La commission des marchés au sein des CE de grande taille : mise en oeuvre pratique

La commission des marchés au sein des CE de grande taille : mise en oeuvre pratique

20.06.2016

Représentants du personnel

Nous vous proposons régulièrement les chroniques des membres du comité des CE auprès du Conseil supérieur de l'Ordre des experts comptables. Aujourd'hui, Arnaud Largier, membre du comité CE, et Xavier Huault Dupuy, expert-comptable membre du comité CE, analysent les dispositions instaurant pour les plus grands CE une commission des marchés, qui vise à assurer la transparence et la saine gestion des comités d’entreprise.

La commission des marchés a été instituée dans les plus grands comités d'entreprise par la loi du 5 mars 2014 et les décrets du 27 mars 2015. Elle vise à assurer la transparence et la saine gestion des CE. L’existence de la commission des marchés est définie aux articles L2325-34-1 à 4 du code du travail. Elle n’est obligatoire que dans les CE dont deux critères sur trois ci-dessous sont réunis :

  • des produits (incluant les participations des salariés) supérieurs à 3,1 millions € / an ;
  • un total de bilan supérieur à 1,55 million € ;
  • 50 salariés appointés par le comité.
1. L’objet de la commission des marchés

La mise en place obligatoire de la commission des marchés répond au besoin d’améliorer les procédures d’achat dans les plus grands comités d’entreprise. Un consensus est intervenu pour créer un réf��rentiel légal, réglementaire et comptable structuré pour les comités d’entreprise, face au vide qui existait jusqu’ici en la matière.

La loi fixe des obligations minimales, mais laisse chaque CE s’organiser de la façon dont il le souhaite. Elle laisse au règlement intérieur, qui est voté à la majorité des membres présents, le soin de fixer les modalités de fonctionnement de la commission, le nombre de ses membres, les modalités de leur désignation et la durée de leur mandat. La loi du 5 mars 2014 impose l’intervention d’une commission des marchés uniquement lorsque le montant desdits marchés est supérieur à 30.000 € pour un gros CE. Il n’y a pas d’obligation de commission des marchés dans les autres cas, mais rien n’empêche un moyen ou petit CE de créer une commission des marchés ou de prévoir une intervention de la commission sur des marchés pour des montants inférieurs à 30.000 €.

Il appartient au CE de déterminer ses critères pour le choix des fournisseurs

Selon les termes de l’article L. 2325-34-2 du code du travail, le CE "détermine, sur proposition de la commission des marchés, les critères retenus pour le choix des fournisseurs/prestataires et la procédure des achats". Une réunion plénière devra donc avaliser non seulement les critères retenus pour le choix des fournisseurs et les procédures d’achats proposés par les membres de la commission des marchés, mais aussi les modalités de fonctionnement de cette commission, prévues dans le règlement intérieur.

Notons que les termes du code du travail n’imposent pas aux CE le recours à un appel d’offres ou à une mise en concurrence. Rien ne s’oppose de même à ce que le nombre de prestataires consultés soit limité, voire réduit à un seul prestataire, si les critères de choix sont respectés. Le Code du travail fixe les missions que doit, a minima, remplir la commission des marchés :

  • proposer au CE les critères retenus pour le choix des fournisseurs / prestataires et la procédure des achats;
  • choisir les fournisseurs et les prestataires du comité d'entreprise;
  • rendre compte de ces choix, au moins une fois par an, au CE et établir un rapport d'activité annuel.
2. Les marchés concernés par le seuil de 30.000 € : principes directeurs et exemples pratiques

Le législateur parle d’abord de marchés, que nous définissons comme un contrat devant répondre à un besoin précis et défini. Le rôle de la commission des marchés peut être assimilé à celui de la sélection des candidatures dans les marchés publics. Il en découle que les critères de choix ne peuvent être basés que sur les capacités professionnelles, techniques et financières des prestataires. Le comité pourra également retenir des critères liés à une démarche RSE (responsabilité sociale et environnementale) : en faveur de la protection et de la mise en valeur de l’environnement, du progrès social et du développement économique.

