L'ESS fait des émules chez les ��tudiants de grandes écoles

L'ESS fait des émules chez les ��tudiants de grandes écoles

13.10.2017

Action sociale

Ils sont formés aux business plan et à la finance internationale. Pourtant, de plus en plus d'étudiants des grandes écoles de commerce sont intéressés par un emploi dans l'économie sociale et solidaire. Celle-ci cherche aussi à diversifier ses compétences. La rencontre entre ces deux univers fort différents peut-elle se produire ?

L'information a tellement surpris qu'elle a suscité un grand article dans Les Echos, la "bible" de l'économie mondialisée. Sous le titre "Faire carrière dans l’ESS : effet de mode ou tendance de fond ?", le quotidien analyse le résultat de la dernière étude du NewGen Talent Centre de l'Edhec auprès de 1 275 étudiants préparant les concours des écoles en management. Il apparaît que le secteur des "ONG, de l'administration publique et de l'économie sociale et solidaire (ESS)" arrive en 3e position des souhaits de carrière de ces jeunes (et en première place chez les femmes).

L'ESS derrière la voie royale

Avec 23 % des voix, ce secteur se place derrière la voie royale (finance, banque et assurance) qui compte 32 % des faveurs et à un cheveu du secteur des cabinets de conseil (24 %), mais devant les médias, l'édition et la culture (22 %) et la communication, publicité (20 %). Ce classement est d'autant plus remarquable qu'en 2014, l'ESS ne recueillait que 14 % des suffrages auprès des étudiants.

Action sociale

L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

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Comment s'explique cette percée ? La directrice du centre de l'Edhec a son interprétation : "A force d'entendre qu'il pouvait y a voir de supers carrières dans ce secteur, ils [les étudiants] l'ont intégré ! L'ESS a complètement perdu son image de secteur un peu marginal pour les baba-cools". L'article des Echos va un peu plus loin. "L'ESS répond aux aspirations profondes des nouvelles générations. S'il y a bien un marqueur générationnel fort à retenir, c'est la quête de sens et d'utilité qui anime les projections personnelles et professionnelles de toute une population."

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Morceaux choisis d'un texte aux multiples facettes

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Recherche de sens, d'impact et d'indépendance
En clair, l'ESS serait en phase avec le souhait d'une économie plus vertueuse, qui met en pratique certaines valeurs d'une économie humaniste, tout en adoptant les codes de la modernité. Ce que traduit ainsi Mathieu Dardaillon, cofondateur de Ticket for change qui accompagne des entrepreneurs sociaux : "Les jeunes (plutôt favorisés) sont en recherche de sens, d'impact et d'indépendance. Savoir pourquoi on fait telle action, apporter une contribution décisive et la quête de liberté sont des dimensions structurantes de l'ESS et elles correspondent précisément aux attentes des nouvelles générations".
Des métiers qui donnent du sens
Sébastien Darrigrand, le délégué général de l'Union des employeurs de l'ESS (Udes), n'est pas surpris par cette progression de l'audience de l'ESS chez les jeunes. "Il y a chez eux, nous explique-t-il, une appétence pour les métiers qui valorisent l'humain et donnent du sens. On retrouve également une volonté d'articuler vie professionnelle et vie personnelle avec une recherche d'un management plus doux."
Coopérations sur le terrain
Le secteur a besoin et aura de plus en plus besoin de nouvelles compétences (gestion, finances, partenariat, etc.) d'autant que les départs à la retraite vont être nombreux dans les années à venir. Le secteur associatif devra être plus inventif pour diversifier ses financements. Sur le terrain, des coopérations nouvelles s'inventent autour des Pôles territoriaux de coopération économique (PCTE) qui rassemblent des acteurs de statut différent (entreprises, associations, collectivités) sur des projets économiques (recyclage, économie circulaire...). Ces PCTE peuvent être animés, estime Sébastien Darrigrand, par des étudiants issus, par exemple, des écoles de commerce.
La question épineuse des rémunérations
L'un des freins à l'arrivée de ces profils très diplômés pourrait être d'ordre financier. D'autant que dans le secteur associatif, le nombre de structures de moins de 20 salariés est largement dominant. Pour autant, il existe de nombreuses entités qui, par leur taille et leur type d'activités, peuvent proposer des rémunérations proches du secteur privé hors ESS. "En fait, explique Sébastien Darrigrand, la question des rémunérations dépend vraiment de la taille de l'entreprise comme dans le reste de l'économie. Pour l'équivalent des très petites entreprises (TPE), on pourra difficilement dépasser l'enveloppe pour un poste important de 35 000 à 40 000 euros annuels alors que dans des grandes structures, il est possible d'approcher les 100 000 euros." 
Marcher sur les deux jambes
Mais l'ADN de l'ESS ne risque-t-il pas d'être mis à mal par cette arrivée de financiers aux dents longues ? Non, si un certain équilibre est maintenu, estime le délégué général de l'Udes. "Il faut un mixte vertueux entre des professionnels capables de faire évoluer le système et des militants qui défendent le projet associatif." En quelque sorte, marcher sur les deux jambes de l'innovation et de l'identité.
 
