Bruno Le Maire, candidat à la primaire de la droite en vue de l'élection présidentielle de 2017, a exprimé hier devant l'Ajis, l'association des journalistes de l'information sociale, ses projets de réforme sociale : fin du monopole syndical au 1er tour des élections, généralisation d'une instance unique du personnel financée par un budget unique de 0,3%, limitation à 20% du temps passé par un élu du personnel pour son mandat, préavis de 5 jours pour toute grève, etc.
C'est un homme politique très à l'aise, notant avec soin les questions des journalistes et prenant le temps d'y réfléchir avant d'y répondre, qui a livré hier une synthèse de ses propositions en vue de la présidentielle de 2017, dans le restaurant l'Assemblée, à deux pas de l'Hémicyle (*). Des idées très libérales (Bruno Le Maire veut par exemple privatiser Pôle emploi et supprimer le statut des fonctionnaires territoriaux) mâtinées de quelques touches sociales. Ponctuant son propos de quelques formules chocs ("En France, le social a tué la solidarité"), émaillant son discours d'une volonté appuyée d'agir en faveur des enfants autistes en faisant du handicap une grande cause nationale ("Un enfant handicapé comptera pour une part fiscale entière"), Bruno Le Maire s'est posé en candidat "laborieux", selon son propre terme. Il gage le sérieux de ses propositions sur une large consultation des Français menée pendant plusieurs années et qui a donné naissance à un livre programme de mille pages, "le contrat présidentiel". Une consultation dont il pense qu'elle l'exonère de conduire la concertation nécessaire des partenaires sociaux avant toute réforme sociale : cet article L1 du code du travail, Bruno Lemaire, s'il est élu président, entend d'ailleurs l'abroger pour aller vite, et conduire ses réformes en prenant rapidement huit ordonnances dont l'une sur le marché du travail. Il conteste pour autant vouloir faire preuve de "brutalité" dans la conduite de ses réformes.
Parmi ces réformes, figure notamment, dans son projet d'ordonnance n°4, l'abandon du monopole syndical de présentation des candidats au premier tour des élections professionnelles. Cette mesure serait de nature, dit-il, à relancer le dialogue social dans les entreprises en faisant émerger des salariés plus à l'écoute de solutions pragmatiques. Une proposition anti-syndicale ? "Non, je crois aux syndicats. Mais à un syndicalisme de salariés, pas à un syndicalisme politique", répond Bruno Le Maire selon lequel il y a "un monde entre les salariés d'une PME qui discutent avec leur direction et leur centrale syndicale". Le risque de voir alors se développer des élus très proches des directions ? "J'assume", répond-il. Le candidat souhaite aussi ériger une règle obligeant l'employeur à organiser des élections professionnelles seulement "si 20% des salariés le demandent".
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
L'ancien directeur de cabinet de Dominique de Villepin prône également la généralisation d'une instance unique de représentation du personnel "fusionnant réellement les DP, le CE et le CHSCT". Cette instance pourrait négocier, au même titre qu'un délégué syndical, tous les accords collectifs. Cette instance ne serait dotée de prérogatives économiques qu'à partir de 250 salariés, au lieu de 50 actuellement (mais les salariés bénéficieraient des activités sociales et culturelles dès 10 salariés), et son fonctionnement serait assurée par un budget unique de 0,3% de la masse salariale, finançant à la fois les oeuvres sociales et culturelles et le budget de fonctionnement.
Fait-on observer au candidat que la simplification permise par la loi Rebsamen n'est guère appliquée dans les entreprises, Bruno Le Maire réplique : "Mais c'est parce qu'on n'est pas allé assez loin !" Bruno Le Maire associe ces changements à une réduction des moyens des élus du personnel : aucun ne pourra voir son mandat occuper plus de 20% de son temps ("soit 1 jour sur 5") et faire plus de 3 mandats successifs. N'est-ce pas contradictoire avec sa volonté d'élargir encore le champ des accords d'entreprise, notamment pour la fixation du temps de travail, son programme visant à abolir la durée légale de 35 heures ? Bruno Le Maire balaie l'argument : "Non, le syndicalisme doit rester un engagement au service des salariés qui ne doit pas se substituer à un minimum d'activité salariale" (*°).

