraliste tout au long de l’année en Haute-Garonne - outre près de 3 000 pour les migrants.
A Paris aussi
Mais l’été s’annonce difficile, du reste, pour les sans-abri de bien d’autres départements. A Paris, par exemple, où le niveau 3 du plan canicule vient d’être activé, avec des maraudes renforcées, ce sont près de 130 familles qui sollicitent chaque jour le 115 en vain, comme vient de prévenir le Collectif des associations unies dans un communiqué. De fait, au niveau national, les capacités d’accueil se sont encore réduites par rapport à cet hiver. « L’Etat avait ouvert près de 15 000 places temporaires, et en a depuis pérennisé 5 000, soit une perte de 10 000 places », rend compte Florent Gueguen, le directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS).
Plus de baromètre du 115
Par rapport à l’été dernier, en revanche, l’évolution reste floue : la FAS n’est plus en mesure de publier le baromètre du 115, depuis qu’un nouveau logiciel a été généralisé dans les SIAO. « Et l’Etat ne s’est pas précipité pour nous donner un nouvel accès aux données », ajoute Florent Gueguen. En attendant la reconnexion, le directeur général reconnaît certes que le « parc d’hébergement d’urgence ne cesse de s’étendre depuis 2012 ». « Mais il doit faire face à une demande croissante, et pallier, en outre, les insuffisances du parc d’accueil des demandeurs d’asile. » Or cet été s’ajoutent des restrictions budgétaires inédites, dans plusieurs territoires : dans les Hauts-de-Seine, à Marseille, ou à Lyon, « on voit le nombre de nuitées d’hôtel plafonnées, avec des critères plus sélectifs pour y accéder », déplore Florent Gueguen.
Le directeur général de la FAS redoute maintenant les 57 millions d’euros d’économies prévues pour les CHRS sur les quatre prochaines années, dont 20 millions pour 2018. « Des structures préparent déjà des licenciements de personnel », observe-t-il, en attendant le résultat d’un recours au Conseil d’Etat. « Il n’est pas acceptable de financer le « logement d’abord » par des baisses de crédit immédiates aux CHRS. » Au-delà, pour favoriser l’accès au logement, le Collectif des associations unies réclame, notamment, une revalorisation des APL, ainsi qu'une application de l’encadrement des loyers.