L'ADF veut mobiliser pour la survie des départements

L'ADF veut mobiliser pour la survie des départements

15.09.2016

Action sociale

L'Assemblée des départements de France lance une grande campagne de mobilisation autour de l'avenir des départements qui serait menacé par la montée des charges et la baisse des dotations d'Etat. Parallèlement, l'ADF demande au moins 300 millions d'euros pour "sauver" 40 départements en danger. La gauche de l'ADF ne s'associe pas à cette campagne.

Jusqu'au bout, les départements auront été le caillou dans la chaussure des gouvernements de la présidence Hollande. Du temps où l'Assemblée des départements de France (ADF) était à majorité de gauche, sous la présidence de Claudy Lebreton, elle avait engagé un bras-de-fer pour que l'Etat reconnaisse sa dette envers les départements. Un fonds de 170 millions d'euros avait été ainsi obtenu après d'âpres négociations. Après son changement de majorité en 2015, l'ADF avait mis la pression sur le gouvernement pour aller vers la voie d'une recentralisation du RSA, la principale charge pour les départements. Finalement, en juin dernier, après des semaines de discussions avec le gouvernement et au sein même de l'ADF, cette voie était abandonnée, chacune des parties se renvoyant la responsabilité de cet échec.

Dotations baissées d'un tiers en 4 ans

Dernier (?) épisode de ce quinquennat : l'ADF lance dans la semaine du 19 au 24 septembre une grande campagne de mobilisation pour défendre les départements. L'argumentation de l'ADF est bien connue d'autant qu'elle est étayée par les rapports de l'Odas, notamment celui de 2016 : "L'Etat baisse de façon unilatérale et régulière les dotations des départements (- 32 % en 4 ans), tout en augmentant les coûts et dépenses obligatoires qu'ils supportent pour assurer les missions qui leur sont confiées par la loi (55 milliards d'euros financés par les départements en 10 ans)."

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"Demain, les départements ne pourront plus payer le RSA"

Pour ce faire, l'organisation présidée par Dominique Bussereau a élaboré six affiches qui expliquent quelles pourraient être les conséquences d'une disparition ou d'un affaiblissement des départements en matière de services de proximité. Le slogan est volontairement alarmiste : par exemple, l'une des affiches (voir visuel) proclame "Demain, les départements ne pourront plus payer le RSA" ; une autre explique que "Demain, les départements ne pourront plus lui [la personne âgée] assurer une aide à domicile pour son quotidien".

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"Une France à deux vitesses"

Ce mercredi 14 septembre, cinq présidents de conseils départementaux, tous masculins et de droite, ont présenté cette campagne qui est, semble-t-il, sans précédent dans sa forme de la part des départements. Aux côtés du président Bussereau, Richard Huré (Ardenne), patron du groupe de droite à l'ADF, tire le signal d'alarme : "La baisse des dotations se fait selon un calcul totalement injuste. Même chose pour le reste à charge des différentes allocations qui va de 42 euros à 240 euros par habitant. On accélère la France à deux vitesses. Cela créé un sentiment d'abandon dans le pays qui favorise toutes les incertitudes et les aventures." En arrière plan, il y a évidemment la montée du FN qui, depuis quelques scrutins, fait une percée remarquée dans les espaces ruraux en grande difficulté.

Marche sur Matignon le 21 septembre

Dans cette mobilisation, les départements de la grande couronne parisienne (Essonne, Val d'Oise, Yvelines et Seine-et-Marne), réunis dans un collectif sont aux avants-postes. Le 21 septembre, les élus (de droite) de ces conseils départementaux marcheront vers Matignon pour, selon l'expression de François Durovray (Essonne) "remettre la facture de ce que nous doit l'Etat." Ce dernier se dit choqué par l'annonce du gouvernement d'une baisse sur l'impôt sur le revenu d'un milliard d'euros en 2017. "Ce sont les départements, entre autres, qui financent ce geste et qui doivent augmenter leur fiscalité locale", déplore le président du CD de l'Essonne.

La gauche et une partie de la droite ne participent pas

Cette campagne devrait être suivie par une cinquantaine de départements qui auront toute liberté pour prendre les initiatives les plus diverses : session extraordinaire, journées porte-ouverte, interventions dans la presse quotidienne régionale... On remarquera qu'une bonne dizaine de départements à majorité de droite ne se sont pas associés à cet événement, sans doute parce que la tonalité très alarmiste, voire négative, de la campagne ne leur plaît pas.

Sans grande surprise, aucun département à majorité de gauche ne participe à celle-ci. "Il est tout de même un peu curieux de tout mettre sur le dos du gouvernement actuel, précise André Viola (Aude), le président du groupe de gauche qui réunit 33 départements. Il ne faut pas oublier que les difficultés des départements ont démarré avec le transfert de certaines compétences en 2004 sous Jean-Pierre Raffarin." La minorité de gauche n'a toujours pas digéré l'abandon de la recentralisation du RSA. "Par posture politique, une majorité de départements de droite a refusé tout compromis. Ils ont ainsi fragilisé l'avenir des départements, préférant laisser perdurer l'injustice, quitte à laisser glisser certains territoires vers la faillite", explique-t-elle dans un communiqué.

Un congrès "sportif" début octobre ?

A sept mois de la présidentielle et à deux mois de la primaire de droite, le climat se tend aussi bien au sein de l'ADF que dans les relations avec le pouvoir. Dominique Bussereau promet un congrès de l'ADF "sportif", début octobre, si le Président de la République ne se déplace pas au Futuroscope. Personne n'a oublié que celui-ci s'était rendu en juin au congrès des maires où il avait annoncé une baisse des dotations réduite d'un milliard d'euros par rapport à ce qui avait été annoncé. L'ADF veut obtenir de l'Etat un fonds doté au minimum de 300 millions d'euros pour venir en aide aux quarante départements qui auront du mal à boucler leur année.

Les allocataires du RSA contraints de s'inscrire à Pôle emploi ?

Et si l'Etat fait la sourde oreille, les départements (de droite) annoncent que des rétorsions sont envisagées. Sur le plan social, ils pourraient, à l'instar de ce qui se fait dans le Nord, conditionner le versement du RSA à l'inscription des allocataires à Pôle emploi qui concerne actuellement moins de la moitié d'entre eux. Une mesure qui ferait automatiquement grimper les chiffres du chômage, ce qui ne plairait pas beaucoup au pouvoir actuel...

La droite de l'ADF très divisée

Le congrès de l'ADF sera également l'occasion de discuter une plate-forme de revendications dans la perspective des élections de 2017. La gauche a déjà annoncé qu'elle souhaite "aboutir à une allocation de solidarité unique et universelle fusionnant les minima sociaux", dans l'esprit du rapport Sirugue d'avril dernier. il est très peu probable que la droite reprenne cette proposition alors qu'elle est, en son sein, assez divisée entre ceux qui sont attachés à des mécanismes de solidarité nationale et ceux qui souhaitent départementaliser les politiques sociales (par exemple en conditionnant le versement du RSA voire en modulant son niveau).

Autant de divisions internes et d'incertitudes sur l'avenir qui ne devraient pas rassurer sur la pérennité des départements. Ceux-ci ont sauvé leur peau une première fois en 2014/2015 (lire notre dossier). Mais après la présidentielle, la tentation de simplifier le paysage institutionnel pourrait de nouveau saisir le pouvoir central. L'histoire ne repasse pas (toujours) les plats...

Noël Bouttier
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