Nous recommandons de suivre plusieurs principes directeurs :

  • utiliser, à l’image de la jurisprudence URSSAF en matière d’ASC (activités sociales et culturelles), des critères objectifs et pertinents, non discriminatoires ou déconnectés du marché, tels que le prix, la valeur technique, les performances en matière d’insertion professionnelle des publics en difficulté, la solidité financière de la structure;
  • proscrire les allotissements abusifs alors que le marché vise à répondre à un même besoin;
  • éviter toute sous-estimation des quantités alors que des indicateurs objectifs, comme le chiffre d’affaires ou les volumes de l’année précédente, plaident pour des quantités supérieures. Dans l’hypothèse où le seuil de 30 000 € est dépassé au cours de l’exécution du contrat, la poursuite de la prestation sera conditionnée à la validation par la commission des marchés;
  • le CE doit également limiter la possibilité pour les prestataires de proposer des services annexes non chiffrés dans le prix global au moment de la contractualisation du marché.
Quelques exemples concrets d’application de marchés

A titre d'exemple, on peut citer :

  • un contrat de blanchisserie avec un prestataire : la notion de contrat est considérée comme un marché;
  • s’agissant de la mission du commissaire aux comptes : le marché du commissaire aux comptes est sur 6 exercices. C’est donc le montant total du marché - et non le montant annuel - qui est visé par le terme "marché". A titre d’exemple, une prestation de 20.000 € par an sur 6 ans, soit 120.000€ au total, doit faire l’objet d’un passage en commission des marchés;
  • concernant les prestations d’expertise-comptable : il faudra différencier, par exemple, la proposition d’un sondage CE de 25.000 € s’ajoutant à une mission révision de 10.000 €. En effet, le marché n’est pas celui de l’expertise-comptable, mais d’une autre prestation répondant à un autre besoin, nous pouvons donc considérer qu’il s’agit de 2 marchés distincts n’entraînant pas de dépassement de seuil des 30.000 €;
    Si le seuil est dépassé dans l'année, le prestataire doit passer devant la commission des marchés

     

  • si pour une prestation, le seuil des 30.000 € est dépassé en cours d’année (missions annexes, variables en quantités dans les contrats), le prestataire doit passer devant la commission des marchés. De notre point de vue, il faut que les montants des années précédentes ne donnent pas à penser que le seuil des 30.000 € sera dépassé chaque année;
  • des services facturés à la consommation, comme de l’assistance juridique ou de la formation, par exemple, il faudra que le CE soit en mesure de justifier l’évaluation initiale de la taille du marché inférieure à 30.000 €;
  • si un même voyagiste propose 5 voyages par an répondant aux mêmes besoins (exemple : tous les voyages en Chine du Sud), le marché pourrait être considéré comme global pour les 5 voyages. En revanche, si les voyages ont lieu dans des endroits différents (Chine, Amérique du Sud, etc.), avec des contenus qui ne sont pas similaires, nous pourrions considérer que ce n’est pas le même public visé et pas le même besoin. En conséquence, le marché serait donc appréhendé voyage par voyage.

L’expert-comptable sera de bon conseil lors de la mise en place de la commission des marchés, lors de l’élaboration du règlement intérieur et du rapport annuel d’activité de la commission, ainsi que plus largement dans les réflexions du comité d’entreprise pour améliorer ses procédures d’achat et son contrôle interne.

 

Créé par l'ordonnance de 1945 et placé sous la tutelle du Ministère de l'Economie, des Finances et du Budget, l'Ordre des Experts-comptables a pour mission de représenter, défendre, valoriser les professionnels et les accompagner dans leur développement, tout en étant le garant éthique de la profession d'expert-comptable. L'Ordre est représenté par le Conseil supérieur composé de 66 membres.

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

Découvrir tous les contenus liés
Ordre des experts-comptables Co-auteur : Arnaud Largier, membre du comité CE, et Xavier Huault Dupuy, expert-comptable membre du comité CE
Vous aimerez aussi