Trois syndicats (CFDT, CFTC, CFE-CGC) ont signé avec la direction de la Matmut un accord prévoyant un CSE unique pour cet assureur qui compte 6 200 salariés en France. Au grand dam de FO, le texte expérimente un référentiel de compétences acquises par les élus et mandatés durant l'exercice de leur mandat.
La CFDT, le SN2A-CFTC et la CFE-CGC ont signé avec la direction de la Matmut, le 11 octobre, un accord sur le futur CSE de l'assureur (qui compte 6 200 salariés), en vue des élections professionnelles des 12 et 21 novembre (lire ci-dessous en pièce jointe). La CGT et FO ont refusé de signer un accord trop peu favorable à leurs yeux (lire notre encadré ci-dessous).
L'instance disposera d'une contribution de 0,22% de la masse salariale pour le budget de fonctionnement et d'une contribution de 2,10% pour les activités sociales et culturelles (*). Le texte, qui est valable jusqu'au 31 décembre 2023, prévoit un CSE unique composé de 29 titulaires, soit le plancher légal. Mais plusieurs titulaires (secrétaire, secrétaire adjoint, trésorier, par ex) seront détachés à temps complet, les syndicats représentatifs disposant par ailleurs d'une enveloppe globale de 1 000 heures par an.

Les membres suppléants seront eux représentants de proximité. Il est à noter que 70 RP sont prévus par l'accord, les postes restants après la désignation des membres suppléants étant pourvus par les organisations syndicales pour moitié entre toutes les OS, pour moitié en fonction de leur représentativité). "Il fallait imaginer une organisation qui fonctionne. Nous avons fait le choix d'avoir plutôt des moyens pour professionnaliser les élus plutôt que davantage d'élus", résume Florence Le Masson, déléguée syndicale CFTC.
Les crédits d'heures sont les suivants :
Une réunion annuelle associant tous les membres, titulaires comme suppléant, est prévue au cours du premier trimestre de chaque année, "afin de partager les éléments significatifs de la stratégie économique et sociale de l'entreprise".

Pour favoriser "la montée en compétences des membres élus suppléants", les syndicats ont aussi obtenu de pouvoir inviter à chaque réunion un membre élu suppléant par OS. "C'était notre cheval de bataille dès le départ. Si on veut que les salariés s'intéressent au dialogue social, il faut les former et les initier. Nous envisageons de faire tourner ce droit afin de former les différents suppléants", nous explique Frédéric Poichet, de la CFE-CGC.
Un plan de travail annuel est également fixé dans l'accord précisant le calendrier des réunions récurrentes du CSE et des commissions, sachant que la consultation sur les orientations stratégiques aura lieu tous les 3 ans, l'entreprise prenant en charge 90% du coût de l'expertise.
A noter, clause assez étonnante, que le CSE devra se prononcer "en début de mandature et pour la durée de la mandature sur le nom de l'expert-comptable qu'il pourra désigner au titre de chacune des consultations" . Commentaire de Florence Le Masson, déléguée syndicale CFTC : "C'est ce que nous faisions déjà, nous continuons".
Six commissions du CSE sont créées par l'accord :
- commission santé, sécurité, conditions de travail et qualité de vie au travail (CSSCT-QVT) qui compte 5 élus titulaires et 7 suppléants;
- commission stratégie et économie;
- commission prospective métiers compétences digital. "C'est primordial. Les métiers dans l'assurance sont en pleine évolution", observe Christine Masson (CFTC);
- commission des marchés;
- commission activités sociales et culturelles;
- commission considération professionnelle et reconnaissance sociale. Un intitulé étonnant que le délégué syndical CFE-CGC explique ainsi : "Il faut valoriser les parcours syndicaux et dédiaboliser les élus et délégués vis à vis des lignes managériales. Il est question de travailler dans cette commission sur l'idée de formations communes managers-élus-DS".
La présidence de ces commissions est prévue ainsi :
Le texte prévoit également un dispositif de reconnaissance et de valorisation des missions et des compétences des représentants du personnel avec la mise en place d'entretiens tout au long du mandat et une "école du dialogue social au sein de l'académie Matmut". Cette école dispensera des formations relatives au fonctionnement des institutions sociales de l'entreprise, au cadre juridique et contractuel du dialogue social dans l'entreprise, mais aussi des formations thématiques portant "sur les questions économiques des membres titulaires et suppléants du CSE, à la formation initiale des représentants de proximité" ou encore à "la connaissance des nouvelles technologues, aux approches économiques des organisations et aux politiques de l'emploi". Les élus dont la rémunération comporte une part variable liée à des objectifs professionnels, précise l'accord, devront voir ces objectifs "adaptés afin de tenir compte afin de tenir compte du temps disponible au poste de travail".
Enfin, syndicats signataires et direction vont expérimenter un référentiel de compétences spécifique (voir annexe 3 de l'accord, page 85 et suivantes) imaginé par un groupe de travail paritaire (syndicats représentatifs, représentants du personnel, représentants de la DRH et le cabinet conseil Itaque RH qui sont des intervenants de Dauphine). Cet outil vise à identifier les compétences acquises dans le cadre du mandat de représentant du personnel et/ou mandataire syndical, ce qui explique la présence dans la grille des anciens mandats correspondant au CE, CHSCT et DPt (à ce sujet, lire notre article sur l'arrêt de la Cour de cassation).