Quant aux 35 heures, l'ancien ministre de l'Agriculture précise sa proposition : "Je ne souhaite pas inscrire dans la loi une autre durée légale car ce serait faire la même erreur que la gauche. Je pense qu'il faut supprimer cette durée légale et laisser le choix aux entreprises de la fixer. Mais je suis persuadé que beaucoup d'entreprises, qui se sont adaptées aux 35 heures, choisiront d'y rester". En l'absence d'accord sur le temps de travail, les heures supplémentaires continueraient d'être décomptées à partir de la 36ème heure, précise son programme (voir ici la partie sur les IRP ). Par ailleurs, le candidat souhaite, pour éviter un "blocage du pays", instaurer un préavis obligatoire de 5 jours calendaires avant tout arrêt de travail, y compris dans le privé, "afin de permettre aux parties de négocier et de favoriser ainsi le règlement des conflits du travail". Après 5 jours de grève, "la consultation des salariés, à bulletin secret, sur la poursuite du mouvement devra pouvoir être demandée".
Le député de l'Eure souhaite remplacer le compte pénibilité, qu'il qualifie "d'usine à gaz", par "une incitation à la prévention de la pénibilité". C'est un vrai problème, concède-t-il à propos de la pénibilité en confiant que ses discussions sur le sujet avec Laurent Berger, de la CFDT, ont modifié son point de vue. Concernant les accidents de travail et les risques psychosociaux, Bruno Le Maire souhaite généraliser "le système de responsabilité financière de l'employeur en matière de cotisation à la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la Sécurité sociale".
Pour déverrouiller le marché du travail, le candidat à la candidature propose un contrat à objet défini (COD) renouvelable jusqu'à 3 ans, chaque renouvellement donnant lieu à un renchérissement de la prime pour précarité. Pour les publics en difficulté, il avance l'idée "d'emploi rebond" dans le privé, 20 heures hebdomadaires rémunérées seulement 5€ de l'heure, mais pouvant se cumuler avec le RSA.

Par ailleurs, Bruno Le Maire propose rien moins que la suppression des OPCA (les organismes paritaires collecteurs). Sa réforme de la formation professionnelle passe par un nouveau renforcement du rôle des Régions et ferait de la caisse des dépôts le gestionnaire du fonds qui serait financé par une taxe unique sur la formation (1,118% de la masse salariale). Quant à la protection sociale, il souhaite que les salariés, qui bénéficient de la généralisation de la complémentaire santé depuis l'accord de sécurisation de l'emploi, aient tous le droit de quitter cette complémentaire pour en choisir une autre. Le candidat dit vouloir également imposer un plafonnement des indemnités prud'homales, auquel François Hollande a renoncé dans la loi Travail. Une réforme vouée à l'échec ? "La différence entre Hollande et moi, c'est que je ne prends personne en traître. J'annonce ce que je veux faire", coupe-t-il. Enfin, interrogé sur Alstom, le candidat à la primaire de droite se prononce pour un Etat plus stratège et juge que la participation de l'Etat dans le ferroviaire est justifiée, alors qu'il ne voit pas quel est le sens pour la puissance publique de rester actionnaire de Renault.
(*) Bruno Le Maire est l'un des sept candidats à la primaire qui doit désigner le candidat commun de la droite et du centre à l'élection présidentielle de 2017. Après l'invalidation hier de la candidature d'Hervé Mariton, sont donc candidats : Jean-François Copé, François Fillon, Alain Juppé, Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Le Maire, Jean-Frédéric Poisson et Nicolas Sarkozy. Cette primaire, dont le vote est prévu le 20 et 27 novembre, comportera au moins trois débats télévisés, le premier ayant lieu le jeudi 13 octobre.
(**) Cette réforme s'applique aussi à la classe politique. Bruno Le Maire envisage la tenue d'un référendum dès juin 2017 pour demander aux Français d'approuver la réduction du nombre de parlementaires, la limitation à trois le nombre de mandats dans le temps d'un parlementaire, d'obliger les hauts-fonctionnaires à démissionner lorsqu'ils deviennent parlementaires, etc.
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