"La contestation d'un avis du médecin du travail est une situation ubuesque !"

"La contestation d'un avis du médecin du travail est une situation ubuesque !"

31.05.2021

Représentants du personnel

Le texte donnant compétence au référé prud’homal dans le cadre de la contestation des avis du médecin du travail a connu plusieurs vicissitudes depuis son adoption par la loi El Khomri, et il reste toujours inapplicable faute notamment de médecins inspecteurs, déplore, dans ce point de vue, Bernard Augier, vice-président du conseil des prud'hommes de Lyon.

Dans le cadre d’une procédure qui est passée du référé en la forme à la procédure accéléré au fond, la décision rendue par le référé est une décision au fond, donnant une compétence exclusive au référé en la matière.Il faut  que les demandeurs sont, à peu près, pour moitié des salariés et pour moitié des employeurs, ce qui en fait une procédure particulière puisque dans le cadre des demandes globales devant le conseil des prud'hommes (CPH), ce sont 99 % de salariés qui sont en demande.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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La consignation pour que l'expert commence son travail était d'un coût dissuasif pour le salarié 

 

 

La première loi renvoyait, si la formation de référé le décidait, à un expert près la cour d’appel spécialisé en médecine du travail, sauf que dans les cours d’appel il n’y avait pas d’experts de ce type, curieuse façon de façonner une loi sans en avoir mesurer les insuffisances pour qu’elle puisse s’appliquer, mais, surtout, le coût de la consignation pour que l’expert commence son travail était largement dissuasif, notamment pour les salariés !

Devant cette situation, sur interpellation des acteurs sociaux, dans le cadre du CSP, le texte a évolué et nous sommes revenus, croyions nous, à un peu plus de bon sens.

Dans certaines régions, il n'y a pas assez voire pas du tout de médcin inspecteur régional du travail ! 

 

Depuis le 1er janvier 2018 en effet, c’est un médecin inspecteur régional du travail (MIRT) qui peut être saisi, en lieu et place d'un expert, avec une consignation limitée (voir l'article R. 4624-45-1). Mais c’est là que l’aspect ubuesque de la situation prend tous son sens, puisque aujourd’hui il n’y a pas assez, voire dans certaines régions, aucun médecin inspecteur régional du travail du fait de la vacance du poste !!

Les ministères du Travail et de la Justice, alertés sur cette situation, laissent perdurer cette situation, empêchant ainsi de concilier le besoin des justiciables employeurs ou salariés en matière de contestation des avis rendus par le médecin du travail, et la responsabilité des conseillers prud’hommes siégeant en référé qui doivent rendre une décision en référé par une procédure accélérée au fond.

La seul réponse du ministère de la Justice, questionné à ce sujet, serait de revenir en arrière et nommer un expert au titre de l’article 141 du CPC ! On marche sur la tête : il faudrait donc revenir à une situation antérieure, abrogé dans le code du travail qui prévoyait la nomination d'un expert, en lieu et place de la désignation d’un MIRT !

Procéduralement, ce n'est pas possible de revenir en arrière  

 

Ce n’est, de plus, pas procéduralement possible, car ce serait faire fi d’un texte spécifiquement inscrit dans la procédure prud’homale ne permettant pas de passer outre les dispositions de la procédure prud’homale, en allant sur le terrain du code de procédure civile ! (voir l'article R.1451-1 du code du travail). « Sous réserves des dispositions du présent code (du travail), et donc de la désignation d’un MIRT, la procédure devant les juridictions prudhomales est régie par les dispositions du code de procédure civile »

Pour donner un exemple concret, dans la région Auvergne Rhône Alpes sur 7 postes, 3 postes étaient pourvus en 2018, 1 seul en 2020, en 2021 le poste est vacant, et les MIRT des régions limitrophes que nous pouvons saisir (voir l'article R. 4624-45-2) sont dans la même situation, d’ou une procédure  bloquée du fait de l’incurie des Ministères concernés, et notamment celui du Travail concerné par la nomination de MIRT, mais sans solution à ce jour !

Au CPH de Lyon, 15 dossiers sont en attente 

 

Sur le conseil des prud'hommes de Lyon, 15 dossiers sont sont en attente de décision en l’absence de MIRT, ou de refus bien compréhensible de MIRT de régions limitrophes sollicités mais qui n’en peuvent plus au vu de leur activité accrue en l’absence de postes pourvus, comment se sortir de cette situation qui  peut rapidement devenir un déni de justice à l’encontre des juges prud’homaux !!

La réponse laconique du ministère du Travail (“on va s’en occuper”) n’a à ce jour donné aucune solution, les questions étant de savoir, pourquoi les postes ne sont pas pourvus et quels en sont les obstacles, car au-delà de la procédure contentieuse devant le CPH, le MIRT a d’autres tâches liées à la santé et la sécurité des salariés.

A l’heure ou le directeur général du travail Travail annonce 300 000 contrôles en 2021, dont 90 000 en matière de santé et de sécurité (Ndlr : lire l'article d'actuEL-CSE), nous sommes impatients de connaître les moyens concrets et sérieux qui seront données en matière de MIRT, afin que les conseillers prud’hommes qui ne sont pas médecins, puissent remplir leur mission première celle de rendre la justice au nom du peuple français !

 

 

Bernard Augier
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