"C'est une co-construction entre plusieurs OS et la direction. Nous avons essayé de faire un mix entre les compétences métiers et les compétences liées aux mandats. C'est vrai que nous ne parlons pas encore des compétences de l'élu CSE, mais c'est un outil amené à évoluer. Nous devons nous revoir chaque année pour faire évoluer l'accord", nous précise Frédéric Poichet, de la CFE-CGC. "Il fallait d'abord lister les compétences acquises en vue des entretiens de fin de mandat. Cela facilitera le travail sur les compétences de l'élu CSE", renchérit Florence Le Masson, de la CFTC.
L'outil est censé permettre :
- "d'identifier les connaissances, savoir-être et savoir faire mobilisés dans le cadre des mandats détenus;
- d'orienter la réflexion concernant la poursuite du parcours professionnel (accompagnement au poste, mobilité fonctionnelle et/ou géographique ou reconversion professionnelle, mobilité externe sécurisée,..)".
Ces compétences seront appréciées par niveau (4 niveaux, avec des exemples de réalisation) dans différents champs :
- techniques (rédiger des textes, maîtriser la communication écrite, assurer le suivi des décisions, etc.);
- comportementaux et relationnels ("maîtriser l'écoute active et la sociologie compréhensive", "savoir animer une délégation", "être capable de maîtrise de soi et de prise de recul", etc.);
- organisationnels ("savoir construire ou expertiser un projet socio-économique", "savoir travailler en mode complexe et multi-mandats", "construire des comparaisons et benchmarks", etc.).
Le cadre d'évaluation change selon les mandats avec des compétences particulières identifiées pour :
- le délégué syndical ("savoir représenter son organisation syndicale auprès de la direction", "savoir manager une équipe", "savoir piloter un projet social d'entreprise", etc.),
- le délégué du personnel ("savoir poser une question en instance", "savoir présenter un dossier individuel", etc.);
- le membre du CE ("connaître le situation économique et sociale de son entreprise et de son établissement", "conseiller et orienter les salariés au plan juridique", "identifier et proposer des activités socioculturelles pour les salariés", etc.);
- le membre du CHSCT ("connaître les dispositions légales et réglementaires relatives aux questions HSCT", "développer des modes de prévention utiles", "conduite une visite d'évaluation de risques professionnels", etc.);
- le secrétaire du CE ("assurer le bon fonctionnement de l'instance", "savoir rédiger des procès-verbaux", "animer le bureau du CE", "savoir représenter le CE comme personne morale", etc.);
- le secrétaire du CHSCT ("maîtriser les plans annuels de sécurité, les programme de prévention", "assurer les relations avec le CE", etc.);
- le trésorier du CE ("élaborer et suivre des prévisionnels de frais généraux" par ex.).
Un retour d'expérience "sur l'appropriation du référentiel de compétences en particulier lors des entretiens de fin de mandat" sera réalisé au cours du premier semestre 2020, en vue d'apporter des correctifs éventuels et inscrire la démarche dans le cadre de la négociation collective sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP). Par ailleurs, la Matmut reconduit, avec une seconde promotion prévue à l'automne 2021 (il n'y a eu que 10 personnes lors de la première promo), la certification relations sociales mise en place cette année par l'université Paris Dauphine, cette certification étant ouverte à tous les salariés exerçant une mission de représentation du personnel. "La nouvelle instance du CSE demande une professionnalisation des élus et des délégués. Cette formation serait une façon de professionnaliser l'élu. Mais on ne sait pas encore combien seront intéressés", commente Florence Le Masson, pour la CFTC.
(*) Au sein de la Matmut, FO représente environ 23% des voix, la CFDT 21%, la CFTC 20%, la CFE-CGC 13,8% et la CGT 10,8%.
Pour FO, ce n'est pas à l'employeur d'évaluer
les pratiques des élus et délégués
|
L'accord sur le CSE de la Matmut est certes "innovant", mais "trop peu favorable aux élus", estime Elisabeth Perez, la DSC de FO. Le syndicat juge trop faible le nombre d'élus : "Nous demandions 32 titulaires, il n'y a que le minimum légal. Et nous n'avons que 70 représentants de proximité, contre 122 dans l'accord de la MAIF". La déléguée syndicale centrale considère en outre que la présidence parfois tournante des commissions (employeur-élu) signe la volonté de la direction "de mettre le CSE à son service". Enfin, parce que "ce n'est pas à l'employeur d'évaluer les pratiques des élus et des délégués", FO s'inscrit en faux contre le principe même d'un référentiel de compétences élaboré avec l'employeur, le syndicat refusant de bénéficier des formations prévues avec l'université Dauphine. |
Pour en savoir plus...
|
► Voir l'annexe 3 de l'accord Matmut sur le ► Voir ► Au sujet des compétences de l'élu du CSE, voir notre infographie |
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.