15.11.2018
Action sociale
A quelques jours de la semaine pour l'emploi des personnes handicapées, l'APF France handicap a exposé les outils qu'elle souhaite mobiliser contre le chômage, encore massif, des travailleurs handicapés. Elle compte notamment sur la convention créant des CDD tremplin dans les entreprises adaptées pour sortir de la spirale du chômage et de l'exclusion.
"Chaque année, je vous dis à peu près la même chose." Pour démarrer la conférence de l'APF France handicap sur les questions d'emploi, son président Alain Rochon ne cache pas un peu de lassitude face à une situation qui s'enkyste. Les données du problème sont (malheureusement) bien connues de tous.
Une courbe du chômage en perpétuelle progression (on atteint aujourd'hui les 514 000 personnes handicapées en recherche d'emploi). Un taux de chômage deux fois supérieur à celui des personnes valides. Des discriminations liées au handicap (notamment dans l'accès à l'emploi ) qui explosent et sont désormais la première source de plaintes recueillies par le Défenseur des droits. Des femmes handicapées qui sont encore plus exposées aux discriminations dans l'emploi : 43 % des femmes les ont connues selon le 11e baromètre de la perception des discriminations dans l'emploi (1). Des travailleurs handicapés moins qualifiés et moins formés (un tiers a un niveau au moins égal au bac contre la moitié des travailleurs valides). Etc, etc.
L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.
Face à ce constat désolant, que faut-il faire ? Baisser les bras dans un élan de fatalisme ? Pas vraiment le genre de la maison ! Alors l'APF France handicap entend activer tous les outils qui sont à sa disposition pour amorcer une logique vertueuse. Pour l'instant, elle se dit très réservée sur l'attitude du gouvernement (lire l'interview de Patrice Tripoteau). "Celui-ci exprime soit de l'angélisme par rapport à la situation, soit un manque de volonté politique", analyse Alain Rochon. Sur la réforme de l'obligation d'emploi des personnes handicapées (OETH), il regrette qu'elle a donné lieu à "beaucoup de cafouillage", même si au final l'APF a obtenu notamment le maintien de l'obligation de 6 % de travailleurs handicapés. "En trente ans, on a fait la moitié du chemin", dénonce le président (2).
Morceaux choisis d'un texte aux multiples facettes
Un ministre, ou plutôt une ministre, tire son épingle du jeu aux yeux de l'organisation : il s'agit de Muriel Pénicaud, la ministre du travail. Le président de APF France handicap raconte comment la mobilisation des organisations a permis de réorienter les projets de l'Etat qui, au départ, ne voulait plus miser sur les entreprises adaptées. "Au final, après une vraie négociation avec le cabinet de Muriel Pénicaud, raconte Alain Rochon, nous avons abouti à la convention du 12 juillet 2018 qui reconnaît que les entreprises adaptées sont utiles et peuvent servir de tremplin vers l'emploi." Concrètement, ces dernières ont la possibilité de recruter 40 000 emplois nouveaux, sous le statut expérimental du CDD Tremplin.
L'APF ne souhaite pas se reposer sur ses lauriers d'avoir arraché, avec l'Union nationale des entreprises adaptées (Unea) et l'Unapei, ce nouvel élan pour les entreprises adaptées. "On s'est engagé à partir d'un postulat plutôt négatif pour inventer un nouveau modèle", assure Proper Teboul, le directeur général de l'association. Il explique qu'à son niveau, l'APF France handicap va multiplier par deux le nombre de ses emplois dans les 24 entreprises adaptées qu'elle dirige. L'effectif devrait donc passer de 2 500 à 5 000. Mais il ne suffit pas d'embaucher de nouveaux travailleurs handicapés ; encore faut-il imaginer dès le début une embauche par les entreprises classiques.
Pour ce faire, l'APF a conclu des partenariats sur le volet formation. L'école Simplon va ainsi former des salariés au numérique, par exemple sur la conception assistée par ordinateur. Pour l'association, il faut rendre plus attractives les entreprises adaptées. Serge Widawski, le directeur d'APF Entreprises, regrette que trop peu de titulaires du bac se tournent vers ces entreprises. Le CDD Tremplin est conçu notamment pour toucher ce public.
D'autres leviers sont activés par l'association. Elle a décidé d'adhérer à Territoires zéro chômeur de longue durée, après avoir constaté sur les dix territoires d'expérimentation que 30 % des salariés étaient porteurs d'un handicap. D'autre part, une convention a été signée avec Pôle emploi pour, entre autres, faciliter l'insertion des personnes handicapées dans les entreprises et renforcer la coopération avec les Esat et les entreprises adaptées. Avec l'Agefiph, le partenariat a été renouvelé permettant notamment de professionnaliser les 250 correspondants emploi de l'association.
"Il faut aller vite, on ne peut plus attendre", assure Alain Rochon. L'APF France handicap est décidée à mobiliser l'ensemble des outils pour inverser la courbe du chômage. Pour qu'en 2019, son président ne puisse plus dire que les réalités de l'emploi sont toujours aussi négatives...
(1) Le thème des femmes a été retenu pour l'édition 2018 de la semaine pour l'emploi des personnes handicapées (voir le programme).
(2) Dans le privé, le taux d'emploi des travailleurs handicapés est de 3,4 %.
Un catalogue de mesures en faveur de la prise en charge de la perte d'autonomie
Saisi par la Cour de cassation de trois questions prioritaires de constitutionnalité concernant l’exclusion des étrangers en situation irrégulière du bénéfice de l’aide juridictionnelle, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions législatives concernées contraires à la Constitution.
