L’Adapei de Gironde fait sa révolution numérique

L’Adapei de Gironde fait sa révolution numérique

25.03.2016

Action sociale

Placer les nouvelles technologies au cœur de son projet associatif 2017-2022, tel est le défi que se lance l’Adapei de Gironde. Le chantier qui s’ouvre vise autant les pratiques professionnelles que le positionnement économique de l’association.

La « révolution » du numérique n’est pas un mot creux dans le champ social et médico-social. Pour la première fois de leur histoire, les travailleurs sociaux sont confrontés à un ensemble de technologies qui influencent leurs relations avec les usagers. Dans les services, la diffusion des objets connectés s’accompagne de nouvelles formes de médiations éducatives. L’habileté des personnes souffrant de déficiences intellectuelles à maîtriser ou non l’ordinateur brouille toutes les classifications traditionnelles du handicap. La réalité virtuelle ouvre sur des modes d’apprentissage inédits, tant auprès des professionnels que des usagers et des familles. C’est jusqu’à la façon de concevoir l’intervention sociale sur les territoires qui, en quelques années, s’est modifiée. Comment se pensent les usages du numérique dans des institutions et des services où prime la relation d’aide ? Quelles perspectives offrent-ils ? Avec cette nouvelle série « Le travail social à l’heure du numérique », TSA entend alimenter le débat.

 

Comme toutes les associations du médico-social, l’Adapei (association départementale de parents et d’amis des personnes handicapées mentales) de Gironde a vu grossir la vague des nouvelles technologies, en entrebâillant avec prudence la porte de ses 45 établissements et services. Aussi, l’ambition de placer l’innovation numérique au cœur de son projet associatif 2017-2022 s’apparente-t-elle à « une volonté de s’inscrire dans le monde réel », explique son directeur général, Emmanuel Devreese.

Cette future Adapei 2.0, présentée le 28 janvier dernier, lors d’une journée d’information qui a réuni l’essentiel des acteurs publics et privés de la recherche numérique de Gironde, promet de bouleverser bien des représentations jusqu’alors associées au monde du handicap. « La loi de 2005 est une loi d’inclusion des personnes handicapées dans la société, dit Emmanuel Devreese, et il est devenu évident que si on veut repousser les murs de nos institutions tout en continuant à protéger, les nouvelles technologies sont indispensables. »

En cours d’élaboration, le projet associatif déclinera ce principe en deux composantes inséparables. D’un côté, la recherche et l’appropriation des technologies numériques, posées comme « des outils facilitant le travail des professionnels et ouvrant le champ des possibles pour les personnes accompagnées ». De l’autre, le repositionnement de l’association, « avec cette conviction forte que les associations font partie des acteurs de la vie économique, et que le numérique nous permet d’avoir un langage commun avec les entreprises », indique le directeur général.

Adapter les technologies

Des groupes de travail ont été mis en place pour croiser les retours d’expérience des professionnels dans l’utilisation des outils numériques. « Les possibilités ouvertes sont immenses, s’enthousiasme Nicolas Mazoin, ingénieur développement à l’Adapei de Gironde et animateur des groupes de travail. À l’image d’applications sur tablette qui autorisent de nouveaux modes d’apprentissage auprès des personnes autistes ou souffrant de déficience intellectuelle. Ou encore des objets connectés, tels que des bracelets capables de prévenir une crise d’épilepsie ou des ceintures qui détectent les premiers signes d’une incontinence. C’est une révolution pour le médico-social ! »

Un rapprochement avec les milieux industriels et scientifiques va être nécessaire afin d’accorder ces nouveaux dispositifs, souvent pensés pour le milieu ordinaire, aux exigences des établissements. C’est le cas avec le robot NAO, devenu une star de la médiation auprès des jeunes autistes. Des élèves ingénieurs de l’école professionnelle supérieure d’informatique (EPSI) de Bordeaux vont plancher avec des équipes de professionnels sur son adaptation aux enfants lourdement handicapés des maisons d’accueil spécialisées. « Nous pensons en effet que, sur un public très médicalisé, Nao peut rendre des services encore plus intéressants que ceux qu’il produit sur les enfants autistes », assure Nicolas Mazon.

Une start-up dans les cartons

L’Adapei réfléchit également à un logiciel destiné à prévenir les ruptures conventionnelles entre les travailleurs en situation de handicap mental ou psychique et leur employeur. L’idée : détecter les signaux de stress ressentis sur le lieu de travail avant qu’ils ne tournent à la crise. Pour cela, la personne sera invitée à s’impliquer dans un serious game deux fois par semaine. Toute l’ingéniosité du système vient du fait que l’avatar du joueur est défini par la réponse à une courte série de questions, dont le croisement autorise une interprétation des éventuelles difficultés rencontrées. Le développement du logiciel sera confié à une start-up en cours de création. « La propriété intellectuelle de l’outil relèvera de l’Adapei, et la propriété logicielle de la start-up. L’un possède l’expertise métier, l’autre l’expertise du développement, aussi cette union a priori improbable peut se révéler très bénéfique pour les personnes accompagnées », explique Christophe Lécuyer, directeur de l’insertion de l’Adapei.

Un virage inéluctable

Pour Céline Defresne, directrice d’un institut médico-éducatif qui expérimente depuis 2014 les modes d’apprentissage introduits par les tablettes digitales, le virage pris par l’Adapei était inéluctable. « L’ère du numérique pour ces publics n’en est qu’à ses prémices, mais il démontre déjà des effets positifs. Les professionnels doivent s’y préparer, et cela d’autant plus que les jeunes naissent aujourd’hui dans un environnement investi par les ordinateurs et les tablettes. »

Reste que le financement d’un tel projet suppose un changement de posture assez radical. En effet, pour mener à terme ses développements technologiques, l’Adapei va devoir composer à grande échelle avec de nouveaux partenaires tournés vers le soutien à l’innovation : conseil régional, Direccte, entreprises, mécénat, fonds européens… Une perspective qui n’inquiète pas outre mesure Emmanuel Devreese. « Nos associations ont besoin d’entreprendre l’hybridation des ressources afin d’être moins dépendantes des tutelles traditionnelles. Si nous sommes clairs sur nos ambitions, nous trouverons les fonds », résume-t-il.

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