Hier soir, sur les ondes de RTL, un débat a opposé Philippe Martinez et Laurent Berger, secrétaires généraux de la CGT et CFDT, au sujet du projet de loi Travail. Petit résumé de ces échanges...vifs mais décevants entre deux syndicats qui avaient signé en 2008 une position commune réformant la représentativité syndicale.
Curieux débat hier soir sur le projet de loi Travail, entre 19h et 20h, sur les ondes de RTL entre Philippe Martinez et Laurent Berger, respectivement secrétaire général de la CGT et de la CFDT (voir un extrait ci-dessous). Les échanges ont été vifs entre deux protagonistes qui se tutoient mais qui ne se laissent rien passer, et les animateurs (Marc-Olivier Fogiel et Alain Duhamel) visiblement dépassés par des répliques portant tant sur le projet de loi que sur l'actualité sociale récente. Il ne faut pas trop en demander, non plus, aux éditorialistes !
Curieux débat car il aura attisé les divisions syndicales sur des positions assez caricaturales, chacun forçant le trait. L'auditeur aura retenu que la CGT y défendait le principe des conventions collectives (comme si la CGT ne signait aucun accord d'entreprise alors qu'elle en signe 85%!) et que la CFDT soutenait comme bon par principe la négociation d'entreprise et les accords qui en découlent, comme si ce syndicat n'organisait aucune grève dans les entreprises.
Au nom du "réalisme", Laurent Berger a ainsi défendu les vertus de la négociation d'entreprise en prenant l'exemple des accords compétitivité de STX (qui seraient récompensés par les récents contrats obtenus par le chantier) et de Renault (récompensés par l'absence de fermeture de site). Fort bien. Sauf que ces accords, dans lesquels les salariés acceptent une révision défavorable de leurs conditions de travail au nom du maintien de l'emploi, ont été sign��s sans la loi Travail et qu'ils n'entraient même pas, du reste, dans le cadre des accords de maintien dans l'emploi prévus dans la loi de sécurisation de l'emploi, cadre voulu par la CFDT. Il eût été intéressant de parler des négociations en cours chez PSA, par exemple, qui ont vu Rennes, un site à l'avenir encore incertain, anticiper la donne en signant un accord compétitivité, au risque de favoriser une concurrence entre sites. Mais il ne faut pas trop en demander à des éditorialistes.
Il eût été aussi intéressant de pointer les enjeux des accords emploi offensifs prévus par le projet de loi travail (ce que Philiippe Martinez a tenté de faire brièvement) qui contiennent peut-être un risque de dumping social supérieur à celui de l'article 2. Mais il ne faut pas trop en demander...
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
Laurent Berger a eu raison d'affirmer qu'il n'y avait pas d'inversion de la hiérarchie des normes au sens où le projet de loi Travail n'autorise pas, par exemple, à déroger au Smic, et que l'accent mis sur les accords d'entreprise ne concerne que le temps de travail. Mais son affirmation selon laquelle les droits des salariés seraient forcément protégés par le caractère obligatoire des accords majoritaires permettant une dérogation à un accord de branche au sujet du temps de travail et de la rémunération des heures supplémentaires a permis à Philippe Martinez d'ironiser sur la vraie vie dans les entreprises en évoquant le chantage à l'emploi en échange de signatures syndicales ouvrant la voie à un dumping social. Ce dernier a aussi marqué un point en pointant la contradiction d'un gouvernement qui voulait réduire, en les regroupant, les négociations d'entreprises au moment de la loi Rebsamen, et qui désormais met l'accent à tout propos sur cette négociation d'entreprise.
Laurent Berger, souvent offensif et tranchant, a pour sa part souligné avec force les avancées pour les salariés que son syndicat avait engrangé lors des négociations interprofessionnelles (Ndlr : donc pas dans des négociations d'entreprise!) comme la complémentaire santé pour tous les salariés ou le compte pénibilité, ce que la CGT, sur une posture défensive, ne peut revendiquer, d'autant que les documents de travail de la CGT produits par exemple à l'occasion des concertations avec le ministère soutiennent mal la comparaison avec ceux de la CFDT, plus fouillés.
C'est peut-être dans ce domaine que la bataille syndicale est cruciale : montrer aux salariés qu'on les défend (CGT) ou qu'on leur apporte quelque chose (CFDT), la toile de fond étant la compétition pour la représentativité syndicale dont la mesure sera renouvelée en 2017, la CGT étant actuellement le premier syndicat français devant la CFDT. Un enjeu largement escamoté hier dans l'émission de RTL. Pourtant, un simple coup d'oeil sur les réseaux sociaux hier soir (chaque camp syndical dénonçant l'autre) aura permis de vérifier le caractère impitoyable de cette bataille d'opinion. L'émission aura du reste donné une impression pénible quant à la faiblesse et à la division du syndicalisme à la française, comme si les salariés n'étaient pas intéressés par tous ces débats et ces subtilités. Et dire que la CFDT et la CGT s'étaient mis d'accord en 2008 sur une position commune qui allait réformer les critères de la représentativité syndicale...
►Sur ce sujet, voir aussi notre article paru hier : "Projet de loi Travail, ce qu'en disent deux élus de terrain, CFDT et CGT"
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