Jean-Louis Borie, avocat du CE : "Il faut sauver GM&S, le deuxième employeur de la Creuse"

Jean-Louis Borie, avocat du CE : "Il faut sauver GM&S, le deuxième employeur de la Creuse"

17.05.2017

Représentants du personnel

L'avocat Jean-Louis Borie assiste le comité d'entreprise de GM&S un sous-traitant automobile de la Creuse dont les ouvriers se battent pour sauver l'usine. Il espère, à l'instar des salariés, que l'Etat fera pression sur les constructeurs pour sauver leur sous-traitant. Interview.

Vous êtes l'avocat du CE de la GM&S, une entreprise creusoise dont les 277 salariés se battent pour leur survie. Pouvez-vous nous expliquer la situation ?

Les actionnaires ont conduit les salariés de cette entreprise de la Souterraine (Creuse) dans une impasse. Le fonds du problème est qu'il s'agit d'un sous-traitant automobile, spécialisé dans l'emboutissage, sur lequel les constructeurs font la pluie et le beau temps sans assumer leurs responsabilités sociales. J'ai commencé à assister le CE en 2014 alors que l'entreprise s'appelait Actia groupe. A l'époque, après une cessation de paiements, Peugeot (60% du chiffre d'affaires) et Renault (30%) ont choisi le repreneur, Gianpiero Colla, qui a repris le site par le biais d'une holding, GM&S. Renault s'est engagé sur le maintien d'un volume de commandes et Peugeot sur un financement (4,2 millions d'euros) permettant la poursuite de l'activité. L'activité a donc continué, même s'il y a eu 30 licenciements. 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

Découvrir tous les contenus liés
Comment en est-on arrivé au dépôt de bilan ?

L'analyse que font les salariés et le comité d'entreprise est que Peugeot, à l'époque, était coincé : la Souterraine était le seul sous-traitant à fabriquer certaines pièces dont ils avaient besoin. Il fallait donc du temps à Peugeot pour augmenter la production de ces pièces sur un autre site afin de pouvoir diminuer ses commandes à GM&S. Et c'est ce qu'ils ont fait (*). Les salariés de GM&S s'en sont rendus compte quand ils ont commencé à recevoir des réclamations qualité pour des pièces qu'ils n'avaient pas fabriquées ! D'autre part, les salariés considèrent que le repreneur mis en place par les deux constructeurs n'a rien fait pour développer l'activité. Il a perdu des clients. Et à partir du moment où Peugeot a lâché GM&S, le dépôt de bilan, en décembre 2016, était inévitable.

Juridiquement, dans quelle régime se trouve l'entreprise ?

La période d'observation de l'entreprise dans le cadre de la procédure de sauvegarde se termine le 23 mai. Le risque c'est de se retrouver en liquidation judiciaire, l'AGS prenant le relais pour le paiement des salaires. Nous espérons donc que le tribunal de commerce de Poitiers (**) prolongera cette période. Il faut pour cela obtenir un financement et nous avons déjà eu bien du mal à financer la première période d'observation, heureusement que nous avons eu le soutien de la région Nouvelle Aquitaine. Il nous faut du temps pour trouver une solution.

Quel est le but de l'action spectaculaire des salariés, qui ont menacé de s'en prendre au site et qui ont découpé une machine ?

Il s'agit d'actions symboliques qui visent à attirer l'attention de l'opinion publique et des pouvoirs publics sur ce dossier. Il faut bien se rendre compte que GM&S est le deuxième employeur de la Creuse. Je veux bien que Monsieur Macron vienne ici dire aux ouvriers qu'il faut se reconvertir. Mais pour quoi faire ? Ouvrir des chambres d'hôtes pour touristes japonais ?!

En quoi consiste votre travail auprès du CE ?

Je les assiste devant le tribunal du commerce, je suis au quotidien en relation avec eux, je relaie leurs demandes. La CGT dit qu'il faudrait que les constructeurs montent au capital. C'est en effet facile pour un constructeur de se dégager de toute responsabilité sur la gestion des effectifs d'un prestataire au motif que ce dernier est indépendant. Sauf qu'il dépend de facto de ses commandes. Je crois que les salariés attendent de l'Etat qu'il fasse pression sur les constructeurs pour qu'ils sauvent l'entreprise. Si M. Macron dit à M. Tavares, le PDG de PSA, qu'il doit donner de l'activité au site de la Souterraine, M. Tavares le fera. Encore une fois, c'est un enjeu crucial pour la Creuse. Envisager, comme certains, de ne garder que 90 ou 100 salariés avec un simple atelier de production serait dramatique. Il faut trouver une solution pour conserver un site intégré, avec un bureau d'études, afin de pouvoir construire une diversification des activités.

 

(*) Le porte-parole de PSA soutient de son côté que le groupe a maintenu l'activité de son sous-traitant et que la chute d'activités de GM&S est du au départ d'autres clients, voir cet article du Populaire.fr

(**) Le tribunal de commerce le plus proche est Guéret. Mais depuis la loi Macron, lorsque le redressement judiciaire concerne une entreprise d'au moins 250 salariés et plus de 20 millions de chiffre d'affaires, l'affaire est confié à un tribunal de commerce plus important et spécialisé, en l'occurence Poitiers.

Bernard Domergue
Vous aimerez aussi