Sur les évolutions du profil des responsables des structures médico-sociales, lire notre dossier de septembre 2017 "Les nouveaux directeurs, génération managers".
 
 
3 questions à...
Nicolas Hazard, président du Comptoir de l'innovation* : "L’entrepreneuriat et l’intérêt général ne sont pas opposés"
 

1/ Les étudiants des grandes écoles placent l’ESS en 3e position de leurs souhaits de travail. Comment s’explique cette progression très forte ?

Ce phénomène est dû à deux facteurs. Le premier est que cette nouvelle génération qui arrive a grandi dans un monde de crises permanentes : économique, sociale, écologique. Frappée par la précarité, le chômage de masse, rêveuse mais en même temps réaliste, moins idéologique et plus pragmatique que les générations précédentes, elle souhaite intrinsèquement agir directement sur les questions sociales et environnementales, et voit l’entrepreneuriat social et l’ESS comme le moyen par excellence de répondre aux défis majeurs de notre temps, en combinant création de valeur économique et création de valeur sociale et environnementale positive.

Le deuxième facteur est que l’ESS s’est faite une place au soleil. Elle est désormais reconnue par une loi en France, ce qui a objectivement braqué les projecteurs sur elle. Et par ailleurs, cette nouvelle génération « Erasmus », qui voyage, qui est internationale, se rend compte que l’ESS est universelle, et existe partout.

 

2/ Ces étudiants ont-ils une vision assez claire de ce qu’est exactement l’ESS ?

Je ne sais pas s’ils en ont une vision claire mais ce qui compte, c’est qu’ils se soient approprié une notion fondamentale : l’entrepreneuriat et l’intérêt général ne sont pas opposés, comme on l’a trop souvent fait au 20e siècle, mais peuvent fonctionner ensemble. Cette nouvelle génération a compris que l’ESS permettait quelque chose d’extraordinaire : combiner l’aventure entrepreneuriale et tout ce qu’elle a de plus enthousiasmant, avec le souci des autres, le partage des richesses et la recherche de l’impact social et environnemental maximal.

Bien sûr, l’ESS est encore trop peu enseignée, notamment au collège et au lycée, et la révolution se fait une fois n’est pas coutume par le haut : plus aucune grande école ou université ne passe aujourd'hui à côté du sujet. HEC, l’Essec, l’ESCP, Dauphine… toutes ces prestigieuses institutions académiques ont désormais des chaires ou des cursus dédiés.

 

3/ N’y a-t-il pas un risque de perte d’âme de l’ESS ?

Je ne vois pas en quoi l’arrivée d’une nouvelle génération de talents et d’entrepreneurs dans l’ESS serait dangereuse pour elle, au contraire ! Je pense que ces jeunes vont permettre à l’ESS de « polliniser » des secteurs d’activités entiers et d’en conquérir d’autres, notamment ceux liés aux nouvelles technologies… L’ESS a beaucoup d’innovations à faire valoir. Au final, ce que l’on souhaite, c’est que l’ESS, ses valeurs, ses principes et surtout sa capacité à répondre aux grands problèmes de notre temps, tout en créant de la richesse et de l’emploi, devienne non plus l’exception, mais bien la norme, et inspire les acteurs de l’économie traditionnelle.

 

* Le Comptoir de l'innovation est la filiale d'investissement et de conseil du groupe SOS.

Noël Bouttier
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