Faire entendre aux actionnaires réunis en assemblée générale la voix des salariés et leurs préoccupations sociales : c'est l'objectif de la coordination CFDT du groupe Carrefour qui lance l'Arasc, l'association pour la représentation des actionnaires et salariés Carrefour. Explications.
Dans les locaux de la fédération CFDT Services à Pantin, de l'autre côté du périphérique parisien, s'est tenue mercredi 10 mai la première assemblée générale de l'Arasc, l'association pour la représentation des actionnaires et salariés Carrefour (*). "Cette initiative est une première, elle s'inscrit dans le projet confédéral de la CFDT de renouveler les pratiques syndicales. Cette association est l'aboutissement d'une action menée depuis des années lors des assemblées générales de Carrefour mais c'est aussi une étape. L'objectif est de peser autrement sur les décisions d'une entreprise, d'interpeller les dirigeants", se félicite Olivier Guivarch, le secrétaire général de la CFDT Services.
Pour pouvoir s'exprimer lors de l'assemblée générale de leur groupe et faire entendre un point de vue social aux actionnaires, une centaine de salariés militants CFDT ont acquis depuis 2003 un millier d'actions leur donnant droit de vote et donc d'expression. C'est une goutte d'eau par rapport aux actionnaires principaux du groupe, à savoir le groupe Arnault (propriétaire de LVMH), la famille Moulin (qui possède les Galeries Lafayette) et l'homme d'affaire brésilien Abilio Diniz, le FCPE (fonds commun de placement d'entreprise) ne pesant pour sa part que 1,1% du capital. Mais ces actions permettent une certaine visibilité : les interventions des salariés actionnaires, avec la casquette orange CFDT, sont devenues habituelles dans les AG, tout comme d'ailleurs les manifestations de la CGT devant le lieu de l'AG. Pour prolonger cette action et la structurer, l'équipe coordonnatrice de la CFDT, le deuxième syndicat du groupe (26% des voix environ) loin derrière la FO (48%) mais devant la CGT (autour de 23%), a donc eu l'idée de fédérer dans une association ces salariés actionnaires.
L'Arasc, qui compte pour l'instant 60 adhérents, a aussi vocation à accueillir d'autres actionnaires individuels sensibles aux préoccupations sociales d'un groupe qui compte 120 000 salariés en France (**). "Un grand chantier s'ouvre à nous", explique Bruno Moutry, président de l'association, également représentant syndical au comité de groupe. Ce chantier consiste à étudier préalablement à l'AG les résolutions soumises au vote des actionnaires, notamment sur les dividendes et la rémunération des dirigeants, avec l'aide notamment du cabinet d'expertise Syndex, d'argumenter les prises de parole et de position pour tenter de mieux faire entendre la voix des salariés, explique Sylvain Macé, secrétaire de l'Arac et délégué syndical de groupe. "L'idée n'est pas de poursuivre un combat mais de concilier les intérêts de chacun en pratiquant la responsabilité sociale que l'entreprise évoque à tout bout de champ", poursuit Sylvain Macé. L'idée d'une notation sociale du groupe par les salariés est également évoquée, mais elle ne sera pas prête d'ici la prochaine assemblée générale de Carrefour, qui a lieu le 17 juin.
Cette assemblée devrait être marquée par le passage de relais entre l'actuel PDG, Georges Plassat, et le nouveau qui devrait être connu dans les prochains jours. A ce propos, l'Arasc estime que le groupe reste fragile. "On a pillé l'entreprise en distribuant des dividendes excessifs en 2009 et 2010. Et même si on est revenu à quelque chose de plus raisonnable, les dividendes continuent de progresser même quand les résultats baissent (Ndlr : 529 millions de dividendes en 2016 sur 746 millions de résultat en 2016 contre 517 millions de dividendes pour 980 millions de résultat en 2015). Cela a un effet sur les investissements et la performance du parc de magasins. Du coup, on nous dit sans cesse qu'il faut réduire le socle social, alors que nous avons aussi perdu 10 000 emplois ces dernières années", dit Sylvain Macé.

