L'Uniopss veut apprendre à dire non

L'Uniopss veut apprendre à dire non

04.04.2016

Action sociale

Face à des pouvoirs publics en panne d'idées et des associations fragilisées par la mise en concurrence, le congrès de l'Uniopss a affirmé la nécessité d'être plus offensif et de pouvoir tenir tête aux politiques. L'organisation veut également demander à chacun des établissements de son réseau de parrainer une association sans salarié pour les aider à se développer.

Pour le deuxième jour du 32e congrès de l'Uniopss, le 31 mars, le ton était à l'offensive (lire l'article sur la première journée). Deux temps forts ont traduit cette volonté de réagir face aux menaces qui s'accumulent sur la route des associations du secteur social, sanitaire et médico-social. Le matin, lors de la table-ronde consacrée à l'accompagnement et la citoyenneté, le sociologue Jean-Louis Laville a reçu une véritable ovation lorsqu'il s'est exclamé : "Les associations doivent apprendre à dire non". L'auteur de Associations et action publique (éd. Desclée de Brouwer) avait montré comment les pouvoirs publics cherchent à faire entrer le monde associatif sous les fourches caudines de l'entreprise privée, avec notamment la généralisation des appels à projets.

Concurrence absurde

Dans l'après-midi, au moment des conclusions, le directeur général et le président de l'Uniopss ont chacun repris cette antienne. Benoit Ménard, le DG, a ainsi expliqué que l'Uniopss devait "assumer son rôle d'acteur majeur" et, à ce titre, "s'opposer à certaines évolutions". Dans la foulée, Patrick Doutreligne, le président, a jugé que "la concurrence absolue entre associations est absurde". Pour illustrer cette volonté de résister à ceux qui ne reconnaissent pas le rôle majeur des associations, il a pris comme exemple la bataille de l'Essonne où un collectif interfédéral s'oppose depuis le début de l'année à la volonté du conseil départemental d'étaler le paiement de la dette sociale.

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Mais pour avoir une chance d'être entendu et respecté, l'Uniopss va devoir garantir l'unité de tout le secteur associatif. Et ce n'est pas une mince affaire. Toujours sur le dossier essonnien, devenu emblématique, Patrick Doutreligne a regretté le cavalier seul de certaines organisations (il ne les a pas citées, mais tout le monde a reconnu la Fehap, le Syneas et la Fegapei) qui préfèrent négocier directement avec le CD. Dans ces temps marqués par la mise en concurrence et le rétrécissement des moyens, l'unité des associations - et donc la force de l'Uniopss - n'est pas garantie, chacun pouvant être tenté de tirer son épingle du jeu pour résister aux tempêtes.

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Maintenir l'unité interne

La capacité de maintenir une parole unifiée face aux pouvoirs politiques dépendra évidemment du contexte plus général et des choix faits par ces derniers. "On craint la dislocation sociale, on rejette l'inertie, on privilégie le rebond", a ainsi affirmé le président, reprenant trois des cinq scénarios dégagés par le comité de prospective de l'Uniopss. Dans le contexte le moins favorable - la dislocation sociale -, il serait difficile à l'Uniopss de préserver l'unité interne alors que le scénario du rebond libérerait des espaces d'innovation propice au développement du mouvement associatif.

Intransigeance sur certaines valeurs

Pour la présidentielle qui se prépare, l'Uniopss n'entend pas être inerte. Au lieu de préparer une plate-forme de revendications (dont peu sont finalement appliqués par les gouvernements), elle va définir une sorte de projet de société affirmant quelques valeurs sur lesquelles elle sera intransigeante. Parmi ces valeurs, le refus du populisme anti-pauvres. "Il est dangereux d'accepter la confusion dans le discours politique entre assistance et assistanat", a affirmé, sous un tonnerre d'applaudissements, Patrick Doutreligne.

Beaucoup de cheveux blancs

Pour être en ordre de marche, l'organisation devra répondre à deux défis, comme elle l'a exprimé implicitement lors de la conclusion : donner plus de place aux personnes accueillies (les fameux "usagers", "bénéficiaires") et aux nouveaux militants ; élargir son assise en touchant de nouvelles associations. Sur la première question, la volonté est clairement affirmée, mais il faut la faire entrer dans les faits. Cela passe par l'adoption de modes de fonctionnement plus participatifs (ce qu'a commencé à faire l'Uniopss lors de son congrès). D'autre part, un rajeunissement des cadres de l'Uniopss s'impose comme l'a reconnu Benoit Ménard notant que "la proportion de cheveux blancs [était] importante". La forme du congrès (avec de nombreux discours assez convenus) est sans doute à revoir. Elle est particulièrement peu adaptée à toute une génération de jeunes militants façonnée par les réseaux sociaux pour qui la réactivité est une seconde nature.

Parrainage d'une petite association

Second d��fi : toucher de nouvelles associations qui restent souvent en marge du réseau des Uriopss. Ainsi, Patrick Doutreligne a-t-il proposé que chaque établissement membre d'une fédération adhérente s'engage à aider une association qui ne dispose pas de salarié, sous une forme libre (aide à l'organisation ou financière, prêt de locaux...). L'objectif est d'atténuer l'écart qui s'est creusé entre les grandes associations qui ont eu tendance à devenir des institutions, parfois lourdes, et tout un réseau associatif de base, très créatif mais très fragile. Un premier bilan de cette coopération inter-associative sera dressé lors du prochain congrès qui aura lieu en 2018 à Tours à l'occasion des 70 ans de l'Uniopss. Une affaire à suivre qui collait assez bien avec le mot d'ordre "Engagez-vous !", délivré par le ministre Patrick Kanner qui est venu représenter le chef de l'Etat au congrès de Montpellier, sans faire aucune véritable annonce (1) pour la dernière année du quinquennat Hollande.

 

(1) Seule nouveauté : la création, dans le cadre du projet de loi Egalité et citoyenneté, d'un congé de 6 jours pour les responsables associatifs.        

Noël Bouttier
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