L'emploi constitue toujours la première préoccupation des salariés, avec la crise du modèle des hypermarchés, les incertitudes liées au e-commerce et les conséquences sur les effectifs de la digitalisation qui touche maintenant les activités bancaires de Carrefour. "Il y a une inquiétude très forte dans le personnel. Nous devons être dans l'anticipation de tous ces changements", dit encore le secrétaire de l'association. Un autre souci a trait aux rémunérations et notamment à la baisse de la participation distribuée au personnel : "En quelques années, déplore l'Arasc qui vise les conséquences de l'accord collectif signé par FO actant un changement de calcul, nous sommes passés d'une participation représentant un mois et demi de salaire à un demi-mois de salaire aujourd'hui". Il y a enfin la question de la remise en cause du statut social : "La prime de fin d'activité, qui représentait 18 mois de salaire pour un départ en retraite, a été ramenée à 6 mois", dit Bruno Moutry. Autant dire que l'octroi d'une prime de bienvenue ("welcome bonus") au nouveau PDG serait mal perçu par les salariés.
Les salariés du distributeur auront d'ici la fin de l'année une autre voie pour faire entendre leurs préoccupations auprès des dirigeants. Comme la loi l'y oblige, Carrefour va procéder à deux nominations de salariés dans son conseil d'administration. "Un membre sera désigné par le comité européen et un autre par le comité de groupe France", précise-t-on à la CFDT. Mais aucun syndicat n'attend de réel changement de ces représentations. "C'est une bonne chose mais cela reste très limité. Là où les salariés sont déjà représentés dans un conseil d'administration, nous observons que tout se décide souvent avant le conseil", observe Dejan Terglav, le secrétaire général de la fédération FGTA-FO.
(*) Extrait de l'objet de l'Arasc : "Représentation des actionnaires salariés Carrefour et la défense de leurs intérêts dans le cadre de la répartition des bénéfices et des choix stratégigues de l'entreprise et de toutes opérations pouvant impacter l'emploi. Toute action, proposition, analyse en lien avec l'épargne salariale. Représentation des actionnaires individuels Carrefour qui souhaitent promouvoir un actionnariat socialement responsable et une éthique de gouvernance. Etre une force de proposition auprès de la direction du groupe Carrefour (..) Informer les actionnaires sur l'activité sociale et économique de Carrefour SAS (..) Préparer les interventions et le vote des résolutions pour l'assemblée générale des actionnaires. Confier lors de l'AG des actionnaires les pouvoirs de vote des actionnaires individuels qui le souhaitent aux membres de l'association".
(**) Carrefour, qui compte près de 12 000 magasins dans le monde dont 5 600 en France, réalise 86 milliards de chiffre d'affaires dont 46% en France. Le groupe emploie 384 000 salariés dans le monde dont 120 000 en France.
FO : "Nous ne sommes pas dans la cogestion" |
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Interrogé sur l'initiative de la CFDT, Dejan Terglav, secrétaire général de la fédération FGTA-FO, marque sa différence : "Ce n'est pas notre façon de faire à FO, nous ne sommes pas dans la cogestion. Les actionnaires font leur travail, nous faisons le nôtre. Quand il y a un problème ou des questions à poser, nous sollicitons directement la direction générale ou les ressources humaines. Et même s'ils tiennent assez peu compte de ce que nous disons, ce n'est pas une raison de créer une organisation pour les assemblées générales". Signalons que Dejan Terglav a pris publiquement position concernant la succession du PDG de Carrefour en soutenant la candidature de Noël Prioux, actuel directeur exécutif de Carrefour France, au nom "du partage de valeurs du dialogue social" que ce dernier "a su mettre en oeuvre concrètement". |
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
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